Trois heures de retard, un pot de beurre de cacahuète vidé, deux reportages sur la vie des mammifères marins regardés, je n'en pouvais plus de cette attente. Je craquais, et l'appelais. Personne ne me répondait, personne n'était à l'autre bout du fil. Putain, Dex soufflais-je, énervée. Je n'étais pas de nature impatiente, bien au contraire, mais j'appréciais savoir mon compagnon de retour, après une longue journée de travail. J'aimais ses bras pour m'accueillir, j'aimais la chaleur de son corps afin de trouver le sommeil, et j'aimais savoir mon enfant auprès de son père. Je commençais à sentir mes mains trembler, et un nœud prendre place dans mon ventre. Ma respiration était accélérée, mes paupières fermées. J'attendais que mon portable, glissé entre mes doigts, vibre ; j'attendais d'avoir des nouvelles de Dex. Six ans que je vivais à ses côtés, et pas une seule fois j'avais été amenée à m'inquiéter pour lui. D'ordinaire, il me prévenait, m'informait de ses retards et m'en expliquait la raison. Je me savais simple là-dessus, et peu étouffante. Je lui laissais sa liberté, totale. J'enfonçais à présent mes doigts dans mes cheveux, à deux doigts de plaquer mes doigts contre mon mur. Je savais que quelque chose s'était passé, je savais que Dex n'était en ce moment-même pas bien. Ce n'était pas possible qu'il en soit autrement. Seulement, je restais là, silencieuse, ne voulant réveiller l'angoisse de ses parents, ou même de mon fils, Noah, qui dormait à deux pièces du salon. Les minutes, les heures défilaient, je ne bougeais pas, jusqu'à ce qu'un claquement contre la porte me fasse sursauter. Il était deux heures, la lune éclairait mon salon, j'avais peur. Je me redressais, traînant des pieds. Dex ne frapperait pas, il possédait les clefs. Je ravalais doucement ma salive, et ouvrais la porte. J'en découvrais le visage neutre de deux policiers, clairement fatigués. Je retenais mon souffle, et la bombe tomba. J'explosais, littéralement. Je sentais mon corps partir, et appuyais mon visage contre le mur. Je tombais contre celui-ci, me glissant lamentablement sur le sol. Je me sentais trembler, de plus en plus. J'avais envie de hurler, mais rien ne sortait, j'étais bloquée, tétanisée. Tout se détruisait à l'intérieur de moi, j'avais mal au ventre, mal au cœur. J'avais la sensation qu'une force, invisible, me l'arrachait. Je sentais qu'on essayais de me rattraper, je sentais que quelqu'un tentais de me relever, me murmurant des désolés. Je n'en voulais pas, je ne voulais pas qu'on m'aide, ou que l'on se montre faussement compréhensif de ce malheur qui m'envahissait. Je voulais simplement qu'on m'explique pourquoi la vie m'avait arraché de mon mari.

Deux ans que j'avais perdu pied, il était temps, pour moi, mais surtout mon enfant que je reprenne le bon chemin. Je descendais du camion de déménagement, et sortais l'un des meubles afin de le déposer dans ma nouvelle maison. L'argent du décès m'avait permis d'acheter un nouveau domicile, à San Diego, pour un nouveau départ. Il était horrible pour moi de me dire que sans la mort de mon mari, je n'aurais pas pu m'acheter une baraque telle que celle-ci. Saloperie d'aide, et assurance. Puis, il avait fallut que je demande une mutation, heureusement que celle-ci fut simple à obtenir. Bref, je regardais déjà Noah courir sur la pelouse, il n'en n'avait pas l'habitude. Je me sentais observée, les voisins. Mais qu'importe, je ne voulais posséder ici l'étiquette de femme veuve et dépressive. J'étais bien, il fallait que je me le prouve, et rende la vie de mon petit plus agréable.