Ҩ Elle avait accepté de le voir. Il savait comme cela devait être déstabilisant pour elle. Et pour lui aussi, ça l'était. Il devait agir comme si de rien n'était. Comme si elle n'était qu'une simple amie, une connaissance dont il avait de l'affection et qu'il voulait aider dans son rétablissement. Comme si les six dernières années avaient été éradiquées. Détruites. Pire encore : inexistantes. Il gara sa voiture non loin du parc. Il voulait lui faire prendre l'air. Et cet endroit était le mieux, n'est-ce pas ? Il hésitait sans cesse sur la façon dont il devait agir avec elle. C'était si compliqué. Malheureusement, il ne voulait pas la faire marcher trop longtemps, c'est pourquoi il se gara près de là où on pouvait prendre le petit train qui faisait le tour du parc. Il craignait également de la blesser dans son égo en lui faisant plutôt prendre ce petit moyen de transport. Il faut dire qu'il la savait caractérielle, la jolie brunette. Il se gara, dans ce silence qu'il ne supportait pas, dans cette tension qu'il avait du mal à gérer même s'il était sans doute le seul à sentir. Il ouvrit sa portière & se dirigea directement vers la sienne pour la lui ouvrir, lui tendant la main avec un sourire, faisant passer ça dans un geste de galanterie. Il posa ses yeux bleus sur les siens, frémissant, attendant de voir sa réaction quand elle verrait ce qu'il avait prévu comme « sortie » pour leur après-midi. « Allez viens, Opale, ça te fera du bien de prendre l'air. » Il agissait avec elle comme avec une amie. Était-ce au moins pour ça qu'elle le considérait ? Il espérait. Ce serait déjà ça..

Il était très frustrant pour Opale de passer la journée avec un homme inconnu à ses yeux. Sa mémoire principale était partie, mais des détails insignifiants lui revenaient au fur et à mesure du temps qu'elle passait avec lui. La couleur de ses yeux par exemple, au début la jeune femme ne s'en souvenait pas. Mais désormais, elle avait l'impression de les avoir déjà vu quelque part. Ou encore, la façon que Santiago avait d'être avec elle lui rappelait des flash sur sa vie à New York par exemple.. Mais rien de plus malheureusement. De plus en plus, Opale désirait reconnaître cet homme, qui prenait soin d'elle comme à la prunelle de ses yeux. Elle essayait d'être le moins froide possible envers lui, même si elle trouvait cette relation des plus étranges. Aujourd'hui, Santiago était venu la chercher chez elle. Il avait prévu une promenade en train, activité que la belle brune adorait. De toute façon, ils se connaissaient depuis six ans d'après ce qu'il lui avait dit. Il était tout à fait normal qu'il connaisse ses goûts et ses envies. Heureuse de cette proposition, Opale esquissa un sourire radieux. « C'est une très bonne idée, vraiment. » Elle était sincère, et elle mettait tout en oeuvre pour ne pas blesser Santiago. A pas lents, elle le suivit jusqu'au petit train. Délicatement, elle s'installa sur un fauteuil tout au fond. Opale avait toujours préféré s'asseoir à la fin du train, pouvant regarder le paysage derrière elle. La belle brune croisa les jambes, laissant le vent frais flageller son visage. Opale tourna son regard vers Santiago. Son ventre se noua subitement, mais elle se promit de ne pas perdre ses moyens. Elle voulait se souvenir, elle voulait tout faire pour retrouver au moins une partie de sa mémoire. « Dis.. Tu pourrais me parler d'un de nos souvenirs ? Enfin, si tu veux.. » Elle était plutôt gênée, mais elle essayait de faire des efforts. Opale essayait de changer, et de ne plus blesser Santiago comme elle avait pu le faire au début.

Opale savait pertinemment qu'elle se jetait dans la gueule du loup en lui demandant cela, mais elle était prête à prendre le risque. Celle-ci ne désirait plus rester dans le néant qui l'habitait sur sa relation avec Santiago. Il méritait qu'elle fasse des efforts, après tout ce qu'il avait fait pour elle ces derniers mois. Opale savait que c'était avec lui qu'elle avait eu son accident, il le lui avait déjà dit. Au fond d'elle, la jeune femme ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir pour ça. Mais après tout, ce n'était pas la faute à Santiago. D'après ce qu'il lui avait raconté, un camion leur avait coupé la route lâchement, ne leur laissant aucune chance. Opale gardait toujours espoir de retrouver la mémoire, et elle comptait sur Santiago pour l'aider au mieux. Elle était certaine qu'il voudrait l'aider, même si ce serait difficile pour eux deux. La belle brune tourna son visage vers Santiago, alors que le train vint à démarrer. Elle écouta attentivement le souvenir qu'il lui raconta. C'était très émouvant, surtout quand Opale se permit de l'observer soigneusement. Ses traits se serraient, ses paupières se fermaient à plusieurs reprises et son sourire était des plus crispés. Il lâcha même un petit rire, plutôt nerveux, avant de reprendre où il s'était arrêté. A la fin de son histoire, Opale ne put s'empêcher de déglutir. Il l'avait achevé sur le verbe aimer, comme s'il voulait lui faire passer un message.. Subitement, la jeune femme sentit ses yeux se remplirent de larmes. Elle ne s'en souvenait pas, comme elle l'avait prédit. Elle prit plusieurs secondes pour répondre, essayant de ne pas pleurer devant lui. « C'est magnifique.. » murmura-t-elle, d'une voix faible. Sans réfléchir, Opale posa sa tête sur l'épaule du jeune homme à ses côtés. Elle avait besoin de réconfort, de ne plus penser à son accident. « Je suis désolée. » se contenta-t-elle de dire, attristée. Effectivement, Opale avait du mal à vivre son accident. Mais que devait-elle dire pour Santiago, pour qui se devait être presque aussi dur..?

Ce n'était peut-être pas de sa faute s'ils avaient eu ce terrible accident. Mais le fait de faire du mal à cet homme était sa faute, et ça, elle le savait. Malheureusement, elle ne pouvait pas retrouver la mémoire en claquant des doigts, ce serait bien trop facile.. Le temps. Voici le seul moyen de retrouver une partie de ses souvenirs, le temps. Peut-être qu'elle ne le retrouverait pas intégralement, mais elle espérait au moins en récupérer une partie. Santiago devait s'impatienter, et il allait surement partir un jour.. C'était une hypothèse probable après tout, et Opale n'avait pas le choix de se dire qu'un jour, il partirait. M'enfin, elle n'en savait rien en vérité. D'un côté, elle serait heureuse qu'il s'en aille, car il retrouverait enfin le bonheur. Il méritait d'être avec quelqu'un l'aimant autant qu'il avait aimé Opale. Mais d'un autre côté, la belle brune espérait qu'il reste avec elle, ne pouvant remonter la pente sans lui. De plus en plus, elle se rendait compte qu'elle avait besoin de lui & qu'elle ne pouvait se passer de sa présence et de ses conseils. Opale était très attachée à Santiago, et elle se rendait compte que son attachement pour lui grandissait au fil des jours.. D'après ce que lui disait le jeune homme, il resterait avec elle. Sans s'en rendre compte, Opale se sentit soudainement rassurée. Alors que Santiago prit son visage entre ses mains, celle-ci se retint de ne pas pleurer en voyant la tristesse inscrite sur ses traits. Cet homme la rassurait, tellement. Elle déglutit, essayant de ne pas verser la moindre larme. « Mais j'aimerais tellement me souvenir tu sais ! Je ne supporte pas de savoir que tous les jours, tu souffres à attendre.. l'ancienne moi. Pourquoi tu es si gentil avec moi ? »