Compte jusqu’à deux. Voit double. Copie et colle. Les mêmes. Semblables. Ressemblance.
Ces mots, quand l’on a une jumelle, on les entend sans cesse, encore et toujours comme-ci c’était une maladie incurable que d’avoir une sorte de double toujours collé à vos pieds, que vous devez trainer partout où vous allez. Non, ce n’est pas incurable, c’est juste dame nature qui s’est amusée avec le gros ventre prépondérant de la mère, la condamnant au lit pendant de longs mois car, pas un mais deux enfants avaient pris possession de son corps, perdant ainsi le peu de contrôle qu’elle avait dessus.

J’étais née cinq minutes avant ma petite sœur Gaïa, enfin, ma sœur jumelle que dès lors, je la considérai comme une petite sœur sur laquelle je devais veiller. Mais c’est Erwin qui s’occupa de nous deux à la mort de nos parents alors que nous n’avions que cinq ans. Ma vie ne fut pas parfaite, du moins pendant les premières années. Ma sœur monopolisait l’attention de notre grand-frère qui partageait avec elle, sa passion pour le patinage artistique. J’étais en retrait, bien qu’ils aient tenté à plusieurs reprises de me faire tenir sur ces maudits patins … en vain. Je n’ai jamais réussi et je n’y arriverais peut-être jamais. Un jour, alors que j’étais assise dans les gradins à assister à un long entrainement, sans fin encore, un homme d’une quarantaine d’année partit, oubliant derrière lui, son appareil photo flambant neuf. Je n’avais que douze ans mais ce fut comme une révélation. J’adorais me servir de cet appareil surprenant, presque magique. Les premiers clichés qui en sortirent étaient ceux de ma petite sœur sur ses patins, n’ayant rien d’autre dans ma vie. En quelque sorte, moi aussi, à présent, je faisais partie de leur vie avec mes photographies. Mais tout cela devait rester cacher, secret car sinon mon grand-frère m’aurait obligé à le rendre au vieux monsieur. Certes, j’étais jeune, mais j’avais trouvé une passion qui me donnait l’impression d’être en vie.

« J’en ai marre Gaïa de tes histoires, de toi, de ton obsession du rangement, de tes soucis de santé, de tes passages de dépression ! Je t’ai soutenue toute ma vie maintenant je pense à moi ! » S’en était trop pour moi. Supporter les crises à répétition de ma sœur me nuisait, me faisait sombrer à mon tour. J’avais besoin de partir, de prendre l’air, de quitter ce monde et surtout de la quitter, elle. On était tellement opposée que malgré notre amour, on avait pris deux voix complètement différente l’une de l’autre et c’était peut-être mieux ainsi. Elle avait brillé pendant toute notre enfance et je me réservais le droit de briller maintenant. Oui, mon tour était venue. Trois jours plus tard, j’étais dans un avion en partance pour Londres. Là bas, je fis la connaissance d’un homme, tout ce qu’il y avait de plus parfait. Ma vie était simple, je ne vivais pas de la photographie ce pourquoi j’étudiais la littérature parallèlement. Ma vie me convenait et je ne regrettais absolument pas mon choix. Ces trois années passées à Londres font fait du bien, du moins professionnellement. J’ai pu développer mon réseau et ainsi j’ai pu remplir de nombreux contrat de photographie dans les divers coins Londoniens, tous plus ravissants les uns que les autres. Mais sentimentalement, ce fut un vrai désastre. Non pas que j’enchainais les rencontres sans lendemain mais il arrive un moment où se retrouvait embarquer dans une relation sérieuse en quelques mois où l’on parle de mariage, peut nous chavirer, nous faire sombrer et alors on perd pied. Je n’avais qu’une seule solution. Le quitter, partir le plus loin possible comme je l’avais fait avec ma sœur en laissant un simple « désolé » derrière moi. Je n’étais pas douée pour les sentiments ni même pour les relations avec les personnes. Toute ma vie a été comme ça, une jungle sans fin de lien avec des personnes que je dois, que je me dois, de couper à un moment donné. Me voilà à San Diego de nouveau, et ce n’est pas sûr que la vie soit meilleure, surtout que je dois tout reprendre professionnellement et que ma sœur y vit désormais. Comme quoi trop de liberté vous tut ….