On est tous des mamifrères.L'atmosphère semblait s'alourdir à chaque pas que faisait l'homme en costume; il faisait chaud, puis froid et une goutte de sueur coulait le long de sa joue. Maxxie paraissait anxieux. Ses mains jointes, la jambe tremblante, il récitait dans son petit crâne d'adolescent les points à savoir sur cette biographie qu'il avait rédigée pour son père. 15 ans. Il avait 15 ans et venait de finir la biographie du plus grand chirurgien de l'état Californien. Dans ses chaussures cirées, il faisait les cents pas, semblait plus anxieux que le garçon qui bougeait les jambes, s'étirait, replaçait ses cheveux, se mordait la lèvre avant de lâcher un rire soulagé. Il s'apprêtait à saisir une chouquette lorsque le journaliste passa sa main par une porte pour leur faire signe de passer sur le plateau. Il échangea un regard avec son père; lui était confiant, habitué mais avait surtout peur pour ce qu'allait dire son fils. Devant des millions de spectateurs, il ne devait pas perdre ses moyens. Mais dans le public, deux idiots en train de s'agiter, de faire de grands signes, afficher des sourires bébêtes et lancer des regards amusés donnèrent une piqûre de rappel à Maxxie; il allait assurer, c'était son interview, c'était son moment de gloire, le moment où le nom de famille qu'il portait ne s'accordait pas à la photo grise de son père, plus grand chirurgien de l'état de Californie. Le stress se fana, il lança un de ses regards mutins au public, serra la main du présentateur en plaçant un compliment fin sur sa cravate aux motifs douteux puis fit un clin d'oeil à ses deux potes calés entre deux grosses dames qui bougeaient dans tous les sens pour qu'il puisse les remarquer. Pourtant, lorsque le journaliste lui posa la question de base, il sentit la paume de main de son père se poser sur son épaule, il déglutit et bafouillait grossièrement une réponse à peu près lucide. Évidemment, après cet impression d'impuissance, de perte de contrôle, malgré le sourire rassurant du journaliste, la main qui tapotait son dos et les pouces levés de son pote dans le public il se sentait petit. Petit face aux projecteurs qui l'aveuglaient expressément, petit face au public, petit face aux caméras ... alors il n'attendait qu'une seule chose, la sirène qui signale la fin de l'interview. L'atmosphère lénifiant l'empêcha même de l'entendre cette sirène. Ainsi, il a fallu qu'on lui donne trois coups de coude et qu'on fasse une petite blague; il veut plus partir, il se sent tellement bien sous les projecteurs ! Mais non, il se sentait tellement terrifié par la lumière éblouissante et les applaudissements qu'il en était tétanisé.
Enfin, cet état n'était que temporaire, lorsqu'il s'est pris une tape derrière la tête de Lukàs et Alex de plein fouet qui lui sautait dessus pour lui dire qu'il avait été génial et qu'il faudrait fêter ça avec un paquet de chips et une bonne partie de jeux vidéos; il oublia très vite le malaise. Cependant, il gardait une certaine amertume, une certaine honte enfouie en lui qui se transforma en une peur phobique des plateaux télé, des scènes, des caméras et des projecteurs.
« T'aurais du voir la gueule que tu faisais ! On aurait pu croire que t'étais sérieux quand tu parlais d'exemple paternel ... » elle le connaissait si bien cette Alex. Jamais il ne voudrait devenir chirurgien, et jamais il ne le serait. Lui, il voulait travailler dans le journalisme, écrire des articles plus précisément. Et à 15 ans, il avait déjà cette petite expérience en tant qu'écrivain. En tout cas, il avait gagné quelque chose qu'il ne perdrait jamais; l'admiration de ses parents. Leur fierté. Et ça, ça lui faisait chaud au coeur. Encore plus que le sourire radieux d'Alex et le rictus narquois de Lukàs. Il les attrapa par les épaules et le tira dehors.
« On se fait un burger ce soir ? Je crève de faim. » et plus jamais, plus jamais d'interview pour la promotion d'une biographie dont il se fout totalement; il a fait ça parce qu'il s'emmerdait en fait.
« MAIS PUTAIN VOUS VOYEZ PAS QU'IL SE REMET DU PROCÈS ? VOUS VOULEZ PAS DÉGAGEZ AVEC VOS SALOPERIES LÀ VOUS FAITES CHIER TOUT LE MONDE BARREZ-VOUS !! » la voix d'Alex raisonnait sur le parking du tribunal, Maxxie était au bord de la crise de larme, Lukàs s'occupait de la tenir, pour ne pas qu'il ne tombe ou qu'il soit attaqué par une foule de caméras assoiffées de ragots croustillants.
« Alex c'est bon j'peux me débrouiller ... et lâche-moi Lukàs ! J'suis pas une putain de poupée de chiffon. Lâchez-moi, merde. Il est pas mort que je sache. » la sentence était tombée, le chirurgien était condamné à 5 ans de prison. Maxxie ne savait plus s'il devait avoir de la peine pour la présumée "victime" ou pour son père. Mais lorsqu'il aperçut le visage plein de haine de la mère de cette pauvre jeune fille; il lui en voulut. Non pas pour son regard perçant, mais aussi pour la phrase qu'elle avait lâchée froidement "Cela ne nous rendra pas notre enfant." lorsque le marteau avait tapé contre le socle en bois; 5 ans ferme. Ainsi, pour un scalpel trop aiguisé, pour une veine trop épaisse, pour une milliseconde d'inatention, son père perdait 5 années de sa vie à rester enfermé dans cette prison. Il lui a fallu un petit temps à Maxxie pour se dire qu'il allait revenir, que c'était pas la peine de déprimer pour un truc aussi petit ... Que dans cinq ans, il reviendra. Mais les conséquences ? Son père, perdrait son titre, perdrait sa place de chirurgien en chef, perdrait toute sa passion. Et ça Maxxie, ça le terrorisait. Chaque fois qu'on lui demandait s'il allait bien, il souriait et se tournait vers ses amis desquels il était inséparable et lançait joyeusement :
« On va chez Alex ce soir pour la partie de Need for Speed ? C'est pas moi qui paie la pizza ! » et paf il fonçait jusqu'à la maison d'Alex en ravalant sa foutue fierté; pas le temps de se morfondre sur une frivolité tristement alarmante telle que son pauvre papa qui est en prison pour faute professionnelle. Il va revenir, après tout.
***
Assise dans sa causeuse rouge carmin, elle scrutait le moindre mouvement, la moindre parole que lâcherait Maxxie sur son état émotionnel. Sur son calepin, elle gribouillait on ne sait quoi, Maxxie n'ouvrait pas la bouche, que pouvait-elle bien écrire ? Ses lunettes posées sur le bout de son nez, elle jonglait entre le regard cynique de Maxxie et la pointe de son crayon de papier. Derrière la porte, on entendait le claquement régulier du pas furieux d'Alex, ses fulminations et le clapotis des touches du téléphone de Lukàs.
« Putain c'est looong. Tu veux pas arrêter tes textos cinq minutes toi ? » « Je joue à Snake c'est pas des textos ... » « Oh putain t'as Snake ! » et pendant ce temps, Maxxie subit sa 6è séance chez le psy. Chaque fois, c'est la même histoire, il la regarde, serre l'oreiller dans ses bras et reste silencieux pendant toute la séance. Il ne répond pas à sa question et la séance se résume à une heure de silence plombant. Mais aujourd'hui elle pose son crayon et croise les doigts. Dans un mouvement docile et rapide, elle retire ses lunettes et les pose sur la table. Maxxie la regarde faire lâche l'oreiller et secoue la tête.
« Il me manque. » réaction. La jeune femme croise les jambes et penche la tête vers l'avant en signe d'interrogation. Qui ? Pourquoi ? Elle le sait mais c'est là le but de cette thérapie; qu'il parle de son père.
« Mon ... père. Il me manque et je ... » le geste est rapide, il jette le coussin sur le sol et fixe la jeune femme avec une moue triste.
« J'arrive pas à assumer sa connerie. » « Tu peux m'expliquer Maxxie ce que tu entends par "assumer sa connerie" ? » à cet instant précis, elle a récupérer son calepin, son crayon et a attendu. Maxxie, il s'est braqué. À récupéré le coussin pour s'asseoir en tailleur.
« Quand on me demande, il fait quoi ton père ? J'arrive pas à m'y faire, à répondre qu'il est en prison. Et je vois même pas pourquoi je vous raconte ça, je m'en fous un peu de cette thérapie je sais ce que je ressens. » « Où vas-tu ? La séance n'est pas terminée. » « Il veut pas que je lui rende visite. Il a peur de pas savoir quoi me dire. Il pense que ça empirerait les choses. Ça fait 2 ans. » pour lui, elle l'est. La porte claque et il est assailli de questions par Lukàs et Alex. Il sourit bêtement parce que ... finalement, il préférerait leur parler à eux qu'à cette psy. Mais il ne veut pas les embêter avec ses humeurs, tout ce qu'il veut, c'est continuer de vivre, il s'en fout du reste, des à côtés comme ils les appellent.
__de Alex: chez moi ce soir, j'ai des chips mes parents sont pas là amène ta console j'ai assez de manette.
___à Alex: ok ok, quelle heure ?
___de Alex: 19 heures ? vous mangerez à la maison !
___à Alex: Lukàs vient ?
___de Alex: Bah bien sûr boulet ! on va pas jouer à deux c'est pas marrant.
___à Alex: Ah beh oui chui bête je vois même pas pourquoi je t'ai posé cette question !
___de Alex: ouais bon cassos, j'ai plus de crédit j'vous attends pour 19h.
19 heures chez Maxxie. « Merde j'suis en retard ! Putain j'suis trop con ... » d'un geste vif, il saisit son manteau, sa clef et sa console de jeu et claque la porte en saluant bruyamment sa mère. Ce jour-là, il aurait pu faire gaffe à l'heure, il aurait pas dû arriver en retard. Pour une fois,
il fallait qu'il arrive en avance, il ne l'avait pas fait. Lui qui était d'ordinaire si ponctuel.
19 heures chez Alex. « Je sais pas si ... » trop tard. Lukàs caresse sa joue et colle ses lèvres contre les siennes; elle pouvait pas rester de marbre ? Elle le faisait si bien d'habitude, envoyer paître tous les boulets du coin. Mais elle venait de laisser Lukàs fondre sur elle; elle était devenue une proie ? Tout le monde connaissait la réputation de Lukàs mais ... c'était son meilleur pote, son copain d'enfance, Lulu. Au même titre que Maxxie, ils la prenaient pour un pote, un mec à part entière sauf qu'elle avait un apparence de fille. Ce qu'ils ont oublié les deux garçons, c'est qu'une fille ça grandit ! Et même si Maxxie s'efforce de le nier, garçon manqué ou fille en robe, il l'aimait Alex. Il le niait parce que, détruire un trio amical c'est pas quelque chose qui se fait. C'est ridicule de se retrouver dans cette situation; il ouvre la porte à la volée, comme d'habitude quand il entre chez Alex et il tombe là-dessus, les deux amis qui s'échange un baiser.
« Ça va je vous dérange pas trop ? » les deux têtes s'éloignent brusquement, Alex foudroie Lukàs du regard avant de prendre une grande inspiration. Elle ne regarde pas Maxxie. Elle n'ose pas.
« On t'as jamais dit d'frapper avant d'entrer mec ? » « Ta gueule Lukàs on est encore chez moi que je sache. Et puis la prochaine fois compte pas sur moi pour t'aider à accomplie ton foutu gage. T'embrasse comme un pâté. » toujours sans oser regarder Maxxie elle s'essuie les lèvres et saisit une manette de sa main droite sous le regard interloqué de Lukàs.
« Tu viens pas jouer Maxxou ? » il hésite un instant puis ... il décide de la croire. Cette réplique ajoutée à la va vite, invraisemblable, et il fait le naïf.
« Euh ouais ... j'arrive. »***
Une semaine plus tard. « Lukàs tu devineras jamais ce ... » « Je sais tu t'es tapé Sharona à la soirée de Sorrow ! Ça circule vite t'sais tout le monde est au courant mec. » il finit sa tasse de café noir sans sucre -ouais Lukàs c'est un peu le brun mystérieux aux allures de bad boy. c'est mignon hein ?- et Alex manque de s'étouffer dans son grand bol de chocolat chaud.
« Ça t'as pas fait pensé aux pubs sur internet ? T'sais du genre DIIING DOONG vous êtes le millionième visiteur ! Nan sérieux Maxxie, arrête de te taper des traînée tu vaux mieux que ça quand même. » « Ah oui et quoi par exemple ? J'y peux rien si Cupidon sait pas viser. Et puis je me demande même s'il a pas deux flèches pour une même personne des fois. Enfin, je vais bosser bye. » c'était froid. Glacial même. Alex s'est arrêtée de boire son chocolat, à fixer Lukàs avec ce même regard noir que la semaine dernière et se demande si ce colloc était une bonne idée.
« Je ... j'ai pas compris ce qui lui était arrivé là. Enfin moi j'ai cours ce matin, j'me tire. T'as intérêt à t'bouger un peu et à pondre un meilleur score que moi à Zelda parce que j'm'ennuie le week end ! Ciao. » disons que depuis ce baiser les relations sont quelque peu ... tendues ? Rien que ça, oh.