Je me promenais dans le Balboa Park depuis une petite heure déjà, profitant des derniers rayons de soleil de la journée avant de rentrer chez moi pour préparer la soirée. L'herbe était verte de part et d'autre des sentiers de sable, je marchais sans but précis lorsqu'un petit bâtiment en annexe du Musée des Arts de Timken attira mon attention. Je me souvenais de cette nuit, c'était il y a une semaine environs. Pour échapper à type vraiment lourd et louche, je m'étais glissée dans ce que je pensais être un local abandonné mais m'y étais retrouvée coincée, seule face à une montagne d'oeuvres d'art. J'avais pensé finir mes jours là, lorsqu'un grande brune était entrée, sûrement pour régler quelques détails. J'avais profité de son incompréhension pour me faire la malle sans lui donner la moindre explication. Elle m'avait semblé déroutée, perdue et déçue. Depuis ce jour, je ne l'avais plus jamais revu en ville, ni nul part ailleurs pour dire vrai.
La petite baraque était tout simple vue de l'extérieure et l'écriteau sur la porte indiquait que les visites étaient autorisées. Curieuse et n'ayant trop rien à faire, je décidais de m'y aventurer, même si la peinture n'avait jamais été ma tasse de thé. Mais l'endroit était désert, peut-être même encore plus flippant qu'à la nuit tombée. J'entendais le son aiguë de mes talons claquer sur le sol en marbre glacial. Les peintures étaient toutes au même endroit à l'exception d'une seule, qui avait été rajoutée dans le coin droit d'un petit creux dans le mur. Bonjour..? Il y a quelqu'un ? Je m'avançais encore un peu, jetant un coup d'oeil à ce tableau pleins de couleur qui m'était familier. C'était celui que j'avais fixé pendant de longs instants lors de mon périple. A la lumière du jour il était encore plus beau. Hé ho !? réitérai-je, presque convaincue que je n'aurais pas plus de réponse que la première fois.

Ce matin, comme tous les matins je n'avais pas envie d'aller travailler. Mais comme tous les matins le réveillent me tira du lit. Je m'étais rendu dans le lieu familier de ma galerie d'art. J'y étais allé à pied, cela me ferait faire un peu de sport, je n'en avais pas spécialement besoin mais j'y tenais. Mes cheveux bruns étaient attachés en longue queue de cheval, j'avais choisi un chemisier à fleur blanche qui s'accorderait parfaitement avec mes petites ballerines noires et mon jean slim blanc également. Le chemin qui menait à ma galerie était désert et calme, comme toujours. Que ma vie est monotone ... Le jour où cette inconnue est rentré en pleine nuit dans le bâtiment me revenait souvent en mémoire au moment où je me sentais seule. Je n'avais toujours pas compris pourquoi la jeune fille brune était partie sans un mot et sans explication. Après cette intrusion surprise je vérifie toujours que mes portes sont bien fermées. La jeune fille ne m'avait rien volé mais elle semblait captivée par un tableau, je me souvenais qu'elle l'avait regardé précipitamment juste avant de détaler en profitant de ma confusion et de mon étonnement. A vrai dire ce soir-là j'étais revenue dans la galerie pour y retrouver une photo de mon ex-petit copain. Je recherchais toujours un garçon près à m'écouter, à me protéger mais ce garçon-là n'était pas pour moi, je ne l'aimais pas. Ceci est un mensonge. J'ai l'habitude de rester dans l'ombre quand il n'y a personne dans la galerie. Aujourd'hui une jeune femme d'une vingtaine d'années rentra. C'était l'intruse, l'inconnue qui avait pénétré par effraction dans le bâtiment. bonjour...? Il y a quelqu'un ? Je comptais rester ici pour l'espionner et regarder ses réactions. Elle déambulait dans la galerie lentement, sans me voir. hé ho !? soudain, j'eus envie de la connaître, son obstination à vouloir me voir m'intriguer au plus au point. Oui ... ? Que voulez-vous ? Ma voix était dur et froide, pour me donner un air gentil je sourie juste après ma phrase enfin ma question.

L'endroit était silencieux, vide de toute présents humaine me semblait-il. Pourtant j'étais persuadée avoir vu l'écriteau ouvert affiché clairement à l'entrée. De plus, la porte était ouverte et les gens faisaient calmement la queue pour visiter le Musée des Arts de Timken. Avec les fanatiques d'art pictural que ce coin devait brasser, comment se faisait-il que le néant humain se trouvât ici ? Je réitérai mon appel, peu enclin à une réponse vu l'échec de ma première tentative. Pourtant une voix s'éleva derrière moi, froide et distante qui me glaça le sang le temps d'une demi-seconde. Je retournai, surprise de ne pas recevoir un accueil plus chaleureux, sympathique... Un accueil plus normal, en fait. Et c'est là que je la reconnu. Ses cheveux étaient tirés à l'arrière en une queue de cheval basse, un chemisier à fleur qui la rendait plutôt stricte mais la couleur blanche contrastait avec son visage terne. Consciente de sa maladresse, elle m'adressa un petit sourire que je lui retournai volontiers, légèrement mal à l'aise. Ce que je voulais ? Moi même je n'en avais pas la moindre idée. C'était comme si la culpabilité m'avait amené ici dans mon besoin de fournir des explications. Après tout, je les lui devais bien. Et vu la manière avec laquelle elle me fixait, longtemps et avec insistance, il y avait fort à parier qu'elle m'avait reconnu. Je priais secrètement qu'il n'y ai pas un bouton silencieux d'appel des forces de l'ordre qu'elle aurait pressé à mon entrée dans la galerie.
Malgré ça, un long silence se créa au moment où elle avait parlé. Une certaine distance s'était immiscée entre nos deux corps en pieds et je pris une petite inspiration destinée à me faire redescendre la pression. C'est vraiment joli, enfin... c'est sympa quoi. Les couleurs, les formes et le... Je désignai d'une main vague tous les tableaux autour de moi, cherchant vainement des compliments à faire. Qu'est-ce que ces connaisseurs pouvaient bien avoir à se dire devant de tels oeuvres ? Je n'en avais pas la moindre idée. Désolée, je suis pas trop branchée peinture et tout ça, avouai-je en levant les yeux au ciel. Là c'était clair, elle avait le droit de ma prendre pour une folle. C'est vous l'artiste qui avez fait tout ça ? demandai-je peu convaincue. Elle avait l'air si jeune que je doutais sérieusement de la réponse. Mais je n'évoquai pas une seule seconde l'infraction faite la semaine passée. Si ça se trouve, elle ne m'avait pas reconnu en réalité...

La jeune fille semblait être noyée dans mes propos. Elle semblait perdue, comme si elle se demandait pourquoi elle était revenue. Peut-être qu'elle ne se souvenait même pas être venue ici, elle était peut-être défoncée ou elle avait peut-être bu un verre de trop ( ou plusieurs même ! ) et un psy' complètement fou l'avait certainement aidé à retrouver l'endroit ou elle était rentré une semaine plus tôt. Bien que mon idée soit compliquée elle me paraissait logique - ou pas. La fille en face de moi porter des talons aiguilles de toute beauté, je lui aurais bien volé. Mais je me tue de peur de faire une blague qui tombera à plat. Je ressentis le besoin de connaître la raison qui avait poussé la jeune brune à rentrer ici la semaine passée. La pauvre fille ne savait plus où se mettre. Pour apaiser l'ambiance tendue qui régnait dans la pièce je tenais de me détendre. Elle semblait espérer quelque chose au plus profond d'elle-même. Je voulais briser la glace, enfin l'espace que j'avais créé entre nous deux et qui nous permettait de dialoguer comme deux personne normalement constitués. Je passais une main dans mes cheveux, je n'avais pas l'habitude des avoirs attachés. Elle prit une inspiration - que je n'étais pas censé entendre. C'est vraiment joli, enfin... c'est sympa quoi. les couleurs, les formes et le.... J'esquissais un sourire amusé, elle n'y connaissait rien, mais je m'en fichais pas mal, elle avait l'air aimable & pleine de bonnes intentions. Désolée, je ne suis pas trop branchée peinture et toute ça ... Elle leva les yeux au ciel , elle semblait vraiment ... Je n'ai même pas des mots pour décrire ça. Je dirais exaspéré par elle-même ?! C'est vous l'artiste qui avez fait tout ça ? les gens me posaient souvent la question. Ayant arrêté mes études très tôt j'avais pu me consacrer à la peinture très vite. Je réfléchis assez longtemps avant de répondre. oui, c'est moi qui est fait tout ça , mais je ne me considèrent pas comme une artiste. Au fait c'est quoi ton prénom ?

Je m'attendais à une réaction de sa part, mais je voyais bien que rien ne venait. Il m'avait pourtant bien semblé l'apercevoir elle et personne d'autre la semaine passée. La pièce était noire et ses cheveux détachés cette nuit-là, mais il était clair que je m'en souvenais. Mais peut-être ne m'avait-elle pas vu, pas assez en tout cas pour me reconnaître aujourd'hui. Je bafouillai quelques mots sur l'art, qui me semblait sonner comme de la poésie incomprise et ratée. Restée des heures devant une toile n'avait jamais été ma tasse de thé et là, au milieu d'une galerie d'art, je me demandais bien quelle mouche avait pu me piquer en franchissant la porte. Oui, c'est moi qui ai fait tout ça, mais je ne me considère pas comme une artiste. Au fait c'est quoi ton prénom ? Je faisais volte-face, arpentant les salles de la pièce et longeant les murs pour regarder les toiles peinturées. Je t'ai dis que je ne m'y connaissais pas trop en art. Mais tu as du talent, c'est indéniable, lui lançai-je, sincère.
Je m'arrêtai devant un tableau pleins de couleurs, celui qui avait attiré mon attention il y a déjà quelques jours. Je le regardai longuement, en silence. J'aime beaucoup celui-là. Je n'avais pas tourné la tête, perdue dans le pèle-mêle de cette oeuvre. Je ne comprenais pas pourquoi il n'y avait pas plus de monde. Les gens payaient pour voir des oeuvres d'art connues et reconnues, dont les artistes devaient être raides défoncés en balançant des coups de pinceaux par-ci par-là. Alors qu'ils avaient du talent moderne et pur juste à quelques mètres. Jazmine, déclarai-je quant à la dernière partie de sa question. Je m'appelle Jazmine, mais tout le monde m'appelle Jazz. Un sourire évasif, je me tournai vers elle. Et toi ?

Je lui énonçai mon prénom et je crus voir son sourire se glacer, son visage se figer. Je la sondai un moment, ne comprenant pas le pourquoi de ce soudain dédain dans son regard. C'était pourtant elle qui m'avait posé la question, et voilà que maintenant cette réponse des plus anodines lorsqu'il s'agit d'apprendre à connaître quelqu'un créait un énorme fossé entre nous. Je ne me sentais pas proche d'elle, j'en étais même très loin. Mais ce recul alors que je me présentais me laissait sceptique. C'était d'ailleurs même assez vexant. Je détournai le regard rapidement, disparaissant dans les petits couloirs de la galerie alors qu'elle semblait perdue dans ses pensées. Et je l'y laissais volontiers, plus franchement d'humeur à papoter gentiment en jouant les bonnes amatrices d'art. Y'a personne, hein. Pourquoi ? lui demandai-je de loin, passant un doigt sur le cadre d'un tableau pour y relever une très fine couche de poussière. C'était bien entretenu, au moins on pouvait être sûr que ce n'était pas ça qui faisait fuir les gens... Je n'avais pas été spécialement désagréable dans ma manière de parler, juste sèche. Elle ne m'avait toujours pas répondu et après un petit tour de la salle, je retombai sur elle et me positionnai devant elle. Je m'appelle Alanis. Je haussai les épaules, c'était pas si compliqué. Pourtant il y avait toujours dans son regard ce que j'aurais presque pu qualifier de dégoût. Et cela ne me plaisait absolument pas. Super, répondis-je d'un air follement sarcastique. Au même moment, elle laissa échapper quelque chose au sol qui vint s'échouer à mes pieds. J'hésitais à feindre ne pas l'avoir vu pour pouvoir piétiner ce petit bout de papier, mais je me ravisai pensant que ç'aurait été mal vu. Je me baissai donc et attrapait ce qui semblait être une photo pour la lui tendre en retour. T'as fais tombé quelque ch... Elle allait l'attraper, mais je retirais mon bras, faisant en sorte qu'elle ne puisse la récupérer. Je fixai le gars en photo puis regardai la dénommée "Alanis", incrédule. Mais qu'est-ce qu'Eliaz pouvait bien foutre en photo dans la galerie de cette fille ? Probablement était-ce sa petite-amie. Génial, me voilà bien... Foutu destin. Euh, la photo de ton petit ami. Tiens. Je ne rajoutai rien, espérant que cette phrase lui délie la langue pour qu'elle m'en dise plus. D'ailleurs j'y pense, peut-être était-ce la raison de son mépris ? Je me mettait soudainement à paniquer sur la tournure des évènements à partir de cet instant.

Cette photo me fit l'effet d'une bombe car je compris sans trop de difficulté pourquoi son ton s'était durci et son visage assombri à l'entente de mon prénom. Mais comment avait-elle entendu parler de moi, alors ? Ce n'était pas logique, Eliaz n'était certainement pas du genre à exposer nos conversations ou nos rendez-vous ici et là aux yeux de tous. Je restai sceptique donc, pourtant un pincement avait saisit mon coeur lorsqu'elle attrapa le bout de papier plastifié avec un sourire béat, presque conquérant. J'avais annoncé le lien de petit-ami pour sonder sa réaction, moi-même sûre qu'elle viendrait me reprendre pour dire qu'il n'était que son meilleur ami, son frère adoré ou alors son cousin préféré ? Mais sa phrase me glaça le sang et sa voix résonna dans ma tête comme un écho se perdrait dans un désert infini. Sa question était rhétorique, bien plus affirmative qu'en mal de réponse. Oui, oui, il était magnifique, oui... Mais alors cette Alanis était bien sa copine ? Et en plus ils étaient ensemble depuis longtemps : c'était le pompon, la cerise sur le gâteau, la neige éternelle au sommet d'un pic exposé au soleil ardent. J'étais paniquée, essayant par tous les moyens de garder mon calme alors que tout mon corps me criait de fuir en courant, quitte à la player une nouvelle fois au beau milieu de sa galerie d'art vide. Je la haïssais. Pire même, je LE haïssais. Il jouait les hommes libres, frivoles et volages. Il s'était bien foutu de moi à feindre une attirance pour la pauvre brunette naïve que je suis ! Quelle idiote. J'avalai difficilement ma salive, trahie et incapable de dire quoi que ce soit. Le coup de grâce, je crois, je ne le vis absolument pas venir lorsque je cru l'entendre prononcer le mot mariage. Je levai les yeux, plantant mon regard noisette dans le sien. Sa façon mielleuse de parler m'arracha un souffle de stupeur alors que je réfrénai une envie subite de crier. C'était trop gros, c'était impossible... Elle mentait. Malgré ça les faits étaient là : elle avait une photo de lui avec elle, ses yeux pétillaient lorsqu'elle croisait son regard brun même en simple photo et sa voix n'avait pas flanché une seule seconde à l'annonce de son prétendu mariage. Elle semblait même excitée, si excitée... Félicitations. Dans ma voix de la haine, de la colère, un fort sentiment de trahison et un goût amer de rancoeur. En somme tout, sauf de la sincérité et de la joie. Je lui renvoyai un sourire que je voulais sincère mais qui me paru tellement faux qu'il ne dura pas plus de trois secondes. Pourquoi tout cela me touchait tant ? Visiblement je n'étais rien pour lui. Rien de plus qu'un petit passe-temps pour enterrer, peut-être, sa vie de garçon ? Crétin. Pourquoi voulez-vous qu'il aille voir une autre fille, puisque vous êtes fiancés ? demandai-je, me rendant alors compte que le tutoiement n'était plus de mise puisque la distance que j'avais installé m'obligeait à la vouvoyer comme la plus vulgaire des inconnues. Vous avez peut-être peur de ne pas assez le combler ? Je fis passer cette phrase pour une petite blague accompagnée d'un rire amusé, pourtant je m'en servais également pour la mettre mal à l'aise et dans le doute. Et pour la blesser, directement ou simplement dans son estime. Je la détestai, officiellement. Pourtant je me rendis compte qu'elle n'avait rien à voir là-dedans. Elle ne savait rien de ce qu'il se passait réellement car le seul, l'unique coupable était Eliaz. Son petit-ami à elle, son fiancé et futur mari. Mon... mon rien du tout. Je ne le connais pas mais il a l'air... cool. Je mentais à plein nez mais je m'en fichai, je voulais juste rentrer chez moi et oublier cette journée. Pour quelle date est prévu le... hum... mariage..?