Je ne sais vraiment pas par où commencer. Je me sens même plutôt ridicule décrire cette lettre, mais il paraît que l'on se sent mieux après : je suis assez septique... Je ne pense pas que cela me fera avancer, loin de là. Pourtant, je suis là à t'écrire, les yeux humides...
Aujourd'hui le bonheur me semble être quelque chose que je ne connaîtrais plus. Je me rappelle de ce sentiment que l'on ressent : l'innocence enfantine, comme lorsque mon père prenait deux secondes pour me soulever dans les airs et me faire voler mes pieds quittant le sol ou bien lorsque à sept ans j'avais trouvé sous l'arbre de Noël un petit chiot : Lucky... Je suis née dans une famille très aisée d'Angleterre, mon père étant Lord à la Chambre des Lords, ma famille était destinée à être influente pour des décennies. Le revers de la médaille était l'absence de mon père, puis celle de ma mère se noyant sous les invitations à des soirées mondaines. Au fil des années la distance entre mes parents et moi s'était agrandie. Ils n'étaient jamais à la maison, je gardais espoir et continuais à Londres mes études d'arts. Je voulais devenir galeriste. Mon père me voyait plus reprendre son flambeau et me mettre à la politique, il se borna à penser que ma passion pour l'art était un caprice de ma part et lorsque je lui annonçais que la plus grande école d'histoire de l'art me désirait au sein de son cursus, il rigola et déclara que ça me passera, que je reviendrais. Il aurait dû savoir que je lui ressemblais plus qu'il ne le pensait : têtue, bornée et ambitieuse, tout comme lui.
Une semaine après j'atterrissais à NY. Je commençais une nouvelle vie. A vrai dire, je ne pensais pas que ce serait si dur de vivre loin de ma famille et de mon pays. Mais je ne ferais jamais demi-tour et mon père ne s'abaissera jamais à me téléphoner, trop fier lui aussi. Je fus major de ma promo, mais je n'avais personne avec qui le fêter. Je n'avais pas vraiment le temps d'y réfléchir, c'était mieux ainsi, on me proposa rapidement un poste de second dans une galerie : quoi de mieux pour débuter ? C'est à San Diego que je déposais mes valises. Je tombais rapidement amoureuse de cette merveilleuse ville, toujours ensoleillée ! Si quelqu'un m'a sauvé à cette époque, c'est bien elle : elle me redonna le sourire, je me faisais de nouvelles connaissances, le seul hic était que ma patronne n'était pas aussi charmante dans la vraie vie qu'au téléphone.
Tu sais, lorsque je l'ai rencontré... j'avais juste envie de le claquer ! Il semblait tellement cultivé, tellement sûr de lui et tellement craquant à la fois. Je ne sais pas pourquoi, nos vies se ressemblaient beaucoup, pourtant je ne pouvais l'encadrer ! On se lançait des piques, c'était très distrayant finalement. Puis un tragique évènement changea la donne. Si facilement qu'aujourd'hui encore je m'en étonne... J'étais heureuse mais à la fois incertaine, je ne m'étais encore pas attachée autant à un homme, l'amour était un sentiment inconnu pour moi, pourtant je lui donnais toute ma confiance. Et c'est à ce moment que tu t'es pointé... L'apogée de ma vie. C'est comme-ci plus rien d'autre ne comptait... J'achetais sans compter, tellement pressée de te tenir dans mes bras... Je ne pouvais m'imaginer être à nouveau malheureuse à présent, que pouvait-il bien arriver ? Une fausse-couche. A quatre mois. Un diagnostic en deux minutes à l'hôpital. Des semaines à pleurer. Je t'ai perdu et j'ai tout perdu. Enfermée dans un trou noir, je m'enfonçais chaque jour plus profondément dans mon lit. Ton père était là pour moi, mais je ne pouvais plus... On dit souvent que lorsque l'on regarde son enfant on y reconnait les traits de son père, mais moi c'était l'inverse, je le voyais et j'imaginais ton visage... Je ne pensais pas que fuir serait aussi facile. Je l'aimais bien sûr... et je pense que je ne pourrais cesser de l'aimer quoi qu'il arrive, mais rester c'était souffrir et le faire souffrir. Je profitais d'une opportunité à Londres pour prendre le large. Je pensais que cela me rapprocherait de mes parents, ce n'est pas pour autant que je me décidais à leur rendre visite ou à les informer que j'allais rester quelques temps à Londres.
Un an s'est écoulé, je ne t'ai pas oublié, je ne l'ai pas oublié mais j'ai fait semblant de passer à autre chose. J'ai travaillé sur moi, je suis devenue plus forte, peut-être hautaine, mais ce n'est qu'une image, une carapace pour ne plus être touchée... Je ne m'attache plus ou seulement à certains amis. Les hommes passent s'en s'arrêter très longtemps, et s'ils sont tentés de faire un petit bout de chemin avec moi, je les fais redescendre sur terre. Je ne suis pas une femme qui veut un petit mari, une petite maison avec un joli chien et deux enfants. J'ignore complètement si j'en voudrais d'ailleurs... si je serais prête à vivre une nouvelle grossesse s'en en souffrir à cause de ton absence mon amour. Nous n'avons jamais su si tu serais une jolie princesse ou notre petit prince, pourtant je suis certaine d'une chose : c'est que je t'aurais aimé à en mourir.