San Diego (USA), le 16 décembre 1995.
Très peu de gens connaissent le fond de l'histoire d'Anastasia et pour beaucoup une partie de son enfance reste un mystère non élucidé auquel ils ne trouveront probablement jamais de réponse assez satisfaisante. « Anya, chérie, il est l'heure de... Anastasia ? ANYA ! Caroline, Anastasia a disparu ! » M. Sisley descendit en trombe dans les escaliers, enfilant sa veste alors que la panique le gagnait petit à petit. « Comment ça ? Elle était dans sa chambre après le dîner, je... tu penses qu'elle l'a emmené ? » L'anxiété se lisait sur son visage alors qu'elle s'emparait de son téléphone, prête à avertir les autorités de la disparitions de sa belle-fille. « Elle est capable de tout tu le sais bien... merde ! » Il claqua la porte et disparut dans la pénombre de la nuit, bien décidé que lorsqu'il rentrerait chez lui, il tiendrait la main de sa petite fille dans la sienne et que toute cette histoire ne serait plus qu'un mauvais souvenir.

Saratov (Russie), le 20 décembre 1995.
Le voyage avait été long entre San Diego et Saratov depuis que Pavlina Petrovitch, autrefois Sisley, avait enlevé sa fille à son ex-mari pour la ramener clandestinement en Russie. Deux avions, un train et trois bus avaient été nécessaires pour brouiller les pistes et ne pas se faire repérer. Mais à présent qu'elle était de retour dans son pays et que sa fille était avec elle, Pavlina sentait qu'elle pouvait enfin souffler et qu'une nouvelle vie s'offrait à elle. Et dire que pendant des années elle avait couru après ce bel américain, ambitieux et charismatique qu'était Trevor Sisley ! Elle l'avait suivit jusque dans son pays, avait appris l'anglais pour ses beaux yeux et laissé sa famille en Russie lorsqu'il lui avait proposé de l'épouser en lui présentant la plus jolie pierre précieuse qu'il pouvait lui offrir à cette époque. Peu de temps après, Anastasia voyait le jour et le couple semblait le plus heureux du monde. Mais rapidement Pavlina avait montré son attachement à sa patrie, sa terre d'origine. Elle voulait retourner en Russie et très vite les relations se dégradèrent entre les jeunes mariés. Le divorce fut prononcé deux ans plus tard et l'année qui suivit, ce fut une lutte pour obtenir la garde de leur fille qui s'enclencha. « Maman, il nous rejoint quand papa ? » La blondinette rajusta ses moufles et remonta la fermeture éclaire de sa doudoune alors qu'elle marchait dans la neige pour rejoindre la maison. « Anya, je t'ai déjà dis de ne pas parler en anglais mais en russe ! Je ne te le répèterais pas deux fois. Et puis tu sais bien que papa est avec Caroline à San Diego, il voulait rester là-bas. » répondit-elle d'un air sévère. « Il veut plus de moi ? » Anya s'était arrêté, les yeux brillants et l'esprit tout embrouillé. Pavlina s'en voulait de lui mentir ainsi et de la priver de son père. Mais c'était le seul moyen pour qu'elle ne renoue jamais avec l'Amérique, avec son père et avec la vie parfaite qu'il menait avec sa nouvelle compagne trop mielleuse et trop gentille. « Ce n'est pas de ta faute Anastasia. Allez rentre vite, tu vas attraper froid ! Babouschka va être ravie de te voir et de te montrer ta nouvelle chambre. »

Moscou (Russie), le 7 février 2002.
« C'est tellement beau, maman, regarde ! » La fillette de neuf ans pointa un grand bâtiment coloré du doigt, la cathédrale Saint-Basile lui semblait-il d'après ce qu'elle avait étudié à l'école. « Anya reste là, ne t'éloigne pas trop s'il te plait. » lui cria sa mère, angoissée à l'idée que sa fille se perde au milieu de la foule. Sept ans s'étaient écoulés depuis cette fameuse nuit où Anastasia avait été enlevée par sa propre mère à son père. Elle n'avait pas beaucoup voyagé depuis et vivait à présent dans une petite maison avec sa Babouschka et sa mère dans la banlieue défavorisée de Moscou depuis un an. Les moyens manquaient, il fallait le dire, mais il fallait également faire profil bas pour ne pas se faire repérer. Tout le voisinage savait bien comment Pavlina s'y était prise pour ramener sa fille en Russie, mais personne ne disait rien. En revanche si les autorités venaient un jour à le découvrir, il y avait fort à parier qu'ils préviendraient l'ambassade américaine qui se serait fait un plaisir de rapatrier Anya à son père. Les appréhensions de Pavlina étaient donc fondées, elle savait que d'un jour à l'autre, un moment d'égarement et sa fille lui serait retirée. Et ses peurs étaient fondées, puisque ce jour-là, tout bascula une nouvelle fois... « MAMAN ! Maman, qu'est-ce qu'il se passe ?! » Un policier la tenait fermement par le bras alors qu'elle était entrain de nourrir quelques pigeons sur le parvis de la place rouge. Se frayant un chemin parmi les piétons, la mère de famille fondit sur le policier en le frappant de ses poings fermés mais un second, puis un troisième arriva et bientôt la situation dégénéra. « Lâchez-là, Anya ! Princesse, ne les écoute pas ce sont des menteurs, des menteurs tu m'entends ? Maman t'aime fort, ils sont méchants ! » Les larmes roulaient sur ses joues et Anya ne comprenait rien à cette détresse dans le regard de sa mère et cette haine pour les forces de l'ordre. Elle tenta de se débattre et de s'évanouir parmi le monde avec sa petite taille mais elle n'y parvint pas. Elle passa les deux jours suivants au commissariat puis les dix jours d'après dans un orphelinat pour enfants. Entre temps, son père fut averti que l'on venait de retrouver sa fille qui avait été enlevée par sa mère sept ans auparavant. Il prit le premier avion en direction de Moscou. Caroline du cependant rester à San Diego pour s'occuper de la petite Camilla, 3 ans.

San Diego (USA), le 20 mai 2002.
Les premiers jours furent difficiles, les premières semaines aussi d'ailleurs. Anastasia ne mangeait rien renfermée sur elle même et perdue dans ses propres retranchements. Son histoire lui avait été racontée comme on raconterait un conte à un enfant. Un conte qui se termine bien puisque la petite fille retrouvait son père et était éloignée de la femme qui avait voulu la priver d'une partie de son enfance. Mais Anya ne voyait pas les choses comme ça. Elle était perdue entre deux vies, tiraillée entre deux sentiments, pommée entre deux parents. Elle se souvenait très peu de son père et de sa belle-mère, bien sûr elle ne les avait jamais oublié mais avait grandi avec l'idée qu'ils ne voulaient plus d'elle. Une idée que sa mère avait ancrée dans sa tête, ce pourquoi elle lui en voulait énormément. Pourquoi avait-il eu besoin qu'elle soit l'arme utilisée pour détruire son père ? Et comment se faisait-il qu'après tant d'années, lui n'ait pas réussi à la trouver alors que la police l'avait intercepté en un weekend passé à Moscou ? Des questions qui restèrent sans réponse mais qui rapprochèrent inévitablement Anya de son père et l'éloignèrent définitivement de la folie de sa mère à qui elle en voulait beaucoup. « Je te promets que plus jamais on ne sera séparés. Je suis tellement heureux de t'avoir retrouvé Anastasia... » Un fin sourire se traça sur les lèvres de la jolie blonde aux yeux clairs. « Bonne nuit papa. » C'était la première fois qu'elle l'appelait ainsi depuis son retour. Le rouge lui monta un instant aux joues alors qu'elle pensait avoir mal agit. Son père déposa un baiser sur son front et son sourire radieux lui fit le plus grand bien du monde. Enfin elle pourrait mener la vie dont elle avait toujours voulu, loin de la peur quotidienne et le besoin de rester cachée, cloitrée dans la misère et la froideur des rudes hivers russes.

San Diego (USA), 2012.
L'année s'achève et les fêtes de fin d'année se préparent. Aujourd'hui, Anastasia s'est définitivement adapté à son nouveau mode de vie. Il fut un temps où elle pensa à renouer le contact avec sa mère sur les conseils de son père et de sa belle-mère, mais cela ne dura pas longtemps. Anya ne peut plus faire face à sa mère sans se souvenir des sept ans de mensonge dans lesquelles elle l'a fait vivre en la privant d'une partie de sa famille de son plein gré. Très rancunière, il n'est pas exclu qu'elle lui pardonne un jour mais elle ne s'en sent à ce jour toujours pas capable. Elle se concentre sur les relations avec son père et Caroline, ainsi que sa demi-soeur Camilla de 13 ans et son demi-frère Parker, de 8 ans. De vraies petites terreurs qu'Anya considère comme son propre sang. La belle s'est aussi vu offert sa propre maison à San Diego par son père et un job à mi-temps de ses études en droit et politique par son adorable belle-mère dans son agence d'évènementiel. Une vie bien remplie avec le large cercle d'amis qu'elle a su se constituer au fil des années, et une nouvelle année qui s'annonce sous les meilleures hospices !