❝ When she was just a girl, she expected the world. ❞« Tiens tiens, voilà ma princesse ! » Martin Greggson, trente ans, s'abaissa en ouvrant grand les bras afin d'y accueillir sa petite de cinq ans, j'ai nommée Noa. La blondinette était, à son jeune âge, une véritable petite célébrité dans l'Arizona, et plus précisément à Phoenix, sa ville d'origine. Mademoiselle avait toujours eu un faible pour le chant, et il fallait dire que sa voix était bien exceptionnelle pour une fillette de son âge. Débordant d'énergie et de volonté, elle voulut se présenter à un concours pour interpréter une chanson de Noël, chanson qui serait enregistrée et diffusée partout dans le pays. Ses parents, tout d'abord un peu rébarbatifs à cette idée, finirent par céder devant tant d'enthousiasme. Puis, je dois vous avouer qu'ils ne croyaient pas réellement qu'elle allait gagner devant tous les autres enfants de son âge, et pourtant, Noa gagna. Elle enregistra cette chanson, qui resta dans la tête de tout le monde pendant la période des fêtes, et même au-delà. Puisque la petite fille enchaînait les plateaux télé, parce qu'on se l'arrachait comme des petits pains. On la trouvait mignonne, douée, et tellement innocente. Oui, elle faisait vendre, et avec le temps, elle allait même continuer et finir par entrer au Mickey Club de sa région, et devenir une véritable célébrité dans toute l'Amérique. Mais tout ça, ce serait pour plus tard. Pour l'instant, nous avions une fillette de cinq ans, encore toute tremblante, qui venait de courir se réfugier dans les bras de son père, tentant ainsi de désaouler de ce rush de monde autour d'elle. Elle venait de faire sa première scène en live, devant tout ce monde, et elle avait eu une frousse pas possible. Mais finalement, tout s'était bien déroulé, et elle avait tout déménagé. « Tu as vu papa tout ce monde dans la salle ? Ils sont venus pour moi, pour ... moi ! » La blondinette était toute excitée, et toute fière d'elle. Elle n'aurait jamais pensé pouvoir accomplir tout cela du haut de ses cinq ans. Quant à Martin, il jeta un coup d'oeil en direction de sa femme derrière lui, qui lui sourit, et à cet instant, il sut ce qu'était le bonheur. Caressant doucement la chevelure blonde de sa fille, il la regarda droit dans les yeux. « Oui, j'ai vu mon ange, et tu sais, j'ai toujours su qu'au fond, tu étais faite pour briller. » Sur ce, il sourit à son enfant, avant de la soulever pour la porter dans ses bras, et après un petit bain de foule, c'était retour à la maison pour notre jolie petite famille.

❝ Que dire du bonheur ? Rien. Ça emmerde le monde. Le bonheur des uns fait le malheur des autres. ❞« Hum, où est-ce que je suis ? Et qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Adieu la parfaite petite famille. Adieu le bonheur passé, le bonheur éphémère. Noa, à présent âgée de onze ans, venait de se réveiller dans une chambre d'hôpital, portant l'une de ces horribles tenues qu'ils vous donnaient par là-bas. Des machines étaient reliées à elle, et l'endroit en pestait le malheur. La jeune fille ne supportait pas ces endroits d'ordinaire, et se savoir là pour elle-même lui donnait la nausée. Elle commença à se débattre, à vouloir arracher ces fils à son poignet, mais les médecins la neutralisèrent, lui donnant un tranquillisant. Elle ne se réveilla de nouveau que deux heures plus tard, et cette fois, un médecin se tenait à ses côtés, ainsi que deux autres personnes, qui, elle n'allait pas tarder à l'apprendre, étaient un psychologue et une assistante sociale. Son regard devait en dire long, puisqu'elle n'eut même pas besoin de poser sa question à nouveau que le médecin prit la parole. « Mademoiselle Greggson, pouvez-vous me dire quel est votre patronyme entier et quel jour nous sommes ? » Noa pensait qu'il la prenait pour une débile, et elle arqua un sourcil. « Bien entendu, je m'appelle Rheagan Noa Greggson, et nous sommes le vingt-quatre décembre. » Le médecin dut l'admettre : Noa possédait encore toutes ses facultés mentales, Dieu merci. « Très bien, et maintenant, pouvez-vous me dire ce qui s'est passé hier soir ? » Noa sentait la moutarde lui monter au nez, et elle n'avait qu'une envie, celle de s'en aller. « Hier soir, et bien hier soir je ... » Le trou noir. Noa fronça les sourcils, se massa le crâne, cherchant et recherchant encore et encore une réponse dans sa mémoire, mais rien ne venait. Seigneur, rien ne venait ! « Je ... je vais m'en souvenir, attendez, un moment, je ... » Elle sentait ses yeux s'embuer, et elle fondait petit à petit en larmes. Rien ne venait, et elle ne comprenait plus rien. Soudain, sa voix se calma tout en se voulant sérieuse et posée. « Où est ma famille ? Il y a bien quelqu'un qui doit me chercher en ce moment, non ? » Les trois adultes se concertèrent, comme si personne ne voulait se dévouer à lui annoncer la nouvelle. « Quoi, qu'est-ce qui ne va pas ? Parlez ! » Elle en avait assez qu'on la prenne pour un pantin sans jamais lui dire la vérité. « Mademoiselle Greggson, vous ainsi que votre famille avez eu un terrible accident de voiture hier soir. Vous avez fait une grande chute, et malheureusement, vos parents n'ont pas survécu, je suis désolé. » La jeune fille ne sut quoi répondre. Toutes les cellules de son cerveau s'activaient en même temps, et pourtant, elle peinait à se souvenir de son enfance, ou même de ce qu'elle avait la veille. Certaines choses lui revenaient, mais les plus importantes demeuraient à reconstruire. « Je ... pourquoi est-ce que j'ai du mal à me souvenir d'eux ? » Tout enfant normalement constitué se souvient de ses propres parents, non ? Il n'était donc pas normal qu'elle n'en fusse pas capable. Et c'est alors que le verdict tomba. « Vous avez une perte de mémoire partielle, plus ou moins importante, seul le temps nous le dira. » « Sortez. Tous les trois, dehors ! » Noa avait besoin d'être seule, et une fois les adultes dehors, elle agrippa les draps, et pleura toutes les larmes de son corps. En une soirée, elle avait oublié qui elle était et était devenue orpheline. Tous ses exploits de jeune star, évanouis dans la nature, et ces souvenirs qui d'ordinaire sont si importants à un individu, également envolés. A cet instant précis, Noa souhaita être morte avec ses parents dans cet accident.

❝ She wanted something else, something different, something more. ❞« Nono ? Qu'est-ce que tu fais déjà debout ? » Noa se retourna brusquement, ses longs cheveux blonds lui retombant le long du dos. « Je suis désolée, je t'ai réveillé, rendors-toi, je vais bien. » Elle venait de passer la dernière heure encore plongée dans ses documents, les fameux documents qui lui donneraient peut-être des informations sur ses véritables parents, sur ses origines. Depuis son arrivée à San Diego il y avait à l'époque un an et demi de cela, elle n'avait cessé de remuer ciel et terre pour obtenir des réponses. « Non tu ne vas pas bien, n'essaie pas de me mentir. » Noa lâcha tous ses papiers, et elle tourna sa chaise en direction du blondinet qui était dans son lit. Elle l'avait rencontré à son arrivée à San Diego, alors qu'elle travaillait sur le même vol ce soir-là. Il l'avait touchée par son histoire, et il avait une bonne tête. Un peu comme si Noa s'était sentie obligée de l'aider, de l'aider à prendre son destin en main. Et de fil en aiguille, il avait fini par passer de plus en plus souvent chez elle, par entrer dans sa vie et s'y installer. « Hook ne rend pas les choses plus compliquées qu'elles ne le sont déjà s'il te plaît ... » Son regard se voulait implorant, et laissait transparaître le fait qu'elle était totalement perdue. Elle avait passé un an et demi à rechercher les fantômes de son passé, un an et demi à chasser des souvenirs brisés, et à présent, c'était à son tour de se sentir brisée. Elle avait l'impression de se battre contre du vent, et d'épuiser ses forces petit à petit. « Je pense que c'est toi qui te compliques la vie, et puis, tu sais quoi ... » Le jeune homme se leva, se rhabilla assez rapidement, et se rapprocha de Noa, qui sentait son coeur battre de plus en plus vite à mesure qu'il avançait vers elle, sac sur le dos. Il la regarda dans les yeux, en levant son visage à l'aide de son pouce. « Je pense qu'il vaut mieux qu'on fasse une pause toi et moi. Il est clair que tes recherches te prennent énormément de temps, et je ne t'en veux même pas, je sais à quel point tout ça compte pour toi. » La jeune femme sentait la suite arriver, et elle commença à bouger négativement la tête, des larmes commençant à couler le long de ses joues. « Mais j'aurais juste aimé compter de la même façon. » Noa avait envie de lui crier qu'il comptait tout autant, qu'elle ne voulait pas qu'il parte, qu'elle ne s'en remettrait pas, qu'elle avait terriblement besoin de lui, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle ne parvenait pas à tout aligner, encore sous le choc d'une rupture qu'ils avaient vue tous les deux arriver. Hook déposa un dernier baiser sur le front de la jeune femme, lui aussi secoué par tout ça. « Prends soin de toi Nono. » Et il s'en alla, refermant doucement la porte derrière lui, comme s'il n'avait jamais été là. Comme tous ces autres, qui avaient laissé Noa, parce qu'elle ne trouvait pas assez de temps à leur consacrer, partagée entre ses recherches sur son passé, et son travail dans lequel elle se réfugiait pour ne pas voir une réalité défaillante. Et pourtant, elle l'avait aimé ce blondinet, elle tenait à lui, et le voir partir eut l'effet d'un couteau en plein coeur. Et d'un électrochoc. Elle ne pouvait pas continuer de laisser son futur se faire happer par son passé. Elle devait réagir, avant qu'elle ne finisse par tout perdre, avant qu'elle ne finisse par se perdre.