Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été la jeune fille d'à côté. Celle qui se fondait dans la masse, celle que peu de personne ne connaissait, et c'était bien ainsi. Là bas, au Québec, j'avais ce dons de passer pour la petite fille timide qui changeait pourtant du tout au tout en présence de mes amis. Pour celle qui regorgeait de joie de vivre et de bonne humeur, qui trouvait toujours le mot pour rire. C'était la belle vie, faut l'avouer. Si seulement j'avais su ce qui allait m'arriver, j'en aurait profiter beaucoup plus que je l'ai fait. Je commençais tout juste mes études collégiales en plein centre de Montréal, j'avais un copain que j'adorais et allais sur ma vingtième année ; tout allait pour le mieux.
Mais comme dans toutes belles histoires se glisse un évènement ... comment dire ... néfaste pour notre santé. C'était durant notre voyage vers la Gaspésie ; un petit roadtrip des plus banal avec mes parents, mon frère & sa copine, ainsi que l'homme de ma vie. Douze heures de route, des montagnes et des paysages à couper le souffle, et un face à face qui ne se fit pas attendre. Un face à face entre notre petite familiale et une voiture sport ; un beau challenger jaune, il était immanquable. Ce fut une perte totale pour les deux voitures, et ce fut à mon réveille d'un coma de deux semaines qu'ils eurent à m'annoncer la nouvelle.
- Arrêtes de dire des sottises Élène! Ça fait vingt fois que tu me répètes les mêmes conneries! Maintenant ramènes-moi chez moi, j'en ai marre de ces repas congelés ... j'ai juste envie d'une grosse lasagne et d'une bonne baise, même si j'ai un peu mal dans le dos depu...
- Ils sont morts, Rose! Morts! Ça fait plus d'un mois déjà, t'es tombées dans un coma profond et depuis les funérailles ont été faites, on a fait notre deuil et là ça va être ton tour, va falloir te faire à l'idée! J'en ai marre de te répéter la même chose depuis une semaine déjà, fais-toi à l'idée merde, tu les reverra pas!Puis elle claqua violemment la porte derrière elle, me laissant seul dans mon cauchemar, seule dans mon ignorance, seule, complètement seule.
Il me fallut un bon mois avant de pouvoir marcher à nouveau, et un bon mois de plus avant de verser mes premières larmes. Mon compte bancaire était gorgé d'argent que m'avait offert le gouvernement et les assurances puisque je me retrouvait seule. J'avais également vendu la maison de mes parents et une bonne partie des biens personnels qui restait ; puis je suis partie. Je n'avais que 20 ans alors tandis que je décidais de m'enfuir de mes problèmes, comme si je croyais ainsi pouvoir mettre de côté ce passage de ma vie, comme si je croyais que je pourrais ainsi oublier.

Voilà un peu plus d'un an déjà que je voyage de pays en pays aux États-Unis, rencontrant diverses personnes sans toutefois réellement m'attacher. Un an déjà que je vagabonde en vivant sur l'argent reçu à la mort de mes parents et de mon frère. Voilà pourtant qu'aujourd'hui, je me décide à arrêter mon périple ici, à San Diego. J'espère pouvoir recommencer à zéro, pouvoir rencontrer des gens qui pourrons me changer les idées, me faire redécouvrir ce bonheur oublié. Des gens qui pourront me comprendre dans mon malheur, des gens qui pourront faire revenir la Rosalia d'avant.