le vingt-huit mars mille neuf cent quatre vingt dix Ҩ « C'est une fille madame Fabregas ! » s'exclama la sage femme, qui venait de porter pour la première fois la petite fille dans ses bras. Sans plus attendre, les parents de celle-ci la nomma Mercedes, Mercedes Opale-Fortuna. Le couple Fabregas avait mis énormément de temps à concevoir un enfant, c'est aussi pourquoi ils la nommèrent Fortuna, la déesse de la chance. Les médecins avaient été pourtant clairs avec eux, apparemment la mère d'Opale était stérile. Mais l'espoir revint quand elle tomba enceinte, après de nombreuses tentatives. Opale se révéla comme une second souffle, une opportunité de donner la vie même si toutes les chances ne sont pas de notre côté.
le trois août mille neuf cent quatre vingt treize Ҩ Opale avait à peine appris à marcher qu'elle commençait déjà à s'exprimer par le biais de la danse. En effet, celle-ci récupéra la passion qu'avait sa mère, amatrice de tango. Depuis toute petite, Opale exerce le tango, ainsi que le flamenco & la salsa. Elle a toujours adoré ça, quitte à faire passer la danse avant quoi que ce soit. C'est comme les fumeurs, dépendant de la cigarette. Opale, elle, était droguée de tout ce qui touchait à la danse, elle ne pouvait s'en passer ne serait-ce qu'un jour.
le treize janvier deux mille deux Ҩ « Tu vas te la fermer oui ! » La voix grave de son père retentissait dans le salon, alors que la jeune fille descendait lentement les escaliers. Elle tendit l'oreille, essayant de savoir ce qu'il se passait au rez-de-chaussé. Brusquement, Opale entendit le bruit d'une gifle. Écarquillant les yeux, celle-ci se cacha contre le mur, observant d'un oeil la dispute qui se déroulait sous ses yeux. Sa mère pleurait, sans pouvoir s'arrêter, tandis que son père s'énervait comme jamais contre elle. Les seuls mots venant de sa mère étaient des
« pardon, pardon, pardon.. » mais Opale ne comprenait pas le sens de ses mots - du moins, pas encore. Elle apprit rapidement que sa mère avait trompé son père, a plusieurs reprises, avec le meilleur ami de celui-ci. Fou amoureux de sa femme, il n'avait pas supporté. Assise dans l'antre de la porte, se cachant au mieux, Mercedes avait vu sur cette scène terrible. Elle assista à une dose de violence trop difficile à supporter, son père frappa sa femme, sans aucun contrôle de lui-même. De nombreux coups au visage et sur le corps, des coups de poing encore et toujours plus forts.. Ne pouvant supporter cette vision, Opale commença à remonter les escaliers en pleurant. Mais à mi-chemin, elle s'arrêta net. Devait-elle venir en aide à sa mère, et prendre le risque de se faire elle aussi frapper ? Ou tout simplement faire comme si elle n'avait rien vu ? Opale hésita de longues secondes, avant de remonter dans sa chambre comme si de rien n'était.. C'est la pire décision qu'elle eut pris dans sa vie, car le lendemain, madame Fabregas était partie de la maison.
le premier septembre deux mille six Ҩ C'est l'âge auquel la jeune fille quitta la maison. Elle ne s'y sentait plus bien, surtout depuis qu'elle ne vivait qu'avec son père. Celle-ci ne supportait plus de le voir déprimer et boire, alors que sa femme ne reviendrait sans doute jamais.. Cela faisait déjà deux ans qu'Opale vivait sans sa mère, elle lui manquait terriblement. Mais Mercedes réussit ce qu'elle avait toujours désiré, elle avait été acceptée dans une grande école de tango dans la ville de Madrid. Depuis deux ans, celle-ci travaillait très dur pour intégrer une école de danse réputée. Elle allait enfin commencer une nouvelle vie, quitter sa ville natale où elle n'avait plus sa place. Comme elle l'avait prédit, son père lui en voulait à mort, mais elle ne désirait pour rien au monde rebrousser chemin. Elle avait du traverser beaucoup d'épreuves pour en arriver là, et elle ne voulait pas abandonner. Ça, jamais. Son père n'avait pas été très présent pour elle, Opale s'était dit qu'elle ne lui devait rien, c'est pourquoi elle partit à l'âge de seize ans, laissant derrière elle ses souvenirs..
le vingt-deux juin deux mille huit Ҩ Opale vivait les deux plus belles années de sa vie dans la capitale espagnole. Depuis qu'elle était ici, elle avait tout pour être heureuse. Le succès, la gloire, la danse, l'amour.. Tout allait au mieux pour elle, et celle-ci ne désirait rien d'autre. De plus, Opale et son partenaire venaient de se faire repérer par un grand chorégraphe de New York. Elle n'aurait pu rêver mieux, surtout que son partenaire était son petit-ami dans la vraie vie. Elle avait rencontré Santiago dans cette école de Madrid, et ils avaient tout de suite faire la paire en danse. Tous deux excellaient dans le tango, qui devint leur spécialité. Ils avaient commencé à sortir ensemble peu de temps après l'arrivée d'Opale dans l'école, et ils ne s'étaient jamais quittés depuis. C'était le premier amour de la jeune fille, qui ne se voyait sans lui désormais. Sans aucune hésitation, les deux jeunes gens acceptèrent l'opportunité qui leur était donné, d'aller à New-York dans une grande troupe de danse. Alors que Mercedes n'avait que dix huit ans, elle avait déjà tout réussi. La jeune fille avait bravé les plus dures étapes de la vie, même si c'était loin d'être terminé. Sans plus attendre, les deux amoureux, mais aussi partenaires de danse, s'envolèrent pour les Etats-Unis.
le vingt-cinq novembre deux mille onze Ҩ Le vide, le néant, zéro, rien.. Plus rien. Tout était arrivé si vite que personne n'avait rien vu venir. Une accélération, un freinage, puis un arrêt brutal. Des hurlements, un terrible accident, puis le vide. Le vide total. Dans son lit d'hôpital, Opale ouvrait lentement les yeux, se retrouvant face à un homme qu'elle ne connaissait pas - du moins, c'est ce qu'elle croyait. Sa tête lui faisait mal, son corps tout entier la faisait terriblement souffrir. Elle voulait se lever, mais la souffrance était tellement forte qu'elle ne pouvait pas. Opale ne sentait plus ses jambes, elle était incapable de les bouger. Incapable de bouger ne serait-ce qu'un orteil.. Elle sentait les larmes glisser sur ses joues, tandis qu'elle fermait lentement ses paupières, n'ayant pas la capacité de les tenir ouvertes plus longtemps.
FLASHBACK Ҩ le treize octobre deux mille onze
« Mon amour c'est moi qui conduit aujourd'hui ! » s'exclama Opale, avide de conduire la moto de son amoureux. Elle avait passé son permis il y a peu de temps, et elle voulait en profiter. Seulement, Santiago n'était pas de cet avis. Il préférait conduire, trouvant que cette moto était trop puissante pour la demoiselle. Têtu comme une mule, il arriva à ses fins, démarrant à toute vitesse sa bécane. Accrochée comme une sangsue à son homme, Opale posa sa tête sur son épaule, observant le paysage qui défilait à toute vitesse sur son passage. Elle ne rendit même pas compte que Santiago s'était arrêté à un stop, tant elle était perdue dans ses pensées. Alors qu'il redémarrait avec prudence, Opale tourna la tête à sa gauche. Un hurlement s'échappa d'entre ses lèvres, tandis qu'elle entendait son prénom crié par celui qu'elle aimait tant.. Le choc fut rude, si rude que la jeune femme fut éjectée de la moto en un rien de temps. Tout l'arrière de la bécane fut bousillé, réduit en miettes. Opale avait déjà perdu connaissance depuis quelques secondes, tandis qu'elle était allongée sur le sol le corps ensanglanté..
FIN DU FLASHBACK
le quatre décembre deux mille onze Ҩ Cela faisait quelques jours que mademoiselle Fabregas s'était réveillée. Toujours allongée dans son lit d'hôpital, Opale déversait des tonnes de larmes, espérant que cette douleur prenne fin. Elle avait passée plus d'un mois dans le coma, entendant les moindres paroles des médecins & des visiteurs, mais sans pouvoir leur répondre. Tous les jours, le même homme était venu la voir. Il la pleurait, désirait qu'elle revienne, il lui disait même qu'il était fou amoureux d'elle, qu'il avait besoin d'elle. Mais Opale avait beau chercher, elle ne se souvenait pas de cet homme. Il fut là à son réveil, son regard bleu la fixant, au bord des larmes. Cet homme disait s'appeler Santiago, et il était son petit ami d'après lui. Mais Opale ne voulait rien entendre, car à ses yeux, cet homme était un inconnu.. Celle-ci avait tout oublié, toute sa vie à partir de Madrid était rayée. La jeune femme se rappelait de sa mère, celle qui l'avait abandonnée. Mais aussi de son père, qu'elle avait quitté pour danser. Bien entendu, Opale se souvenait à quel point la danse était importante dans sa vie, et le fait de savoir qu'elle ne pourrait peut-être plus marcher lui faisait perdre tout espoir de vivre à nouveau dans le bonheur. Opale avait oublié les six dernières années de sa vie, et sans doutes les plus belles..
le douze février deux mille douze Ҩ C'était la première fois depuis un mois que la jeune femme esquissa un véritable sourire. Elle avait enfin réussi à poser ses deux pieds sur le sol, faisant quelques pas. Cela faisait plus de deux mois qu'Opale était en fauteuil roulant, ne pouvant utiliser ses jambes. Le plaisir de pouvoir marcher à nouveau était infime, mais elle avait besoin de ça pour continuer. Santiago était restée avec elle des jours durant, même si Opale ne se souvenait pas de lui. Il insistait toujours sur le fait qu'il était son petit-ami, depuis presque six ans, mais la jeune femme préférait l'ignorer. Au fur et à mesure, Santiago ne parla plus de cela. Il n'aborda même plus l'accident, car Opale avait énormément de mal à le vivre. Elle se souvenait du choc et de la peur qu'elle avait ressentie, mais c'est tout. L'accident restait tabou pour elle, surtout car celle-ci ne voulait pas en parler, consciente que c'est à cause de ça qu'elle ne pourrait plus danser.
le quinze mars deux mille douze Ҩ Après un long mois de rééducation, Opale put enfin sortir de l'hôpital où elle y avait passé presque six mois. Les médecins lui avaient prescrit de nombreux traitements, et plusieurs séances de kiné. Elle était à New-York, mais cette ville lui paraissait inconnue. Elle ne se souvenait pas de la Grande Pomme, et c'est pourquoi celle-ci décida de quitter la ville. Sa tante lui proposait de venir vivre chez elle, à San Diego. Sans hésitation, Opale prit l'avion pour se rendre en Californie. Même si elle n'en avait pas très envie, Santiago la suivit. Malgré tout, il avait été là pour elle depuis son accident..