Il y a les gens normaux, qui rêvent d'une vie stable, d'un avenir simple et agréable, d'une vie longue et parfaite, sans embrouilles, sans problèmes, sans rien de contraignant. Et il y a les gens comme Isydore, ceux qui font n'importe quoi, qui jouent avec les limites, qui vivent dans l'extrême sans se soucier des conséquences, qui considèrent que la vie est trop courte et que trop peu de personnes en profitent comme ils le devraient.
Isydore est née à New-York, sous la pluie, d'un père architecte et d'une mère clandestine. Une mère qu'elle n'a que très peu connue, renvoyée un beau jour au Mexique, laissant derrière elle un bébé d'à peine deux ans et un vague souvenir. Ils n'ont plus jamais eu de nouvelles mais Isy n'a jamais montré l'envie de la retrouver.
« Et si je vivais à 100 à l'heure ? »
Elle a grandit trop vite. C'est toujours ce que dit son père avant de s'offrir ses cinq minutes nostalgie où il se remémore le temps où sa fille ne marchait pas encore. Parce qu'à partir de cet instant, disons que son comportement n'a pas toujours été des plus exemplaires. Bagarres au jardin d'enfant, crises de nerf en plein supermarché, bref, le comportement d'une gamine capricieuse pourrie par les cadeaux qu'elle n'a pourtant pas. Son père n'est pas riche, pas célèbre et pourtant...
Sept ans, l'âge de la première fracture. Et elle s'en fera plus d'une, se cassera plus qu'un doigt. Et tout ça pour quoi ? Le skate, une passion depuis qu'elle a vu une émission sur le sujet en engloutissant son petit déj avant d'aller à l'école. Ce qu'elle n'avait pas compris, c'est qu'avant d'enchaîner les figures avec la fluidité d'une pâte à crêpe, il faut passer par la case « Débutant ». Mais brûler les étapes et se croire invincible, c'est Isy tout craché.
« Et si je faisais un truc carrément débile et pas du tout enrichissant ? »
Quatorze ans, première visite du commissariat, mais pas dans le cadre d'une sortie scolaire. Chopée en flagrant délit de vol de chewing-gum dans une grande surface. Rien de bien grave, sauf que depuis quelques temps, le père d'Isy est convoqué un peu partout pour les délits mineurs de sa fille qui ne tient pas en place. Et surtout dans le bureau d'un directeur dont la patience s'effrite un peu plus à chaque nouvelle bêtise. Un pétard dans la cuvette des toilettes, une bataille de vinaigre en cours de chimie, un concours élisant celui qui lancerait ses frites le plus loin dans la cantine, et ainsi de suite.
Gâcher un mariage ? Les doigts dans l'nez ! Depuis un an son père fréquente une femme dont le fils a l'âge d'Isydore, un garçon avec qui elle s'entend plutôt bien. Le jour du mariage fut en quelque sorte le jour de la rupture entre un père et sa fille. Parce que rire à l'église et pousser les serveurs apportant la pièce montée pour qu'elle tombe au sol, c'est, sans mauvais jeu de mot, la cerise sur le gâteau. Déçu par le comportement d'Isy, son père l'envoie dans une pension réputée pour ses résultats dans le redressement des enfants à problèmes.
« Et si je dépassais les limites ? »
Ça n'arrange rien. Vexée et déçue d'elle-même, Isydore cherche plus encore à se faire remarquer, à forcer son père à la retirer de cet endroit où il l'avait envoyée. Elle tague les murs de l'internat, brûle les voitures des surveillants, met plus d'une fois l'établissement sans dessus-dessous avant d'être définitivement renvoyée. Elle a dix-huit ans quand elle s'essaye pour la première fois à la drogue. Chose qu'elle ne refera plus, rien ne vaut la montée d'adrénaline typique des plus grands délits.
Son père a depuis longtemps laissé tomber l'idée de la raisonner, il la laisse continuer à vivre dans l'extrême, espérant qu'un jour son stock de folie s'épuise. Il ne peut s'empêcher de se dire qu'elle est comme sa mère, intrépide et sans peurs. Un caractère qui l'on aidée à traverser la frontière des années plus tôt.
« Et si j'allais voir ailleurs si l'herbe est plus verte ? »
C'est ce caractère maternel qui la pousse, à vingt ans à peine à quitter la maison, un beau matin, un simple sac de voyage à la main et l'envie d'ailleurs dans le cœur. Elle s'éloigne au plus de chez elle sans s'encombrer des problèmes de langue dus à un changement de pays ou de continent. Elle traverse les Etat-Unis, quittant la côte est pour la côte ouest, l'océan Atlantique pour l'océan Pacifique, plus vaste, New-York pour San Diego.