Trois heures de travail. Voilà ce qu'il fallut à Esmée Davenport pour donner vie à ce bébé qu'elle attendait depuis neuf mois. Elle savait que ce serait dur d'élever un gosse quand on n'a pas un sou en poche, que le père est parti faire le tour du monde à la découverte de nouveaux piafs que l'homme blanc ne connaîtrait pas. Ouais, qu'est-ce qui lui avait pris de coucher avec un mec aussi chelou que lui ? Elle n'en savait rien. Mais il lui avait tapé dans l'oeil et surtout, elle avait toujours kiffé les mauvais garçons avec toujours un sac sur le dos et un blouson clouté en cuir. C'était son style. Mais encore une fois, elle était tombée amoureuse du mauvais mec, celui qui sitôt mis au courant de la grossesse, prit le premier avion pour le Pakistan, à la recherche de la célèbre colombe à bec rose. Non mais sérieux, ça existait ce truc ? C'comme le Pikachu rouge ; on a aucune certitude qu'il existe dans la version Cristal, mais bref. « J'ai … J'ai comme l'impression que sa naissance c'est … Ma renaissance. » Elle était paumée, elle ne savait que faire de son enfant et une fois qu'elle entendit ses premiers pleurs – quelle tapette ce Nixou à l'époque – elle sut tout de suite qu'elle l'élèverait et qu'elle l'éduquerait du mieux qu'elle peut. En un second murmure, elle annonça enfin ; « Je vais l'appeler Phoenix. » Avec le recul, le brunet se doutait que s'il portait le prénom du piaf dans Harry Potter – Fumseck là – c'était aussi pour la mémoire de son père. Soudain, les contractions redoublèrent sans s'y attendre. Une infirmière attrapa le bébé, appelant totalement paniquée le médecin qui, annonça après avoir vérifié sur plusieurs écrans ; « Il y en a un deuxième. » Oh quooooi ? What is the fuque ? Evidemment, Esmée aurait dû se méfier de ce gynéco chelou qui lui avait fait l'échographie, elle se disait bien que ce n'était pas normal qu'il ait eu besoin d'y mettre autant les doigts et que l'examen des nénés n'était pas très médical. Enfin bref, sur le coup elle se disait juste 'mais crotte, comment j'vais faire pour m'occuper de deux !' Sauf que le schéma se répéta et quand un sourire s'afficha sur le visage du second bébé, elle craqua et, totalement éprouvé, avoua ; « Austin. » Là où elle avait rencontré le père pour la première fois, là où elle avait passé les plus belles journées de son existence.

« Pourquoi on a eu autant de Papa, Phoenix ? » La question résonna dans les oreilles de Phoenix pendant quelques secondes encore. Pourquoi … ? That's the question. Ils avaient dix ans à l'époque et déjà, ils avaient connu sept déménagements ; SEPT. « Elle … Elle cherche peut-être le meilleur Papa, un vrai super-héro ! » - « Ooooh, comme Spiderman ! » ajouta Austin, soudain tout enjoué. « Nooon, un autre, Peter Parker est pas assez musclé ! » Aux yeux de Phoenix, le papa parfait ce serait celui qui aurait une gueule d'ange, de gros biscottos et qui kifferait se déguiser en pirate. Mais leur mère devait avoir une toute autre vision du père parfait, vu le nombre de divorce et de re-mariage qu'elle avait enchaîné. Son souci, c'était qu'elle s'attachait bien trop vite aux hommes, aussi vite qu'elle s'en détachait, sans compter que c'était une nymphomane du mariage. Les mauvaises langues la traitent de traînée car il est vrai qu'avec tous ces divorces, elle s'en était faite des nénés en or la Esmée Davenport. Comme elle ne travaillait pas, il fallait bien qu'elle gagne sa vie, sans compter que grâce à ça, les jumeaux avaient largement de quoi vivre. Qui aurait cru que la mère célibataire sans un sou deviendrait un jour une femme presque millionnaire, hein ? Certainement pas elle. « J'espère que le prochain papa, il n'aura pas d'enfant. Tu te rappelles de Rebecca ? » - « Oh wai, quelle pimbêche ! Elle voulait même pas montrer ses lolos. » siffla Phoenix en croisant les bras. Ah oui, l'inconvénient d'atterrir à chaque nouveau mariage dans une nouvelle maison, c'était qu'ils devaient supporter de nouveaux frères et sœurs. Mais bon, Austin avait la chance d'avoir le meilleur frère biologique du monde, donc il n'avait pas à se plaindre.

Remettant une mèche de cheveux blonde derrière son oreille, Phoenix fixait les pupilles de la délicieuse créature qui lui faisait face. Il n'en avait rien à faire d'elle en fait, surtout qu'il n'était pas du genre à enchaîner les histoires d'un soir. En gros, il ne la connaissait pas, il ne voulait pas la connaître, mais il lui parlait pour le frérot. Bawiii, pour ses dix-huit ans, Phoenix voulait offrir un dépucelage à Austin. Non mais sérieusement, coincé comme il était, il fallait bien que le super jumeau se dévoue pour faire perdre son innocence à Popole, en plus ça ferait un chouette cadeau d'anniversaire ; un tour de grand 8 pour Tintin ! « Pour moi faire rire une femme c'comme faire pleurer un soleil dans un cœur. » Lâcha-t-il en glissant son index dans ces boucles qu'il dessinait, dessinait et re-dessinait encore. Il avait envie de la claquer la blondasse car elle ricana comme la fée Carabosse, sans parler de ses incisives qui étaient exagérément séparées. Enfin le bon côté des choses, c'était qu'elle pouvait faire glisser une paille sans ouvrir la bouche hein ! Puis ce n'était pas lui qui la baiserait ce soir, ce serait son jumeau qui prendrait sa place au moment venu. C'était comme ça eux deux ; après tout, vous croyez que Phoenix a eu son bac comment ? Austin y a été pour beaucouuup, oh oui. Mais ça, personne ne le sait. Si Phoenix a un charisme à faire péter le string de Mère Thérésa, un talent de fifou pour jouer la comédie et est doté d'un jem'enfoutisme à toute épreuve, et bien Austin était l'inverse. Certes, il était coincé, timide et il puait des pieds, mais à côté de ça, il avait le QI d'Einstein, c'était un dieu de l'informatique et c'était un parfait bouc émissaire. Enfin ça, it's another story. Alors que la blonde lui tombait dans les bras, le brunet fit un clin d'oeil discret à son frère qui les observait à l'autre bout de la pièce, puis prétexta une envie pressante. Retrouvant le jumeau, il lui tapa dans la main et murmura ; « Allez, elle est toute à toi. » - « Merci. Tu verras, j'vais gérer ton concours pour Harvard. » Échange de service quoi. Bon, certes, au final Phoenix n'alla pas à Harvard parce qu'il ne géra, en effet, pas le concours d'entrée, mais ceci dit, Austin ne parvint pas à pécho la meuf car il eut la bonne idée de lui parler de l'Esperanto, ou la langue des geeks quoi, langue à qui il vouait un culte sans nom. Mais bon, il rejoint l'université de New York où il étudia le journalisme. Enfin … Pas longtemps, deux années, parce que les cours ce n'était vraiment pas son truc. Non, il se trouva une vocation dans le marketting, la publicité, la vente … Bref, il distribue aujourd'hui encore des Churros sur les plages de San Diego, ville qu'il a rejoint il y a quelques mois.

« Morgane tu … Tu es si belle … J’ai envie de t’em… » Tant d'hypocrisie dans la voix & pourtant, Phoenix l'embrassa pour la première fois ce jour-là, dans ce gymnase, alors qu'elle chlinguait la transpiration avec son T-shirt dix fois trop grand, porté très certainement par un type ultra baraqué qui n'utilisait certainement pas Axe comme déodorant, ça c'est sûr. On pouvait même pas s'assurer qu'il en portait, ou alors de la sous-marque, le truc que tu payes aussi cher qu'un paquet de knaki. Quoiqu'avec la crise, c'pas donné les knaki, le prix de la vie a tellement augmenté. M'enfin il n'était pas question de la crise économique & tout le toutim – quoiqu'elle est partouuut les gens, méfiez-vous, boooouh – mais bien d'elle, de lui, d'eux. « Euuuhw... Tu disais quoi déjà ? » - « Bah je disais que t’étais belle, & franchement le rouge pivoine sur tes joues te va incroyablement bien. » Sans le savoir, ils avaient franchi un pas ce soir là, un pas de géant vert ! Non non, pas de Shrek, Shrek il fait des mini-pas d'ogre, mais bien un pas de Géaaant Vert ( ohohoho, comme dans la pub quoi. ) Sérieusement, ils avaient beau s'en foutre sur la gueule sans arrêt, s'envoyer bouler, se vanner, se raconter des blagues pas drôles, se rouler des galoches sans savoir pourquoi, ils étaient attachés bien plus qu'ils ne voulaient l'un & l'autre l'avouer. Pourtant, Phoenix lui en avait débité de ces déclarations, des choses sans queue ni tête, tout ce qui lui passait dans la caboche quoi. Mais Momo n'avait jamais rien pris au sérieux. & réciproquement d'ailleurs. Comment pourraient-ils sachant qu'entre eux d'eux, ça avait toujours été foutage de gueule sur foutage de gueule ? Résultat, quand Morgane s'en alla sans lui donner des explications, ils n'avaient rien construit. Autant, ils étaient parvenus à caser Mickey, le labrador de môôsieur, avec Snoopy, le furet de mââdame, autant, leur relation était au point mort. & honnêtement, Phoenix vous mentirait s'il disait que ça ne lui avait pas mis un coup au cœur quand elle s'est barrée pour aller à l'autre bout du monde. Pas un déchirement, mais un pincement ultra violent, un pincement qui lui rappelait Morgane d'ailleurs parce qu'elle lui faisait toujours super mal avec ses ongles à la Wolverine là. Il devait être maso parce que malgré la maltraitance qu'il avait subi en sa compagnie, il ne pouvait s'empêcher de penser à cette gogolita.

« Chuuuuurros ! Qui veut des churroooooos ? Tout chaud les chuuuuurros ! » scanda Phoenix en se promenant avec sa caissette de friandises qui pendait à son cou. Il avait certes l'allure d'un Saint Bernard, mais vous n'imaginez pas à quel point il se faisait des couilles en or le jeunot. Enfin … Disons qu'en été il s'en faisait, mais pas du vrai or, du toc en fait, mais chuuut, c'était une tellement bonne imitation que jamais on ne soupçonnerait la contrefaçon. Mais depuis quelque temps, il galérait à grimper son chiffre d'affaire à cause d'une meuf, une Tamara. Insupportable la fille avec ses beignets. Forcément, si elle dégainait ses lolos très peu couverts avec ce décolleté plongeant, tous les abrutis préféreraient bouffer ses beignets pas bons. Et oui, Nixou avait goûté à la concurrence, et ça manquait très clairement de sucre by the way. Phoenix, quant à lui, ne pouvait compter que sur sa gueule d'ange et son sourire ravageur. « Hey toi, range tes churros à deux balles, tu m'fais de l'ombre. » Du tac-au-tac, il lâcha ; « Nop, sorry, mais c'toi qui fais éclipse avec ton gros cul. » Waaaahou, merci face de bouc pour ce super jeu de mots. Blasée, elle soupira ; « Comique en plus de ça. » Rrrrh, même sa voix était énervante et l'odeur de ses beignets pourris polluaient l'air. BREF, elle n'avait rien pour plaire la cocotte. Finalement, afin de s'en débarrasser une bonne fois pour toute, le jeune homme lui répondit en lui donnant un coup de coude ; « Heeey, tu devrais bouger ces jolies petites fesses, sinon je serais tenté de fourrer mon churro dans ton beignet ... » Quelle image de caca qui lui valut une bonne claque dans la figure. Mais ne se laissant pas faire, il répliqua en lui envoyant un churro au Nutella à travers le visage. Et BAM, le beignet il ne le vit pas venir non plus. Bref, voilà à quoi se résumait ses journées, ses dures journées de labeur, devrais-je dire. Il faut dire que c'était à peu près la seule chose qui pimentait sa vie ces derniers temps mais au fond, il était bien mieux à San Diego qu'à New York, ville qui lui sentait si vide, si lointaine à présent ...