Je n'ai jamais eu la chance de connaître mes parents biologiques. Le couple homosexuel qui m'a adopté, les Lawrence, disent que mes parents étaient bien trop pauvres pour prendre soin de moi. La seule chose que je sais d'eux c'est que mon père s'appelait Alfonso Diogo Henriques et ma mère Amalia Beatriz Henriques. Mes parents adoptifs ont gardé quelques photos de mes parents biologiques. On dit que je suis le portrait craché de mon père.

Je ne me souviens pas quand j'ai quitté mon pays natal, le Brésil. A dire vrai, je garde peu de souvenirs de mon enfance là-bas. Je devais être trop petit certainement. C'est assez étrange, c'est presque comme si ma vie avait commencé à San Diego. Je n'ai même pas d'images qui me reviennent comme si j'avais été victime d'un lavage de cerveau. Je n'ai pas connu ce Brésil pauvre, déchiré par des conflits entre gangs, ce Brésil où les jeunes qui vendent, achètent de la drogue et se prostituent ne sont devenus qu'un détail. Mes parents adoptifs étant riches, je n'ai manqué absolument de rien. Parfois, j'avais même l'impression d'être pourri gâté et d'avoir perdu toute notion de l'argent. Mais, mes parents adoptifs m'ont donné la meilleure éducation possible et je leur en suis très reconnaissant. Ils m'ont appris à être honnête, à tendre la main aux nécessiteux et à relativiser aussi dans des périodes sombres. Ils m'ont également donné une éducation catholique, chose à laquelle, à ce qu'on dit, mes parents biologiques tenaient. Je n'ai strictement rien à reprocher à ma famille adoptive. En revanche, je ne peux m'empêcher d'éprouver quelques remords..

L'adolescence. C'est une période où les choses se bousculent pour nous. On entreprend un voyage en quête de notre identité. Etre adopté n'était au départ pas facile pour moi. Etre adopté par un couple homo l'était encore moins. Je ne me suis pas toujours montré respectueux et reconnaissant envers les Lawrence. Je les ai insultés et reprochés d'être homosexuel. En réalité, qu'ils soient homosexuels ne me dérangeait pas le moins du monde mais c'était plutôt les remarques taquines, acerbes de mes camarades qui me poussaient à agir de la sorte. J'ai parfois même fugué. Et malgré tout cela, ils m'ont pardonné.

Avec le temps, j'ai fini par m'y faire. J'ai fini par passer au-dessus. J'avais la chance d'avoir des parents aussi adorables et j'estimais que je n'avais pas le droit de me plaindre. Ils ont pris soin de moi, m'ont offert probablement plus d'amour que quiconque n'aurait su le faire.

Je suis maintenant devenu un étudiant en tourisme. Ma capacité à parler couramment l'anglais, le portugais et l'espagnol est vraiment un atout pour moi surtout dans un domaine pareil. Je suis également serveur dans un starbuck coffee dans le centre de San Diego. Bien que mes parents soient riches, j'estime qu'il est temps pour moi de travailler, de m'affirmer en tant qu'homme et de me faire un peu de sous de côté.