J'étais toujours dehors ce samedi là, même s'il était déjà minuit passé. Rien de bien extraordinaire en soit, puisque je n'avais jamais eu l'habitude de rentrer tôt chez moi un samedi. Cependant, j'évitais au maximum de traîner à Hillcrest Est, l'endroit le plus craignos de San Diego. Avec tous les clubs de strip-tease et les prostitués qui regorgent la rue, j'avais l'impression de me retrouver tel un puceau célibataire qui voulait passer du bon temps en bon novice et coincé. Si je confiais à quelqu'un que j'étais dans cette rue, à cette heure ci pour un devoir de la fac, je crois qu'il ne me croirait pas. Et c'est bien normal car c'était à minuit passé que la rue prenait toute sa splendeur ... En définitif, ce n'était pas un endroit très fréquentable pour quelqu'un comme moi et j'y étais pourtant, seul. Bien que les lumières des bars, restaurants, discothèques et autres enseignes éclairaient de milles feux la rue principale, les ruelles étaient quant à elles très sombres et pourtant, remplie de personnes. Des prostitués, des dealers, des drogués, des saouls ... Bref, plein de bon monde. Seulement, la musique et les lumières m'étourdissaient tellement que je décidai d'un seul coup, de prendre une ruelle isolée et bien sombre. Quand je m'y suis engagé, je crus être au Paradis : mes yeux étaient enfin tranquilles. Mais mes oreilles ne l'étaient pas pour autant : on entendait en fond les musiques des discothèques et quelques cris ... Rien de tout cela m'intéressait, mais j'avoue qu'une certaine agitation m'intrigua : au fond de la ruelle que j'avais empruntée, trois hommes étaient autour d'un femme qui poussaient des cris. Je ne pus apercevoir correctement les trois hommes, mais de loin, on eut dit qu'ils étaient des clochards et qu'ils s'en prenaient à cette femme, qui n'avait pas du tout l'air intéressée. Je n'avais pas envie de me mêler de leurs affaires ; mais je ne pouvais pas laisser cette fille, surtout si elle était en détresse. Je me dirigeai alors sur le groupe, et arrivé à leur niveau , je compris ce que je redoutais : la fille se faisait bien agresser.
Pour mettre fin à toute cette agitation, j'attrapai l'un après l'autre les trois hommes, et leurs donnai un coup de poing qu'ils n'étaient pas prêts d'oublier.
« Bande d'enfoirés ! »
Etourdis par mes coups et surtout par l'alcool qui s'était imprégné sur tous leurs vêtements, ils s'écartèrent et restèrent à proximité de la fille. Alors, je pris la main de la fille, la portai dans mes bras et l'emmenai un peu plus loin en empruntant une autre ruelle. Elle ne se débattit pas, ce qui me facilita la tâche. Quand nous fimes loin de la bande et surtout loin de la ruelle, je la posai prêt d'un lampadaire. J'arrangeai alors ses vêtements qui étaient tout froissés et presque arrachés. Puis, en tournant la tête derrière moi pour voir si les autres venaient , je lui lançais :
« Vous devriez faire attention mademoiselle, se promener seule, la nuit dans une ruelle à Hillcrest Est, c'est comme tenir une pancarte sur laquelle est écrit : S'il vous plait agressez moi ou violez moi. »
Puis je tournai la tête vers la jeune fille, et là, je reconnus Tatiana. Je fus très surpris car je ne m'attendais pas à connaitre la fille que je venais de sauver. J'avais rencontré Tatiana quelques jours plus tôt, dans un bar après une journée assez difficile. Elle m'avait remonté le moral très rapidement, et nous avions discuté jusqu'à pas d'heure. Puis nous l'avions fait ...
Je lui lançais alors un sourire et lui dis :
« Tatiana ?! Non mais qu'est-ce que tu fiches ici ? »
Je repris alors mon ton protecteur :
« C'est pas un endroit pour les filles comme toi hein ! A moins que tu ne m'aies caché des choses ... »
Lui dis-je sur un ton provocateur. Puis je repris :
« Mais bon, heureusement que Super Nahyl est là pour sauver les demoiselles en détresse. Un peu comme Hercule, mais en mieux. »
Je lâchai alors un petit rire, et la pris dans mes bras afin de la rassurer.
« Je suis là maintenant, ne t'inquiète pas. ».

« Merci »
Je fus presque soulagé d'entendre le son de la voix de Tatiana vu qu'elle n'avait rien prononcé depuis que je l'avais emmenée. Elle était toujours en état de choc et je comptais bien rester avec elle toute la nuit s'il le fallait. Je lui murmurais alors sur un ton protecteur :
« Ne t'inquiète pas , c'est fini. ».
Après lui avoir fais un long câlin, je la regardais et lui souris amicalement afin de lui remonter un peu le moral :
« Allez, fais moi un petit sourire, tu es si belle quand tu souris ... ! ».
Elle se força alors de sourire, mais ça me suffit largement. Puis, plus sérieusement, je lui demandais :
« Qu'est-ce que tu faisais par ici ma belle ? C'est pas ton genre de fréquenter ce genre d'endroits ... Tu t'étais perdue ? ».
J'attendais calmement sa réponse, quand je compris qu'elle n'avait pas la tête à parler. Je ne voulais pas lui arracher les mots de la bouche pour autant, si elle ne voulait pas discuter, c'était son droit et c'était tout à fait compréhensible. Elle semblait perdue dans ses pensées tandis que j'essayais de trouver un moyen de lui faire oublier ce mauvais épisode. Alors qu'un long silence s'installa entre nous deux, quelques gouttes de pluie se mirent à tomber. C'était très rare à SD puisque le soleil montrait le bout de son nez tous les jours accompagné d'une chaleur parfois douce, parfois lourde. Il faisait très lourd ce soir là, on aurait pu ainsi deviné que la pluie allait se pointer. Mais ce n'était pas un problème puisque ces gouttes étaient à la fois chaudes et rafraîchissantes. Tatiana et moi levâmes les yeux au ciel en même temps, et rebaissâmes la tête de la même façon. Voyant son visage se figer, je lui lançai un sourire coquin puis je baissai la tête en lui tendant ma main :
« Si Mademoiselle veut bien se donner la peine de m'accorder cette danse ... ».
Je compris que Tatiana ne comprenait pas mon petit jeu, mais quand elle fit oui de la tête, je pris alors ses deux mains, et nous nous mirent à danser au milieu de la pluie, éclairés par le lampadaire où nous nous étions arrêtés. Notre danse était un mélange de valse, de salsa, de tango ... Un mélange de tout et n'importe quoi. Parfois je l'élançais comme dans HSM et la portais le plus haut possible. Quand à elle, elle se contentait de faire quelques figures, et de tourner sur elle même le visage face à pluie. Pendant de bonnes minutes, nous dansâmes à ne plus contrôler nos fais et gestes. Cela faisait du bien de se laisser bercer par nos envies, par nos mouvements et par l'autre. Il n'y avait pas de guide ni de meneur, nous suivions chacun l'autre. Ce fut très agréable; et pourtant, nous nous arrêtâmes d'un coup l'un face à l'autre. Essoufflés, nous restâmes les yeux dans les yeux pendant quelques secondes, puis je dis le sourire aux lèvres :
« Je m'en compte seulement maintenant, mais c'est vrai que je suis complètement fou. ».
Tatiana me sourit innocemment et comme je la trouvais magnifique quand elle souriait, je ne pus m'empêcher de passer ma langue sur mes lèvres afin de les mouiller, de fermer les yeux et de rapprocher mes lèvres des siennes. Je lui donnai alors un long et tendre baiser.

Oui. Faut vraiment être con pour s'aventurer dans une ruelle dangereuse et déserte à une heure aussi tardive. Je le sais parfaitement et j'assume d'ailleurs ce que je fais. Depuis quelques jours, je ne cesse de me laisser bercer par de nouvelles aventures, de m'amuser à prendre de grand risques. Ça sent énormément la petite friquée qui s'ennuie et ne sait pas quoi foutre de ses journées or ce n'est pas du tout le cas. La mort de mon père m'avait énormément touché. Il représentait mon centre de gravité et je venais d'un coup de perdre tous mes repères. Aigrie par ma tristesse profonde, l'injustice sociale; j'évacuais toute ma fureur sur moi plutôt que sur les autres. Je me rendais compte de jour en jour que les gens avaient raison en me disant que j'accordais un peu trop d'importance à la vie, à mon travail, à mes relations. La vie était bien trop courte, bien trop injuste et salope. En une fraction de seconde, elle peut faire vibrer votre monde et tout vous retirer à la fois. Elle m'avait piqué mon père; l'avait emporté. Non je ne passais pas du tout par une phase de dépression. Oh non je suis trop "vive" pour l'être. Le sourire aux lèvres, je ne peux passer une journée à chialer ou me plaindre. Et c'est d'ailleurs pour ça que j'explosai en larmes au moment ou Nahyl vint me secourir. C'était tout simplement la goûte d'eau qui a fait déborder le vase. J'allais très mal, j'avais bloqué tous mes sentiments, mes émotions et étais plongée dans ma bulle à moi. Cet incident m'avait donc secoué et m'avait ouvert les yeux. Nahyl me demanda alors ce que je faisais ici. J'évitais de répondre ne sachant pas trop quoi lui dire, d'ailleurs. Il le comprit et changea de sujet. C'était surtout cela que j'aimais chez lui; il était très compréhensif. Il faisait un temps de chien et la pluie commença tout de suite à tomber à flots. J'adorai la pluie. Je pouvais passer des heures entières à l'écouter tomber. Ce son doux et à la fois brusque qui se dégage suite au fracas qu'engendre la pluie sur le sol. Il me demanda si je voulais danser. J'acceptai. Collés l'un à l'autre en une parfaite communion, on se laissait emporter suivant le rythme de la pluie. Nahyl vint interrompre le silence qui n'était bizarrement pas pesant. Et sans même me laisser le temps de répliquer suite à sa remarque, il colla ses lèvres sur les miennes. Je l'avais déjà embrassé auparavant et pourtant je pris mon temps à découvrir ses lèvres à nouveau. Je prolongeai notre baiser avant de m'écarter doucement faisant durer ce moment. Je sais que je n'ai pas le droit de le dire mais... tu m'as manqué. Avec Nahyl on avait une sorte de relation amicale bien spéciale. Une amitié amélioré, c'est cela oui. Bien que je déteste énormément cette appellation. Je ne lui posai jamais de questions concernant sa vie privée, si il était déjà en couple ou pas et lui aussi d'ailleurs. C'étaient les règles du jeu et on faisait tout pour les respecter.