Johannesburg , juin 1989

7 ans. Tel était l'âge que j'avais lorsque le premier drame familial arriva dans ma vie. Ma mère était venue me chercher à l'école et me ramenait à la maison. Ou plutôt la villa. Mes parents faisaient parti d'une des familles les plus riches du pays, ou plus exactement ma mère qui avait hérité d'un empire immobilier à la mort de son géniteur. Autant dire que nous vivions dans le luxe. Moi, j'étais un petit garçon adorable, incarnant l'innocence à l'état pure. Malheureusement je n'allais plus là garder pour très longtemps. C'est moi qui suis rentré le premier dans le living-room, qui ai découvert une scène d'horreur. Mon père étendu sur le sol baignant dans une flaque de sang, un pistolet à la main. Ce furent mes hurlements qui alertèrent ma mère qui se précipita dans la pièce en courant. « Qu'est ce qui se passe, tu... ? Oh Mon Dieu ! » Ma mère s'agenouilla près du corps de mon père et pleura toutes les larmes de son corps, ne cessant de répéter en boucle « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? ». Suite à cet événement tragique, je plongeai dans un mutisme qui dura plusieurs semaines, avant de finalement retrouver l'usage de la parole. A ce jour, le suicide de mon père reste et restera toujours un mystère. Personne ne se doutait qu'il en arriverait à une telle extrémité, lui qui était toujours si souriant. Il ne laissa aucun mot, rien, aucunes explications. Ce fut surement ce qui détruit ma mère, ne pas savoir...Se sentir coupable, responsable... Elle commença à boire, beaucoup plus que de raison. Au point qu'elle n'était plus capable de s'occuper de moi. « Viens là mon chéri » Je m'approchai de ma mère qui me prit dans ses bras. « Tu sais que je t'aime n'est ce pas ? »  « Oui...Mais pourquoi tu pleures ? » « Parce qu'on va devoir se quitter. Je...j'ai perdu le droit de te garder. Tu vas devoir habiter chez ta grand mère mon grand, je suis désolée »  « Mais pourquoi ? Je veux pas te laisser ! »  « Je sais mais il le faut. Tu dois être fort. C'est la meilleure solution pour toi, tu verras. Dès demain tu prends l'avion pour les Etats-Unis. » « Nooon ! Je ne veux pas partir, je ne sais pas qui sait ! » Je m'accrochai très fort à ses bras. « Je n'ai pas le choix, je suis désolée. C'est ce qu'il y a de mieux pour toi. » C'est comme ça que je fus envoyé aux Etats-Unis, à San Diego plus précisément où vivait ma grand mère maternelle. Cette femme que je n'avais vu qu'une fois dans ma vie, lorsque j'étais bébé. Autant dire une complète étrangère à mes yeux. Les premiers mois furent difficile, le temps de m'adapter. Mais ma grand mère m'aida, il s'avérait qu'elle était une mamie adorable, légèrement sur-protectrice parfois. Une nouvelle vie commençait pour moi.

-------

15 mai 2012, pénitencier George Bailey, San Diego

«Vous savez qu'on ne peut pas prendre le risque de vous laisser sortir comme ça. Pas avant une évaluation psychologique complète » « Je sais. Mais je vous dis que je suis parfaitement sain d'esprit. » « Cela monsieur Wealer, c'est à moi d'en décider. » Je me trouvais dans le bureau de la psychologue rattachée à la prison de George Bailey. Le docteur Margaret Dent était une quadragénaire, aux allures strictes et autoritaires. Néanmoins il fallait avouer que dans son petit tailleur elle exciterait plus d'un homme, moi le premier. « Très bien. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions, on peut commencer » Il me tardait d'en finir avec ça. Je détestais parler de moi, de mon passé, de mes sentiments... Pourtant je savais que si je voulais passer le test avec succès il fallait que je joue le jeu à fond, et coopère. « Parfait. On va commencer par le début. Dîtes moi pourquoi vous êtes là » « Vous le savez très bien. » « Je veux vous l'entendre dire. Et puis ça pourrait vous aider vous savez, de vous confier » J'en doutais fort, mais bon puisque c'était ainsi... « J'ai tué ma petite amie, là c'est ce que vous vouliez entendre ?! » lui répondis je en m'énervant légèrement. Admettre cette évidence, aujourd'hui encore après toutes ces années, était très dur pour moi. Je voulais laisser tout ça derrière moi, ne pas être obliger de me faire revivre les évènements. D'un ton calme la psychiatre me pria de poursuivre. En même temps elle écrivait sur son bloc note. Que c'était énervant de ne pas savoir ce qu'elle marquait. D'autant plus que c'était ce foutu bilan qu'allait décider de mon avenir.  « Elle venait de me quitter. Sans raisons apparentes. Soit disant qu'on était pas fait pour être ensemble, qu'il valait mieux qu'on reste amis. Un soir, complètement saoul, je me suis rendu chez elle, dans l'espoir de la récupérer. Sauf que j'ai vu mon meilleur ami sortir de chez elle. A 2h du matin. J'ai vu rouge. Je suis entré de force, on a parlé, s'est engueulé... C'est là qu'elle m'a avouer qu'elle le voyais depuis 2 mois, qu'elle était amoureuse de lui. » Je me suis tus. Qu'elle ne me force pas à raconter la suite...« Qu'avez vous fait ? » « Je ne savais plus ce que je faisais, j'étais fou de rage, ivre... Je...Je l'ai plaqué violemment contre le mur...et j'ai mis mes mains contre son cou, j'ai serré, serré... Cela n'a pas duré plus de quelques secondes, le temps que je réalise ce que j'étais en train de faire... Je l'ai relâché. Elle avait la tête en sang, elle suffoquait... J'ai appelé les secours, mais il était trop tard. Le temps qu'ils arrivent elle était déjà morte. » Je m'étais imaginé que la psy m'aurait regardé avec dégout, qu'elle me jugerait, mais rien de tout cela. Elle se contentait d'écouter. M'incitant à poursuivre mon récit. « Les flics sont arrivés, ils m'ont embarqués, interrogés... J'ai tout avoué. On m'a mit en prison le temps de mon procès. J'ai écopé de 8 ans de prison pour meurtre sans préméditation » « Qu'avez vous ressenti à ce moment là ? » Non mais sérieux ? Ce n'était pas que dans les films ces questions pourries ? « Rien. Un vide profond... Je ne sais pas...Le sentiment que c'est ce que je méritais. Que la prison était la place où je devais être. » « Aujourd'hui encore ? » « Oui. Mais j'ai payé pour ce que j'ai fais. Je devrais vivre à avec sa mort sur ma conscience, jusqu'à la fin de ses jours. Ce n'est pas suffisant ? » « Vous y repensez parfois, à ce que vous avez fait ? Vous regrettez ? » « Évidemment ! Qu'est ce que vous croyez ? Que je suis un monstre ?! Il ne se passe pas un jour sans que j'y repense...J'aimerais tellement pouvoir retourner en arrière et effacer tout ce que j'ai fais... Elle ne méritait pas de mourir...C'était quelqu'un de bien. J'ai tué la seule femme que j'ai jamais aimé. Aujourd'hui encore j'essaie de comprendre ce qui m'a poussé à faire ça... J'ai beau me dire que j'étais sous l'emprise de l'alcool ce n'est absolument pas une excuse valable. C'est ce que j'ai dis à la barre. J'ai plaidé coupable et me voilà aujourd'hui ici, à vous parler... » « Qu'est ce qui vous fait croire que vous êtes prêt pour la vie en société ? Qui ne me dit pas que vous allez recommencer ? » « Je ne suis plus le même homme que j'étais auparavant. J'ai changé. J'ai suivi une thérapie pour apprendre à contrôler mes émotions... A me maîtriser. Je n'ai plus bu une goutte d'alcool depuis ce fameux jour et je ne compte plus jamais y retoucher. Croyez moi, je ne ferais pas deux fois la même erreur. Je dois déjà vivre avec celle là le restant de mes jours... » Évidemment libre à elle de ne pas me croire. Après tout elle avait raison, rien ne pouvait prouver que je ne commettrais pas un nouveau crime. La vérité c'est que moi même je n'en étais pas sur. J'essayais de me convaincre que j'avais changé, que jamais plus je ne serais capable d'une chose pareille, mais qui savait ? La première fois non je ne me soupçonnais pas capable d'une telle atrocité. Mais j'aimais à me dire qu'il suffisait que je ne retouche plus à une seule goutte d'alcool et tout irait bien. Comme si cela pouvait être aussi simple que cela. « Vous savez qu'après 7 ans de prison, le retour à la vie normale risque d'être très dur... Beaucoup de personnes craquent, et peu de temps après on les revoie à la case départ. Il faut réapprendre à vivre avec les autres, se trouver un job, payer le loyer... Mais le pire est sans doute d'affronter le regard des autres. » « Je sais parfaitement tout cela. Qu'est ce que vous croyez ? Que je n'ai pas peur ? La vérité c'est que je suis terrifié à l'idée de sortir... D'être coincé à San Diego, où tout le monde connait mon histoire... Où vivent mes anciens amis... » « Alors pourquoi vouloir sortir maintenant ? En liberté surveillée ? Il vous suffirait de purger la fin de votre peine ici et vous serez ensuite complètement libre. Libre de déménager, de repartir de zéro. » « Vous rigolez ? J'ai l'opportunité de sortir un an plus tôt, et même si pour cela je dois porter un bracelet électronique, rester à San Diego, ça en vaut la peine. C'est toujours mieux qu'ici » « Que comptez vous faire, et je dis bien SI je vous autorise à sortir ? » « J'irais habiter chez ma grand-mère. C'est elle qui m'a élevé, c'est la seule qui m'a soutenue après toutes ces épreuves... J'imagine que j'essaierais de trouver un boulot. J'ai un diplôme en architecture, mais je suppose que personne ne voudra de moi. Je prendrais ce que je trouverais. » Seulement quelques mois avant de me faire arrêter j'avais obtenu avec brillot mon diplôme en architecture. Plutôt inutile en prison. Et maintenant...Qui voudrait embaucher un meurtrier ? « Bon ce sera tout pour aujourd'hui. Mais on se revoit demain, même heure. » « Très bien » Sur ce je sortis du bureau. Dehors m'attendait un gardien de prison qui me raccompagna jusqu'à ma cellule.

2 semaines plus tard j'étais libre. Enfin en quelque sorte. On m'avait placé un bracelet électronique à la cheville équipé d'un GPS qui permettait de me localiser à tout moment. Je ne pouvais me déplacer que dans un rayon de 5 km. Si je dépassais cette zone ça déclenchait une alarme silencieuse qui avertissait directement les flics. Et retour à la case prison pour moi. Bien la dernière chose que je voulais. Aujourd'hui je me réadapte petit à petit à mener une vie normale.