✖NEMO & CEEDAN✖

Ceedan avait passé toute la matinée dans ses cours. L’université, c’était sympa, mais ça demandait aussi beaucoup de travail. Surtout que Ceedan ne faisait pas ça pour elle, enfin, pas tout à fait. Si elle s’était inscrite il y a deux ans en faculté de droit, c’était pour faire plaisir à son père. Son père, de qui elle avait perdue la confiance depuis quelques années déjà. Un accident qui avait très mal tourné. Une soirée qu’elle n’oublierait certainement jamais. Une nuit durant laquelle elle avait perdue beaucoup plus que tout ce qu’elle pourrait encore perdre tout au long de sa vie. C’est avec esprit qu’elle se levait chaque matin pour se rendre en cours. Mais là, pour le moment, la matinée était terminée. Elle ne reprendrait les cours que dans quelques heures ; temps qui lui permettrait de prendre l’air et d’appeler Reese. D’ailleurs, elle n’attendit pas une seule seconde et sortit son téléphone portable. Sac sur l’épaule, elle entendit la voix joviale de sa sœur jumelle : « Hey Reese […] ça va et toi ? […] Non, je ne sais pas où est maman, tu sais bien que même quand je vivais là-bas, je ne savais pas alors ce n’est pas maintenant que ça va changer […] T’es toujours d’accord pour notre soirée film de samedi, non parce que j’ai tout… » BAM. Ceedan venait de faire tomber ses livres ainsi que son téléphone. Relevant la tête, elle se rendit vite compte qu’elle n’était pas tombée toute seule. Elle avait percuté une autre étudiante, qu’elle ne connaissait pas. La jeune femme soupira, avant de finalement s’excuser : « Désolée, je ne regardais pas devant moi » En observant de plus près son interlocutrice, Ceedan remarqua qu’elle avait son haut tout tâché. De chocolat. Tasse de chocolat que Ceedan lui avait fait renversée. « Oh merde, ton chemisier » Elle enleva sa veste pour la tendre à cette fille. Ceed’ n’était pas forcément du genre généreuse, mais sur ce coup là, elle était fautive. « Tiens, prends là, je n’en ai pas besoin de toute façon. Au fait, moi c’est Ceedan » dit-elle en souriant bêtement.

Les cours. Si je n’étais pas inscrite à l’université, on aurait presque cru que j’étais une femme d’affaire en train de marcher pour aller à son lieu de travail. Je m’étais fringuée comme si j’allais dans un ministère : chemisier blanc à froufrou avec une petite jupe noire, des collants rose fluo et des talons noirs haut d’une dizaine de centimètres. Dans le genre tenue décalée, j’étais la reine. On était toujours en train de me reluquer pour voir si je n’avais pas changé de look, pour ensuite me recopier. Du moins dans le pôle médecine. Je marchais en direction de l’université tout en écrivant un SMS à Julian, mon petit frère adoptif. « I’m here. 5 min. Get ready. XOXO. » Mon petit frère était censé m’attendre à l’entrée, pour la première fois j’avais un cours en commun avec lui et je ne voulais pas rater ça. Malheureusement, ma course fut arrêtée par une violente chute. Je pensais avoir cassé mon talon mais en fait, ce fut un « choc » qui me fit tomber à terre. D’ailleurs, un petit cri ne tardait pas à sortir de ma bouche lorsque je vis mon haut blanc tâché de marron… A l’odeur, c’était du chocolat. « C’est pas vrai ! Tu ne peux pas regarder où tu vas non ? » Je me relevais en regardant mon chemisier, folle de rage. En entendant les excuses de l’étudiante qui venait de me renverser, je n’avais pas de pitié. C’était un de mes chemisiers préférés. « Désolée, je ne porte pas les fringues des autres. » Je lui rendais sa veste. Et puis quoi encore ? Fallait aussi que je porte sa culotte ? J’examinais ma tâche. Tant pis, je devais rentrer chez moi ou plutôt dans ma chambre étudiante pour me changer. Julian allait devoir attendre. « Nemo. » disais-je, sèchement. « Il fallait que je tombe sur la seule fille qui boit du chocolat, dans tout UCLA. » J’étais dégoûtée.

✖NEMO & CEEDAN✖

Pour une fois que Ceedan achetait un chocolat chaud, il avait fallu qu’elle le renverse. Et sur quelqu’un en plus. La catastrophe. Enfin, pas tant que ça, ce n’était qu’une tâche après tout, mais la brune qui se trouvait en face de la belle ne semblait pas du même avis. En même temps, elle était tellement bien habillée que ça faisait presque peur. Elle faisait quoi là ? Elle allait à un enterrement ? Manquait plus que la veste noire et c’était parfait. Veste que Ceedan lui proposa pour cacher ce chemisier, qui en passant, elle trouvait horrible. « Désolée, je ne porte pas les fringues des autres. » Pour une fois qu’elle était aimable avec quelqu’un d’autre qu’elle-même, cette fille lui faisait des manières. Ceedan n’en revenait pas. « Tu rigoles là ? Déjà que ton chemisier n’est pas terrible, alors si tu laisses cette tâche visible, ça le fera vraiment pas… » commença t’elle. Si cette fille voulait être méchante, Ceedan pouvait très bien l’être aussi. Les seules personnes avec qui elle était sympa étaient Reese, sa sœur et Mavrick, son… ami ? Bref. Dommage, Ceedan était de bonne humeur. Et elle, et bien, elle avait tout gâché. Nemo ? Comme le poisson clown ? Bon d’accord, elle devait l’entendre suffisamment pour que Ceedan ne lui fasse pas de remarque. Elle se retint de rire. Elle devait vraiment arrêté de se moquer sans cesse des gens, ou de dire ce qu’elle pense. Tout ça quoi. « Il fallait que je tombe sur la seule fille qui boit du chocolat, dans tout UCLA. » Et ouai, pas de chance. Ni pour l’une ni pour l’autre d’ailleurs. « En fait, c’est la première fois que j’en prends. Tu ne dois vraiment pas avoir de chance » dit Ceedan alors que Nemo tentait tant bien que mal de nettoyer la tache. Ceedan sortit un mouchoir de son sac en soupirant : « Tiens, à moins que tu ne veuilles pas de mon mouchoir non plus ? » dit-elle avec un sourire narquois. Bien quoi ? Elle avait raison non ? « Donc t’aimes pas le chocolat ? » ajouta t’elle d’un air sérieux. Ceedan pouvait être très perspicace quand elle le voulait.

C’était le genre de chemisier fétiche, que tu portais pour te porter bonheur. Moi, ce truc à froufrou me portait bonheur. Je l’avais porté à l’époque pour ma graduation lycéenne, et j’en étais fière. Maintenant, je n’avais plus qu’à l’amener au pressing pour le détacher. Je devais absolument sécher les cours pour ça, tant pis. Mon petit frère allait très certainement comprendre à quel point l’urgence était « urgente ». J’étais intransigeante sur mes objets fétiches, quitte à me saigner pour eux. Non, j’avais décidé de ne pas être agréable avec Ceedan. Tâcher mon chemisier préféré, c’était déjà un carton jaune pour elle. Inutile de dire qu’elle n’était pas loin du rouge. Je venais de me rendre compte que j’étais tombée sur probablement aussi têtu que moi. Mais ça ne me faisait ni chaud ni froid. « Ce chemisier horrible m’a couté plus de 400 dollars. J’y tiens vois-tu. » C’était l’une des rares choses que je m’étais payé avec mes économies de mon précédent travail de laborantine à New-York. Un petit plaisir de grand créateur, ça ne faisait de mal à personne. Sauf au portefeuille. « De plus, je ne porte pas ce genre de veste. C’est démodé ça. » Si on commençait à critiquer les tenues vestimentaires, on étaient pas sorties de l’auberge. Je prenais brièvement le mouchoir de Ceedan, histoire de voir si la tâche partait mais c’était bien trop tard pour ça. « Non, c’est trop tard. Je dois aller au pressing. » J’étais vraiment agaçée. Ah mais peut-être que je pouvais faire payer la note à Ceedan. Après tout, ce n’était pas de ma faute. « Tu m’accompagnes ? Tu paieras la note bien sûr. » disais-je, avec un sourire faux sur les lèvres. « Je n’aime pas le chocolat, quand je porte des vêtements de création non. » disais-je, en soupirant.

Ceedan ne pensait certainement pas faire une nouvelle rencontre aujourd’hui. Enfin si, la belle rencontrait de nouvelles tous les jours, mais elle n’avait pas encore fait une rencontre de ce genre. Elle se savait maladroite mais renverser son chocolat sur cette fille habillée comme si elle allait présenter le journal de vingt heures était la dernière chose à laquelle elle aurait pensé en se levant ce matin-là. La fille en question, Nemo, semblait avoir le même caractère que Ceedan. Têtue, bornée, un peu agressive aussi, un poil drôle, on aurait pu la prendre pour sa sœur jumelle. Sauf que Ceedan avait déjà une sœur jumelle : Reese. Reese qu’elle avait appelé quelques secondes auparavant. « Ce chemisier horrible m’a couté plus de 400 dollars. J’y tiens vois-tu. » Oui elle voyait très bien ! En fait, elle voyait surtout qu’elle lui avait bien fichu en l’air son t-shirt. Et que même s’il n’était pas à son goût, c’était dommage. « Je comprends. J’suis pas du genre à m’excuser mais j’suis désolée quand même » lui lança t’elle doucement. Ceedan qui s’excusait pour une chose pareille, c’était très rare. Quand elle raconterait tout ça à Reese, elle était sure qu’elle éclaterait de rire. « De plus, je ne porte pas ce genre de veste. C’est démodé ça. » Ceedan aurait explosé de rire si cette fille ne l’énervait pas un peu. Elle avait du répondant. Beaucoup de répondant. C’était d’ailleurs plutôt amusant. « On ne doit pas vivre à la même époque alors » répondit-elle avec un petit sourire. Ceedan fit une drôle de tête. Puis Nemo proposa à Ceedan de l’accompagner au pressing pour nettoyer son chemisier. « Si c’est le seul moyen de ravoir la tâche, pourquoi pas ! » dit-elle en soupirant brièvement. « C’est parti alors ? » lui demanda t’elle en montrant le chemin à prendre. « Et pour la note, on verra le prix hein » ajouta t’elle en souriant. Même si elle se doutait bien qu’elle n’aurait pas le choix. Après tout, c’était un peu sa faute ; intentionnelle certes, mais sa faute. Ceedan ne répondit rien quand Nemo insista une fois de plus sur le fait que ses vêtements soient des créations. « Bon, qu’est-ce que tu aimes alors ? » Ceedan voulait faire la conversation, c’est tout.

A l'intérieur, je bouillonnais. J'étais complètement dégoutée pour mon chemisier. Et en plus, je ne travaillais plus donc plus d'économie. Il fallait absolument que je fasse gaffe à l'argent que je dépensais maintenant. Bien que j'étais une accro au shopping malheureusement. J'espérais un peu de compassion de la part de Ceedan, et à vrai dire je retrouvais un peu le reflet de moi-même. Sauf que si j'étais à l'origine de la tâche, chemisier cher ou pas, j'allais pas me faire prier pour m'excuser. Par contre moi, je voulais des excuses. J'étais bizarre, et exigeante aussi. Pauvre gens. « Excuses acceptées. De toute façon, je n'ai pas le choix. » J'espérais que le pressing allait arranger la chose. C'était leur travail de toute façon donc oui, ils avaient intérêt. J'étais prête à taper un scandale. 400 dollars le chemisier ça fait mal. « 21ème siècle, si je crois bien. Rassure-toi, je ne viens pas du Moyen Age. » disais-je, d'un air sarcastique. Bon, eh bien rendez-vous au pressing. Ceedan se faisait en plus une joie de m'accompagner. Même si je devais sécher les cours pour ça. Autant que je prenne ma journée à ce moment là. Oui, j'allais prendre ma journée, comme ça j'allais voir Timothy après. Bonne idée tiens. Elle me demandait ce que j'aimais. La liste était courte, très courte. « Pas grand chose. J'aime râler. » disais-je, avec un sourire en coin. Oui, j'étais une râleuse assumée même. « La famille. La plage. Les garçons, enfin un garçon. Des choses normales quoi. » Jusqu'à preuve du contraire, oui. J'étais normale. « Et toi ? » Bon sang, c'était presque choquant mais oui, je faisais la conversation. Je me mettais en route, vers ma voiture, suivie de la jeune femme.