J'ai toujours été très gourmande. Même si j'ai pas de formes, j'ai les joues pleines de graisse, et un visage tout rond. En fait, c'est à cause des cookies. C'est mon kiff, les cookies. Quand j'étais petite, et qu'on me demandait quel métier je voulais faire plus tard, personne répondait comme moi. La majorité de mes copines répondaient vétérinaire, coiffeuse ou encore chanteuse. Moi ça m'attirait pas, non moi je voulais être... vendeuse de cookies. Et puis après avoir fait un voyage scolaire à San Diego, l'actuel paradis de la pâtisserie (dont les cookies), j'ai rêvé de vivre dans cette ville. Alors quand j'ai pu hériter du compte de mon père, j'ai signé une masse de papiers, vendu l'appartement, et j'ai pris l'avion pour la Californie. Je suis devenue vendeuse de cookies à San Diego comme je l'avais toujours voulu. J'étais heureuse.
Mes voisins du dessus sont extras. Avec une mère qui gueule tout le temps et deux ados boutonneux, ils forment un super trio je vous le dis. Les jeunes je les appelle les merdeux, entre nous c'est le grand amour, surtout quand on se dit bonjour.
« Salut la rousse. » Les gars, elle vous emmerde profond, la rousse.
« Salut les merdeux. » Et puis après ça, je leur offre des cookies des fois. Je suis trop gentille. Mais bon, c'est des ados qui viennent d'entrer dans l'âge con, tout le monde est passé et passera par là. En plus, c'est pas les seuls à me traiter comme ça de rousse. Y en a des pires, qui me traitent carrément de "sale rousse". Si vous saviez à quel point je m'en fous, que je me fous de l'avis des autres et que si je leur gâche la vue, ils ont qu'à tourner la tête de l'autre côté. Je vis ma vie à mon aise, et c'est pas ces espèces de jaloux qui vont me dégoûter. Ils ont un beau cul, tant mieux. Moi je les aime mes cheveux.
Y a pas longtemps, on m'a proposé d'avoir une coloc' mais j'ai refusé. Je déteste ça et on sait jamais à quoi s'attendre. Aucune intimité et vous pouvez pas faire ce que vous voulez. Et vous imaginez si c'était une lesbi et que j'avais accepté, elle m'aurait sauté dessus. Les filles c'est pas mon truc, enfin je parle des relations sérieuses là, après question amitié ça reste utile. L'amour j'y pense pas trop pour l'instant, et puis si on compare les hommes à des paires de chaussures, j'aime bien tout essayer, je suis très longue pour en trouver une à mon pied. Bref, ça c'est pas important...
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... non, ça n'est pas important. Car l'histoire de Mélodie est un peu plus développée que ce qu'elle en tire.
En effet, étant enfant, elle a toujours voulu devenir vendeuse de cookies. C'est un métier de pro, pas vrai ? Au collège, pour sa fin d'année de 3ème, elle a fait un voyage scolaire à San Diego pendant une semaine. Une semaine a suffit pour qu'elle tombe amoureuse de l'endroit et qu'elle se projette à habiter là-bas dans l'avenir.
Ses parents se sont séparés quand elle avait 10 ans. Maman avait trompé son cher mari, elle "travaillait" comme pute dans les banlieues parisiennes. Depuis la rousse vivait avec son père, elle refusait de revoir l'ancienne "madame Silverstone".
Un jour, le père a voulu retrouver son ex-femme pour une raison qu'on n'a jamais pu conclure. En fouillant un peu sur le net, ses coordonnés l'ont ramené vers le site d'une petite boutique de fleurs dans Paris. Sans rien dire à sa fille il s'y est rendu, retrouvant comme désiré celle qu'il voulait. Mais les retrouvailles ne se passèrent pas vraiment comme on l'aurait prévu et le soir on apprit la mort de M. Silverstone, tué par la fleuriste, une balle dans la tête.
Mélodie mit quelques mois à s'y faire. Elle adorait son père, mais malheureusement l'heure était venue, c'était comme ça qu'elle en jugeait. Elle décida plus tard de prendre un nouveau départ et de réaliser son rêve : être vendeuse de cookies à San Diego. Pour ça elle eut le courage de réouvrir le compte de son père dont elle avait hérité ; une semaine après l'affaire était clouée, elle était vendeuse de cookies... à San Diego.