Les mains tremblantes, le corps empli de frisson, une envie terrifiante de vomir et une foule d'autres symptômes à l'appui, j'attrape mon blackberry entre mes mains et pianotent sur le clavier un message texte à l'attention de Rhett, mon avocat mais aussi mon ami et protecteur :

Spencer a écrit:

Rhett, je t'en prie, faut vraiment que tu m'aides. Je m'excuse, je sais qu'il est tard mais bon dieu, je vais jamais tenir la nuit si tu fais pas ce geste pour moi. Voilà quelques jours que j'ai pris sur moi pour essayer d'arrêter la drogue mais je peux plus. J'y arrive vraiment plus ... Je vais tout retourner, tout briser si j'ai pas ma dose. J'ai jeté tout mon stock de cochonneries, j'ai découpée ma carte de crédit, mis tout mon argent liquide à la banque pour ne pas être tentée et maintenant, je suis dans la merde. Me faut un peu de poudre. Les guichets, c'est fermé la nuit pour y retirer du blé alors s'il te plaît, ramène m'en un peu, je te rembourse demain ...

J'ai honte du message texte que je viens d'envoyer mais c'est trop tard, il est parti et j'en ai même reçu l'accusé. J'ai mal au crâne maintenant mais c'est surement dans ma tête. Assise dans un coin de la salle de séjour, au sol, adossée au mur et les jambes repliés vers ma poitrine, j'ai envie de m'arracher les cheveux, de me jeter contre un mur tellement je souffre de cette merde qui me ronge tellement le manque se fait ressentir. J'ai pas de volonté et j'en aurais surement jamais. C'est quoi qui va m'arrêter ? L'overdose ?

Vautré comme un pacha dans le grand canapé de ma luxueuse demeure, je m'instruit involontaire devant un documentaire animalier sur la reproduction de l'hippocampe. Pas franchement intéressant comme truc mais il n'y a rien d'autre de bien intéressant à cette heure là. D'ailleurs je ne sais même plus l'heure qu'il est puisque j'ai foutu mon téléphone portable je ne sais où. Si quelqu'un vient à me téléphoner, je devrai arriver à mettre la main sur ce dernier. Bref, un bras derrière la nuque, jambe croisées et télécommande dans l'autre main, je me décide à changer de chaine. C'est un coup à faire des cauchemars avec leur connerie d'hippocampe là. J'appuie sur un bouton totalement au hasard de la télécommande et affiche une mine complètement affligée. L'émission Chasse et Pêche, accompagné de son générique pourri qui est presque aussi chiant que la musique de la Maison des Poupées à Disney Land. Great. A ce rythme là, demain je suis bon pour m'acheter un magnifique ciré jaune et partir à l'aventure sur un bateau en haute mer. Trèves de plaisanteries. Je m'attendais à trouver quoi de mieux qu'un documentaire animalier franchement ? C'est à ce demander pourquoi je paye le cable sans déconner. Agacé, je coupe la télévision et sort une cigarette de mon paquet de clope posé sur la table basse. Que faire de cette soirée plus que chiante ? Excellente question. Si Tatiana était avec moi tout serait beaucoup plus simple, j'aurai vite trouvé un remède à mon ennui. Seulement la jolie blonde ne se trouve pas là. Too Bad. D'ailleurs je n'avais strictement rien compris à ce qu'elle m'avait dit tout à l'heure. Je crois qu'elle en avait un petit coup dans le nez. Le peu que j'avais compris, était qu'elle sortait avec sa bande de copines je ne sais trop où. Personnellement je n'avais absolument pas envie de faire la fête vu que mon boulot m'avait bouffé la journée. J'étais complètement lessivé et pourtant je n'arrivai pas à fermer l'oeil. Putain d'insomnies à la con. Cela faisait deja un petit moment que je subissais ca. Je crois bien que le stupide mariage de ma mère me préoccupe bien plus que je ne voudrai l'admettre. Hum. Tirant une nouvelle fois sur ma cigarette, je manque de m'étouffer avec la fumée au moment où mon chat Donnut me grimpe sur le ventre afin de s'installer confortablement. « Bah vas-y prends tes aises mon gros. » Dis-je avec un sourire en coin avant de secouer légèrement la tête. Soudain mon téléphone portable se met à sonner. Merde, ce con est sous les oreillers, qui eux même se trouvent dans mon dos. Après quelques secondes de recherches, je retrouve enfin l'appareil électronique et fixe l'écran pixelisé. Un triste petit roman de la part de Spencer qui m'a l'air bien en panique. Je fais une moue avec ma bouche et vire le chat – qui pousse un hurlement vu la façon dont je l'envoie valser – afin d'aller retrouver Spencer. A vrai dire je ne pense pas avoir respecté les limitations de vitesse avant d'arriver chez elle. Tant pis, la jeune femme avait grand besoin d'aide. L'heure était bien avancée et il n'y avait pas un chat dans les rues lorsque je suis arrivée devant sa maison. J'ai alors frapper un coup contre la porte avant d'enter. « Spencer ?! » M'exclamais-je avant d'avancer un peu plus vers la pièce principale. La jeune femme était là, affalée sur le sol. D'un pas rapide je m'avançais vers elle et m'agenouillais afin d'être à sa hauteur. « Allez, relève toi. » Dis-je en la soutenant afin de l'assoir dans le canapé. C'était bien rare que je me préoccupe tant d'une personne. J'allais donc lui chercher un verre d'eau et foullais ses placards afin de lui trouver n'importe qu'elle connerie à avaler. De retour dans le salon je lui forçais à avaler ca. « Fais ce que je te dis. Tu devrais voir la gueule que t'as, on dirait un zombie. Et c'est pas en t'apportant une dose que ca aurait arrangé les choses. » Dis-je sur un ton calme. Non, je ne lui avais rien ramener qui pourrait lui combler son manque du moment et il était parfaitement hors de question que je le fasse. Fournir une junkie ? Et puis quoi d'autre ! Non, si j'étais là c'était pour l'aider, et pas pour l'enfoncer encore plus dans sa putain d'addiction. « J'vais te dire un truc, quand j'étais môme, j'ai vu des nanas comme toi crever à cause de cette merde. Et j'ai pas envie que t'en fasses partie tu vois. » Dis-je en sur un ton sévère. « Alors si il le faut, j'peux te payer une cure, rester avec toi le temps qu'il faudra, mais il est hors de question que tu retouches à ces merdes. Et tant que je serais vivant, j'y veillerai. »

Adossée au mur, les jambes repliées contre ma poitrine, je ressemble à une petite fille effrayée alors qu'en fait, je ne suis pas effrayée, je suis juste en manque. Je me balance quelque peu d'avant en arrière, serrant les poings un peu plus à chaque fois. Dans ce genre d'état, je ne réagis même plus à ce que je fais. J'ai envie de tout bousiller autour de moi et ce qui me freine, c'est surement le fait que je me sens tellement lourde que j'ai comme la flemme de me relever. Dans ma tête, défile des films incompréhensible. J'ai connu des Junkies qui ont laissé leur vie avec cette merde et ça ne me sert même pas de leçon. Pourquoi ? Je n'en sais rien mais une chose est sûre, je vais crever, je le sens, si j'ai pas ma dose. Je suis faible, tremblante, en sueur, j'ai mal au coeur qui est plus près de mes lèvres que de sa place initiale, mal à la tête, mal partout. Il me faut quelque chose pour combler cette douleur et je compte sérieusement sur Rhett pour me fournir un peu de blé afin que je dévale la rue au pas de course pour trouver un fournisseur. Y en a à la ramasse ici, c'est franchement pas ça qui manque. Étrangement, avec un peu de blé, j'aurais peut-être plus de force ? C'est même pas peut-être, j'en suis carrément sûre. Attendant Rhett, je regarde plusieurs fois sur l'écran de mon blackberry pour savoir s'il m'a répondu mais aucune réponse ne me parvient. Je jette l'appareil au travers de la pièce. Le malheureux explose en plusieurs morceaux contre le mur. Quand j'entends la porte claquer et la voix de Rhett, enfin, je relève les yeux vers lui qui s'approche de moi et m'ordonne de me relever. Avec son aide, je me relève, les jambes lourdes, le corps lourd et je m'installe sur le canapé. Il disparaît pour revenir quelques instants plus tard avec surement un cacheton qu'il me fait avaler avec un peu d'eau. C'est censé calmer mon manque ça ? J'en doute sachant que j'ai déjà épuisé tout les remèdes concernant ce type de méthode. Un zombie ? Ta pas vu ta tête Rhett, on croirait avoir affaire à un mec qui a pas fermé l'oeil depuis des années. Files-moi du blé, je t'en prie, je vais pas tenir. Contrairement à lui qui parle calmement, je suis froide et je crache mes mots comme une vipère cherchant sa proie. Je suis d'humeur massacrante et c'est pas près de s'arranger s'il me prête pas du blé. Je pourrais braquer une maison des alentours aussi mais des démêlées avec la justice, j'en ai déjà bien assez. Je vais pas crever de cette merde, je suis plus forte que j'en ai l'air puis c'est pas une petite dose qui va me tuer, si ? Allez, prêtes-moi un peu d'argent, je vais chercher ma dose et on en parle plus. Sérieux Rhett, laisses-moi pas comme ça ... J'en viens même à le supplier, chose qui ne me ressemble pas du tout. J'ai pas besoin d'une cure merde, j'ai besoin d'une dose ! Tu vois dans quel état je suis ? J'ai envie de tout casser, j'ai mal partout, je tremble, j'ai froid, j'ai envie de vomir et j'en passe. Laisses-moi pas comme ça merde ! Putain Rhett, si je me dope pas, je vais sérieusement pas passer la nuit. Rien qu'à devoir le supplier, ça m'énerve. Je serre si fort le verre que je tiens entre mes mains, qui est d'un verre fin, précisons-le, qu'il se brise.