La psychologue de l'établissement s'assit en face d'Alec, avec son air calme et patient habituel, cet air que le jeune homme ne supportait pas. Que croyait-elle? Ce n'était pas car une vieille bique attendait assise devant lui qu'il allait allé mieux. « Je raconte encore ma vie et vous m'interrompez aux mêmes endroits pour faire les mêmes réflexions inutiles, je suppose. » La femme sourit imperceptiblement et acquiesça.

« Le 21 mars 1992, je suis né dans une famille que j'aurai préféré ne pas connaître. Jusqu'à mes trois ans, j'ai vécu seul avec mes parents qui semblaient à peu près normaux. Et donc, alors que j'avais trois ans, ma soeur est née. Jusqu'à ce qu’elle ai douze ans et moins quinze, du moins je ne m'en suis rendu compte qu'à partir de là, tout allait bien. Mais un jour, ou plutôt une nuit, je me suis réveillé parce que j'avais faim et j'ai entendu ma soeur crier. D'abord, j'ai cru qu'elle faisait un cauchemar et je me suis précipité pour la rassuré,. Quand j'ai entrouvert la porte de sa chambre... J'ai eu la vision la plus affreuse de ma vie. L'une des personnes en qui j'avais le plus confiance qui faisait ça ! A ma soeur. A sa propre fille. « Il l'a violée. » « Je sais ! J’étais là. » Bref... Au lieu de l'aider, et ça je m'en voudrai toute ma vie, je me suis laissé glissé contre le mur et j'ai attendu que cela cesse. Quand mon père est enfin retourné dans sa chambre, je suis allé voir Eden et je suis resté avec elle jusqu'au matin. Elle ne m'a rien dit. Je ne sais pas depuis quand cela durait... Le matin, lorsque mes parents se sont réveillés, j'avais emmené Eden à l'école et ils ne nous ont pas revus jusqu'au soir. Et la nuit, je l'ai entendu m’appelé. A peine réveillé, j'ai pensé qu'elle cauchemardait, puis tout m'est soudain revenu en mémoire, comme un coup de poing dans le ventre, tellement violemment que j'en ai eut le souffle coupé. Je me suis levé d'un bond et, dans la chambre de ma soeur, j'ai attrapé une lampe de chevet et j'ai frappé mon père à la tête. Trois fois. « Si tu veux prendre une minute pour... » « Pour... ? Pour penser à ce sala*d ? Pour prier pour lui ? Une minute... Non, merci, gardez-là ! Plus vite j'aurais parlé, plus vite je serai loin, très loin de vous. » Donc je l'ai tué, et toute la nuit je suis resté là, avec ma soeur dans les bras. Le lendemain matin, ma mère nous a découverts et a appelé la police... Oui, j'ai commis un meurtre, je comprends son geste, mais de là à m'accuser tout de suite, à défendre mon père, limite à leur dire de m'embarquer. « Tu penses qu’elle ne t'aimait pas, Alec ? » Relevant la tête, il haussa les épaules. Bien sûr qu'elle ne l'aimait pas. Quelle mère aimante aurait ainsi "vendu" son fils... Quoi qu'il en soit, on m'a envoyé ici, dans une maison de redressement, super l'ambiance... Ma mère a disparu, Eden est dans un orphelinat. Superbe famille. »

« C'est bon ? » Il prenait toujours cet air détaché et ce ton provocateur lorsqu'il parlait, mais, à dix-sept ans, il avait vécu bien des choses difficiles. « Dis-moi encore, Alec... Que feras-tu dans un an, quand tu sortira d'ici ? » Elle sortait cette question pour la toute première fois et, pour une fois, il prit le temps de réfléchir avant de répondre. « Je serai suivi six mois par un genre de tuteur. Puis je retrouverai Eden, je le lui ai promis, ça me plairait pas qu’elle pense que son frère est un menteur. Je suis l'unique famille, l'unique chance de sortir plus tôt d'un foyer, qu’elle ait. Et si elle a été adoptée, je la retrouverai quand même. »