Constance & Louis

Il marchait dans la rue, les mains dans les poches de son jean délavé. Voilà plusieurs jours qu’il était dans cette ville, plusieurs jours qu’il passait inaperçu parmi les bons citoyens, ceux qui ne connaissent rien du système, ceux qui y sont soumis sans le savoir. Les yeux baissés, le regard fuyant, Louis se dirigeait d’un pas rapide vers les bâtiments administratifs. Son anonyme informateur avait encore frappé. Un colis qu’il avait reçu en mains propres de la main d’un gosse. A croire que l’inconnu voulait effacer toute trace de son passage. Tant pis, il ferait avec… dans son état, il ne pouvait de toutes façons pas refuser une aide, même venant d’un sans visage. Il lui avait donné rendez-vous, ou plutôt, lui avait demandé de se rendre à la Mairie. Au départ, Louis avait rigolé. Lui, le type le plus recherché des Etats-Unis, dans une mairie ? Il était peut-être fatigué de fuir mais pas cinglé pour autant. Du moins, il avait besoin d’une bonne raison autre que celle que l’homme lui sortait habituellement lorsqu’il lui indiquait la marche à suivre, une autre raison cette fois que « ne vous en faîtes pas, j’ai tout prévu. » Et la raison, la voilà : « un logement l’attendait. Mais il devait s’y rendre, obligatoirement, et seul. » Ca sentait le piège à plein nez et pourtant, sa curiosité légendaire, et parce que cela faisait trop longtemps qu’il dormait dehors depuis son arrivée à San Francisco, parce qu’il en avait marre de ne pas pouvoir fermer l’œil à cause du froid de l’hiver, que Louis finit par accepter.

Il ne lui restait que quelques mètres à parcourir. Et pendant qu’il réfléchissait à nouveau à ce qu’il convenait de faire, il y eut cette femme, à quelques pas de là où il se trouvait. Apparemment mal en point, souffrante au vu des traits tirés de son visage. Fronçant les sourcils, et s’étant promis de ne pas se mêler des problèmes d’autrui, il en avait suffisamment des siens, Louis finit par laisser derrière lui ses beaux principes en la voyant pâlir et manquer de s’écrouler au sol. Il se rapprocha, lentement, presque suspicieux, avant de tendre le bras dans sa direction et de l’aider à se tenir droite, une main dans son dos.

« Mademoiselle, est-ce que vous allez bien ? »

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Constance & Louis

C'était une évidence même que cette fille avait un problème. Un problème qu'apparemment elle faisait mine d'ignorer ou qu'elle ignorait réellement. De toutes façons, il en avait suffisamment des siens pour ne pas s'enquérir de ceux des autres, même d'une aussi jolie poupée. Les sourcils toujours froncés, et sitôt après l'aider à se relever, Louis se dit qu'il était temps qu'il s'en aille. Il avait pris l'habitude de ne pas rester trop longtemps au même endroit, encore une façon de brouiller les pistes. Ne sait-on jamais si un flic passait dans le coin à ce moment-là. Surtout au vu de la tête qu'affichait Constance, il risquait d'avoir de sérieux ennuis si on le prenait pour la « cause » de son malaise. Pourtant, malgré sa raison, l'homme avait du mal à s'en aller comme si de rien n'était en laissant cette pauvre fille derrière lui. Un reste d'humanité, sans doute.

« Vous voulez un peu d'eau, quelque chose à manger ? »

Il avait repéré ce camion-bar un peu plus loin. En deux temps trois mouvements il pouvait y être et lui rapporter ce dont elle avait besoin. Parce qu'apparemment, elle n'avait rien sur elle que ce miniscule petit sac qui ne devait pas contenir autres choses qu'un miroir, une brosse à cheveux, un porte-feuille, des clés de voiture, du nécessaire de beauté, enfin bref, des objets typiquement féminins qui ont tendance à traumatiser la plupart des hommes.

« De rien. »

C'était la seconde fois qu'elle le remerciait. Or, cela faisait très longtemps que Louis n'était plus habitué aux démonstrations d'affection ou de signes de reconnaissance. Mettons-le sur son passé trouble et le fait qu'il soit fugitif depuis peu.

« Vous devriez vous asseoir. Venez par là. »

La conduisant avec fermeté mais tout en douceur jusqu'à un banc qui trônait sur la chaussée, Louis s'installa un moment à ses côtés, tâtant discrètement son pouls qu'il sentait encore précipité. Non, il n'était pas médecin, mais voir qu'une personne était souffrante ne demandait pas particulièrement de grandes qualifications médicales.

« Ça vous arrive souvent de manquer de vous évanouir en pleine rue ? »

La question pouvait paraître ironique. Sauf qu'il était tout à fait sérieux.

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