«Some days I feel broke inside, but I won't admit.»
Dans la voiture aux côtés de sa mère, Alice regardait attentivement les gens se rassembler à côté du prêtre. Les yeux rivés sur le pare-brise, les deux blondes étaient pétrifiées à l'idée d'affronter les pleurs des autres. Alice était fatiguée de pleurer. Depuis deux jours déjà elle avait une grosse douleur à la tête à force de s'énerver.
Pleurer et s'énerver ne le ramènera pas. Et pourtant elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle avait seulement quinze ans, comment était-elle supposer supporter une telle perte? Et voilà qu'elle se remettait à chialer.. pathétique. Sa mère vint lui poser une main réconfortante sur l'épaule, mais ça ne servait à rien. Elle aussi elle pleurait comme une gosse. Comment allaient-elles faire maintenant? Qui allait les protéger du monde? Qui allait les réconforter en un seul sourire? Plus personne. Alice avait perdu son père pour de bon. Ce stupide chauffard lui avait enlevé. Enfouissant son visage dans ses mains, elle tenta de se calmer. Elle s'était bien maquillée pour les adieux; elle ne devait pas gâcher ça. Mais aussi fort qu'elle essayait, elle n'y arrivait pas. Elle se sentait faible face à autant de peine. Comment allait-elle pouvoir re-sourire comme si de rien n'était maintenant? Plantant ses ongles dans son front, elle tenta de ravaler ses larmes et de se ressaisir. Aujourd'hui, elle devait rester forte, c'était pas le moment de baisser les bras. Elle devait être là pour sa mère, elle ne devait pas l'abandonner. Relevant sa tête, elle plongea donc son regard dans celui de sa mère qui était aussi dévastée qu'elle. Alice essuya ses larmes d'un revers de main puis lui attrapa la main avant de souffler un bon coup.
« On y va? » demanda-t-elle, jetant un coup d’œil au monde déjà présent autour du cercueil.
« Allons-y. » Répondit sa mère avant de l'enlacer. Elles sortirent donc toutes deux de la voiture, prêtes à affronter le regard des autres. Prêtes à affronter leur trop plein de compassion. Prêtes à affronter la mort de la personne qu'elles aimaient le plus.
«They say I'm up and coming like I'm fucking in an elevator.»
Descendant les escaliers en trombe, Alice retrouva sa mère à terre, se tenant la joue en pleurant. Mike, son beau-père, se tenait debout et ses yeux ne reflétaient rien que de la haine. Sans hésitation, la blonde se rua vers sa mère et la fit relever sa tête pour voir si elle n'avait rien au visage.
« Maman, ça va?! » demanda-t-elle affolée. Sans attendre sa réponse, elle releva son regard vers son beau-père et se mit à hurler comme une furie.
« Non mais c'est quoi ton problème putain? » Ce n'était pas la première fois que Mike levait la main sur sa mère, et cette fois était de trop. Il promettait à chaque fois de ne pas recommencer, mais il le faisait. Cette fois, elle n'allait pas laisser passer ça.
« Dégage d'ici, je veux plus te voir.. DÉGAGE ! » Mike bouillonnait de l'intérieur, Alice le sentait. Et tant mieux. Elle voulait l'énerver..
le provoquer.
« Baisse d'un ton Alice. » répliqua-t-il en serrant les poings.
« J'ai dit, DÉGAGE ! » Mike s'avança alors vers la blonde et la releva en l'attrapant brusquement par le bras. Il serrait son étreinte pour ne pas qu'elle s'en aille.
« Baisse d'un ton. » répéta-t-il plus fermement en la fixant du regard. Il pouvait lui faire toutes les menaces du monde, elle s'en moquait totalement. Elle voulait qu'il quitte sa famille. Jamais elle ne l'avait aimé.. jamais elle n'avait pu l'imaginer à la place du père qu'elle avait perdu quatre ans plus tôt.
« Ou sinon quoi? Tu vas me frapper peut-être? J'ai pas peur de toi sale con. » Alice parlait sur un ton ironique, seulement elle ne s'était pas imaginée qu'elle le ferait vraiment. Elle reçut une gifle tellement forte qu'elle en tomba à terre, à côté de sa mère. Elle porta sa main à sa joue, puis se mit à pleurer de rage. Elle attrapa ensuite le bras de sa mère puis la releva d'un coup en se dirigeant vers la porte d'entrée.
« Tu veux pas te casser? Alors c'est nous qui partons. » Elle ouvrit la porte d'entrée, mais sa mère se stoppa. Elle tremblait, et jonglait entre le visage de son nouveau mari et sa fille.
« Alice.. On peut pas partir. Je.. c'est juste une dispute de rien du tout. » Ébahie, la jeune blonde lâcha le bras de sa mère.
« Une dispute de rien du tout? Maman, c'est plus une dispute de rien du tout quand on se met à te frapper ! C'est au moins la dixième fois que ça arrive depuis que vous êtes ensembles ! Pourquoi tu voudrais rester avec un homme comme ça? » Alice ne comprenait pas. Cet homme était une ordure, pourquoi s'évertuait-elle à rester avec lui?
« Mais.. je l'aime chérie. » Quelle stupide chose l'amour. Alice préférait encore la voir triste à en crever en train de pleurer son père que de la voir heureuse avec ce mec.
« Maman, il vient de me frapper. T'es pas censée me protéger ou faire une connerie du genre qui prouverait que tu m'aimes plus que lui? » La blonde continuait à pleurer comme une conne. Sa mère devait se ressaisir. Parce qu'une chose était sûre, c'était que la jeune Culligan ne remettait pas les pieds dans la même pièce que cet homme.
« Comprend moi... » Alice soupira de dégoût. Elle lui avait clairement demandé de choisir entre elle et son nouveau mari, et elle choisissait l'ordure qui la battait.
« Va te faire voir. » répliqua-t-elle avant de quitter la maison. Elle n'avait plus envie de la voir. Ni elle, ni l'autre merde qu'elle avait pour beau père.
«I pretend I'm okay with it all, act like there's nothing wrong.»
Après cette dispute avec sa mère, Alice tout de même tenté de la faire revenir à la raison. Mais rien à faire, sa mère ne veut pas se retrouver seule. Elle a déjà perdu un mari, elle ne veut pas en perdre un autre. Ainsi, Alice n'adresse plus la parole à sa mère depuis déjà deux bonnes années. La jeune femme lui a tout simplement dit que si elle voulait reprendre contact avec elle, il fallait quitter Mike. Sans ça, elle n'acceptera pas de lui parler. A cause de toute cette histoire, Alice n'eût pas tellement le temps ni même l'envie d'étudier. Elle avait commencé des études en langues, mais rien à faire.. la flemme a repris le dessus. Ainsi, elle a enchainé les petits boulots pour se payer le loyer de son appartement. A présent, elle est fleuriste dans un petit magasin au coin d'une rue. Elle ne sait pas si elle y est encore pour longtemps, mais elle s'y plait bien. Espérons que ça dure encore longtemps.