Il ne connaissait pas deux Zoyà de toute façon. Si elle se retournait en lui demandant qui il était, il s'était planté & d'un côté, ça l'arrangerait. Mais manque de bol – ou coup de chance ? – elle se retourna avec un sourire sur les lèvres. Il étudia son visage en détails, la tête un peu baissée car il avait grandi & la dépassait d'une tête. Comme avant, en fait. Il entendit son prénom & ferma les yeux une seconde tout au plus, rouvrant ses yeux bruns pour les poser sur ceux, chocolats, de la jolie rouquine devant lui. « C'est bien moi, oui.. » murmura-t-il doucement, sans sourire. Il ne savait pas vraiment quoi en penser en fait. Il laissa son regard parcourir rapidement son corps. Elle avait bien grandit, et elle était encore plus belle, la jolie demoiselle. « Tu.. as beaucoup changé dis-moi. En bien. » Et oui, son côté séducteur prenait toujours le dessus. Instinct de défense et de protection, dira-t-il. « Waw, ça fait... pas mal d'années. » Et oui, vas-y compte un peu mon grand. Tu avais quinze ans quand tu t'es enfuis sans rien dire à personne, avec ta petite soeur au bout de la main. Huit ans. Huit ans quoi. Il mis une main dans ses cheveux bruns, ne sachant plus quoi lui dire.

Sa première fois aussi. Elle avait douze ans, il en avait quatorze. Aujourd'hui, il se demandait ce qu'il avait pu avoir dans la tête pour entretenir une espèce de relation de sex friends à cet âge-là. En même etmps, vu le quartier dans lequel ils vivaient à l'époque. Et s'il était partit, c'était à cause du suicide de sa mère. Elle avait dû l'apprendre, non ? Il eut un sourire amusé en l'entendant le complimenter. « Et toi tu es devenue ravissante. » Avec un corps encore plus désirable qu'à l'époque. Elle avait toujours le même sourire qui contrastait si bien avec l'adolescent sombre et instable qu'il était à l'époque. Il l'était toujours, mais maintenant, il avait appris à se monter un masque. Il hocha la tête. Huit ans, waw. Il baissa les yeux avec un nouveau sourire. « Toi.. aussi. » finit-il par avouer, car la franchise était bien la seule chose que Swann avait encore. « On marche ensemble ? » proposa-t-il en désignant le bord de l'eau, là où il marchait avant qu'il ne la croise. Il commença à faire quelques pas puis tourna la tête vers elle, plantant son regard dans le sien. « Depuis combien de temps es-tu ici ? » demanda-t-il de sa belle voix grave et chaude, digne d'un dragueur quoi.

Ils avaient été stupides, y avait rien d'autre à dire. Sa mère ? Oui, Zoyà avait sans doute eu la chance de la connaître. C'était une femme qui semblait joyeuse, qui se cachait derrière un masque en s'autodétruisant pourtant sans rien montrer. Le portrait craché de son fils aujourd'hui. Ils se mirent à marcher, et tout ça le plongeait dans des souvenirs qu'il croyait oubliés. Se souvenait-elle de la première fois qu'il l'avait embrassé ? Contre le mur devant chez elle, quand il avait plaqué ses lèvres contre les siennes avant de remonter lentement sa main sur sa cuisse ? Sans doute pas, mais lui s'en souvenait. Il soutenait son regard sereinement. Deux semaines... cela était normal qu'ils ne se soient pas croisés avant alors. « Trois ans, oui. » Il continuait de marcher, ses chaussures dans une main, l'autre dans sa poche. Il reporta son regard droit devant lui avec un petit soupir. « Pourquoi es-tu venue ici ? » osa-t-il alors lui demander, tournant la tête de nouveau vers elle, se rapprochant d'elle par la même occasion, l'air de rien.

Lui aussi il s'était fait charrié par ses "amis". Ouais, c'était pas vraiment des amis, plutôt des connaissances quoi. Mais même avant, il n'avait jamais eu trop d'attaches. Sauf avec deux trois personnes, comme Zoyà par exemple. Il s'était fait charrier, parce qu'elle était plus jeune, forcément. Elle mentait. Cela s'entendait plutôt bien, parce que sa réponse n'était absolument pas convaincante. Mais, respectueux, Swann fit celui qui n'avait rien remarqué. « Je comprends. » Un peu oui qu'il comprenait, en même temps, à Londres, ils étaient dans un quartier miteux. Et puis d'un coup, elle lui posa LA question. Toute la vision d'Orphée se troubla subitement, tandis qu'une douleur irradiante, provenant de ses entrailles, grimpa jusqu'à son cerveau, lui offrant une migraine affreuse. Il porta une main à son front comme si cela pouvait faire quelque chose & décida d'ignorer ce soudain mal de crâne. Il ouvrit la bouche mais rien n'en sortit et quand il passa la main dans ses cheveux pour se donner une contenance, celle-ci tremblait. Il avait aussi cessé de marcher et voulant paraître l'air de rien, il reprit son pas en la rattrapant. Il se mordit l'intérieur de la joue jusqu'au sang. « J-Je.. elle.. n'est plus.. Elle a été.. » Tuée, tuée, tuée. Mais le mot ne sortait pas de sa bouche. Faible comme une pauvre proie traquée, le brun, si lunatique d'un coup, détourna le regard.

✖ Lui savait mentir mieux que quiconque. Il n'avait fait que ça toute son enfance, toute son adolescence, toute sa minable petite vie. Lunatique, imprévisible, instable. Il avait réagi de la pire des façons face à la question de son ancienne amie. Enfin, amie... amante ? Aucune idée. Faible, il s'était laissé envahir par la douleur. Cela faisait maintenant quatre ans et il n'avait toujours pas réussi à faire son deuil. En même temps, il avait dû fuir. Encore et toujours. Sans pouvoir organiser un enterrement pour sa petite soeur. Il avait laissé son coeur qu'il avait retrouvé dans une mare de sang, dans son ancien appartement. Et il était parti. D'abord, trouver son meurtrier. Celui-ci n'avait eu aucune chance lorsque Swann avait été face à lui. Il n'était pas du genre à donner des secondes chances ou pardonner. Zoyà était face à lui. Elle posa ses mains contre ses joues mais le brun se dégagea d'un sursaut surpris. Coupable, alors qu'elle voulait sans doute lui apporter du soutien, il serra les dents & baissa la tête avant d'entendre de nouveau sa question. Il releva enfin les yeux, plantant son regard sombre dans celui de la rouquine. Il se concentra, fit tourner les mots dans sa tête plusieurs secondes durant, pour être sûr de pouvoir les prononcer. « On l'a tuée. » Les images revinrent brusquement flouter son champ de vision mais il s'escrima à les repousser pour pouvoir la regarder.

excuse-moi du miens aussi.

Tu t'en veux un peu de ta réaction précipitée. En prenant ainsi ton visage entre ses mains, elle voulait sans doute te rassurer. Te montrer que tu pouvais te confier à elle. Mais toi, tu l'as rejetée. Comme si son contact t'a brûlé. Pourtant, tu tiens à elle. Énormément, d'ailleurs. Elle est l'une de celles qui te rappellent que tu as été Swann avant d'être Orphée. Que tu aimais sentir ses lèvres contre les tiennes, son corps tout contre le tien. Peut-être aimerais-tu encore.. D'ailleurs, dans un coin de ton esprit, tu te demandes si ses lèvres a encore le même goût sucré qu'auparavant. Elle est choquée, tu le vois bien. En même temps, en ayant connu Rose, tout le monde serait peiné d'apprendre sa mort. C'était une si belle petite fille. Soudain, sans que tu t'y attendes, elle te saute presque au cou. Ses bras s'enroulent autour de ta nuque & tu aurais pu la repousser, oui. Mais à croire que tu as besoin de ça. Puisque tu t'agrippes à elle fermement, la serrant contre toi avec fougue. Sa phrase sonne juste; elle est sincère & tu le sais. Tu la connais bien & elle te connaît plutôt bien aussi. « C'est rien. » murmures-tu d'une voix terriblement neutre. La neutralité prime toujours chez toi lorsque tu parles de ça. D'elle. De tes erreurs. Trop blessé au fond de toi pour pleurer, tu la gardes tout contre toi et lui souffles à l'oreille : « Je suis content de t'avoir retrouvé Zoyà, tu sais. » Tes mots sont toujours plus sincères les uns que les autres et tu caresses ses cheveux roux.

✖ Tu aurais pu la rejeter oui. Tu y as pensé. Pour ne pas paraître faible. Pour ne pas te montrer sous ta véritable image. Mais Zoyà te connait, elle t'a vu beaucoup plus paumé que ça. Et avec elle, là contre toi, tu te sens ailleurs. Tu te retrouves de nouveau à Londres. Au milieu de nulle part. Mais que tu la retrouvais, quand tu passais ces moments si intimes avec elle... c'était comme une bulle de sérénité, une dose de liberté. Ça t'a aidé à tenir le coup, à l'époque et quand tu es partie, tu l'as beaucoup regrettée. Tu sens ses mains caresser ta nuque & tu frémis un peu, l'écoutant alors te dire qu'elle ne te lâcherait plus. « J'espère bien. » murmures-tu doucement dans ses cheveux. Elle se recule un peu et tu plonges au fond de ses yeux, esquissant un sourire amusé en entendant sa remarque. Mignon ? Tu souris. En la voyant comme ça si proche, tu n'as qu'une envie : l'embrasser. Mais honnêtement, tu ne sais pas trop comment elle réagirait. Bon sang, tu avais quatorze ans la première fois que tu as posé tes lèvres sur les siennes, mais tout de même ! Des années se sont écoulées, depuis. « C'est comme ça que je t'appelais avant, non ? J'vois pas pourquoi ça changerait aujourd'hui. » Peut-être une façon adroite de lui dire que malgré les années, toi, tu es resté le même ? Tu caresses alors sa joue avec un petit sourire mi-malicieux mi-sincère.

•• Entre vous, ça a toujours été simple. Vous ne vous êtes jamais posé de question, pas même avant. Bon ok, c'était pas très "bien" ce que vous faisiez, vous étiez terriblement jeunes... mais peut-être est-ce ça qui vous a aidé à survivre, à aller de l'avant, sans abandonner. Elle t'a soutenu & tu l'as soutenue. C'est peut-être grâce à elle que tu es encore là aujourd'hui, qui sait. Ses mains caressent toujours ta nuque et tu la laisses faire, replongeant peu à peu dans vos retrouvailles passées. Toutes ces nuits où vous vous retrouviez dans un coin de la ville, ou chez elle, ou chez toi. Tu te mordilles légèrement la lèvre, te retenant de retrouver ce contact avec elle que tu sais ne pas avoir oublié, malgré les années. « Rien, non. » confirmes-tu en cherchant son regard, caressant alors son bras avec douceur. Tu ne sais pas non plus ce que vous étiez. Et ce que vous êtes aujourd'hui. Votre relation s'est toujours basée sur quelque chose pour laquelle un mot n'existe pas. C'est elle & toi, et basta. Ton regard se voile de regrets à sa phrase et tu affiches un sourire attristé. « J'étais obligé. Sinon, tu m'aurais retenu. » Tu la connais bien. Et partir aurait été plus dur si elle t'avait pris par les sentiments. « Et c'est promis. » Partir, d'ici ? Non, ce n'est pas prévu. Du moins, c'est une promesse que tu fais dans l'incapacité de savoir si tu pourras la tenir vraiment. Tu lui souris, caressant sa joue comme pour la convaincre.

•• Tu as l'impression de faire un saut dans le passé. Mais en restant toi-même, car tu es devant elle comme tu l'étais il y a huit ans. Les souvenirs se bousculent dans ta tête, te brouillent, te déstabilisent. Mais tu ne montres rien, ta carapace formée au fil des ans n'est pas prête à se ficeler. Tu la fixes toujours, comme si elle n'était qu'un souvenir, comme si elle allait t'échapper, s'envoler, disparaître. Tu ne l'as jamais dit à personne, car personne n'était là pour te l'entendre remarquer, mais elle t'a manqué. Énormément. Bien trop, en fait. Ne plus la voir alors qu'elle était ton moyen de décompresser a été dur. Mais tu as survécu. Toujours. « C'est vrai. » Elle te connaît bien, peut-être trop même, et le nier ne servirait à rien, alors tu préfères le reconnaître. Tu souris en réponse à son sourire, te mettant toi aussi à marcher à côté d'elle, sa main toujours dans la tienne. Tu regardes l'horizon au loin, et esquisses un nouveau sourire en entendant sa remarque. « En effet. On était libres. Vraiment libres. » La liberté. Ça attire tout le monde, n'est-ce pas ? Ça t'a attiré, toi aussi. Et ça t'a coulé. Tu t'es retrouvé enfermé dans cette putain de liberté. Triste paradoxe.