il faut de l'audace et toujours de l'audace, aux citoyens d'en bas.
Déjà, quand vous naissez
Ronan Amadeus Desmoulins, vous êtes soit mal barré, soit incroyablement chanceux.
Certains se diront que ça porte chance.
Desmoulins. Comme Camille Desmoulins oui messieurs ! Plume de la révolution. Magnifique. Comme si ça allait me servir. Moi, ça ne m'a jamais servi qu'à subir des moqueries. Déjà que mes parents étaient paysans...
Ensuite,
Amadeus. Non mais quelle idée. Comme si vous alliez appeler votre gosse Amadeus. c'est ça, et pourquoi pas Jean-Sébastien Bach aussi non ? Ou Beethoven tiens ! Non mais j'vous jure. Heureusement que ça n'est pas mon premier prénom. Parce que les seuls qui le connaissent m'humilient déjà assez souvent. "Hé Mozart, tu viens." C'est ça, rigole, vermine.
Et puis ...
Ronan. Alors Ronan, quand vous avez huit mois, on dit que c'est mignon. Que c'est joli. Quand vous avez six ans, on s'étonne un peu, on dit que c'est original. Quand vous en avez douze, on dit que ça correspond bien; parce que Ronan, ça fait paysan. Ronan, ça fait pauvre. Ça fait rebelle, révolutionnaire. Ça fait vagabond. Super. Vraiment, merci quoi.
Super. Donc si on réunit tout, dans mes prénoms, on entend quoi ? Musicien pauvre et révolutionnaire. J'ai jamais touché un instrument de musique donc en plus, mal barré quoi. Et puis, comme si tout ça allait m'aider dans la vie.
En fait, mes parents, je les déteste premièrement pour ça.
Deuxièmement pourquoi ? Pour être morts quand j'avais huit ans.
dès que tu tombes en transe, ils montent la cadence, et décident à ta place ce que tu penses.
Huit ans. Le jour de mon anniversaire en plus. Ding dong, le clocher de la mort résonne dans mes oreilles, l'épée de Damoclès qui semblait suspendue au-dessus de ma tête depuis ma naissance est enfin tombée. La guillotine a cédé à la tentation; me voilà comme amputé. Eh bien oui, mes chers. Quand on est un gosse, qu'on n'avait déjà pas grand chose à part du pain sec sur la table pour manger et l'attention d'une mère prostituée et d'un père alcoolique... ben quand on vous arrache vos parents, c'est comme si on vous arrachait votre bras ou votre jambe. Mes parents avait beau être classé dans les pires parents à avoir, moi j'les aimais. Ils étaient importants pour moi. Et puis bim bam boum, plus personne. Ronan l'orphelin. Ah non, ça rime pas. C'est plutôt Desmoulins l'orphelin. J'vous dis pas le nombre de fois où je l'ai entendu ça ! Alors, quand on vit dans un pays isolé, pauvre et tout le tralala, c'est facile pour rester libre.
Sauf que moi, j'vivais à Monaco. Ouais, ouais, le pays de Stéphanie et de Grace Kelly. Super. Mais entre strass, paillettes, et festivals à 2000€ la place, pas facile de vivre quand on a sur le dos qu'un haillon. Les gens vous dévisagent, vous fouillent de leur regard de charognards, se demandant quand est-ce qu'ils pourront bien se nourrir de votre chair fraiche. Tss. Jamais ! Je n'ai jamais voulu leur laisser ce choix. Non, jamais. La survie. Crucial dans mon cas.
Je m'enfuyais toujours de cet orphelinat, je détestais me sentir enfermé comme ça. Je ne m'appelle pas Desmoulins pour rien, vous savez. J'avais envie de révolution, j'en avais marre moi d'être cloîtré là-dedans avec tout ces pleurnichards ! Alors, tous les jours, je m'enfuyais. Bah, j'étais qu'un gosse, alors bien sûr qu'ils me retrouvaient. Endormi sous un pont, avec un carton en guise de couverture. Non monsieur, je n'étais pas SDF ! Juste vagabond. Et oui c'est différent !
Enfin... J'allais quand même à l'école. Mais je vivais une vie différente comparée à celle des autres gosses de riches qui la fréquentaient. J'avais très peu d'amis, car soit on me méprisait, soit on me craignait. Il faut dire que vivre dans la rue vous apprend à vous battre. Fallait pas me chercher. Alors, j'étais souvent seul. Mais la solitude ne m'avait jamais dérangé. J'étais né pour être indépendant, né pour être solitaire, né pour être libre !
Je méprisais tous ces enfants de riches, et tous ces riches eux-mêmes, qui se pavanaient dans la rue. Et puis mon regard croisa celui même de la princesse de Monaco.
Isalyne, qu'elle s'appelait.
Je la connaissais de nom. Comme tout le monde.
Je la prenais pour une garce pourrie gâtée.
J'avais douze ans.
Puis j'ai croisé son regard et je l'ai trouvée magnifique.
underco. ∞