Marshal & Saskia

« La souffrance ne mène pas à la révélation. »

« Oui papa, oui… Non je n’ai pas vu de mec bizarre aujourd’hui. Quoi ? Oui si on me demande mon nom je ne le donne pas ok. Oui je ne suis pas une enfant ! Comment ça l’hôpital t’a appelé. Comment ça je suis insolente. Bon tu sais quoi Au revoir... » Oui on peut dire que les conversations téléphoniques avec mon père étaient prolifiques. D’ailleurs pourquoi je lui répondais encore ? C’était simple, soit c’était pour me dire que ses magouilles étaient tombées à l’eau et donc que je devais faire attention à moi pendant un laps de temps soit c’était au sujet de l’hôpital afin de me dire que mon insolence envers le personnel médical lui faisait honte. Rien à foutre ils peuvent tous aller en enfer.

La sonnerie du téléphone retentit, je soupirais. Qu’est-ce qu’il me voulait encore ! « Quoi ! » dis-je lassée. « Hey Sasky’ on n’est de mauvaise humeur à ce que je vois. Bon ton barman préféré va te remonter le moral on dirait ? T’a oublié ton carnet au bar, tête de linotte que tu es. T’a de la chance qu’un mec assez musclé avec des tatouages l’ai vu. » « Hey, t’exagères y a écrit mon nom en gros dessus. Un mec musclé avec tes tatouages, qui traine dans ton bar miteux ? Ça doit être Marshal. » Marshal et moi c’était compliqué on va dire, dans le bon sens du terme. Enfin s’il y en avait un. On se fréquentait sans se connaître vraiment, il n’en avait pas envie et moi non plus d’ailleurs. C’était pas mal ambigu et ça s’arrêtait là. « Hey, Josh tu serais pas si Marshal aurait feuilleté mon carnet ? » Là j’étais inquiète, j’assumais à moitié mes amnésies partielles et je n’en parlais pas trop à part dans les moments où je n’avais d’autre choix. Dans ce carnet je marquais les choses que je pensais oublier dans la journée, rien de grave, rien d’important et c’est cela qui me faisait rager. J’arrivais à suivre une scolarité plutôt normale à la fac, mais je n’étais pas capable de me rappeler du nom de la laverie à côté de chez moi. « Franchement Sasky’, je ne pourrais pas te dire, mais quand il a vu ton nom sur le carnet il avait l’air étonné. Enfin tu lui poseras la question hein ? »
Josh ne me rassurait pas du tout. « Ok, j’arrive. » Je dévalais les escaliers, arrivée sur le bitume je me dirigeais vers le bar. Arrivée, j’observais la foule, Josh me fit un grand un signe de la main. Il me donna le fameux carnet. J’allais partir quand le jeune barman m’indiqua que Marshal se trouvait ici. Je souris bêtement. Je finis par trouver sa table. « Hey, merci pour le carnet. Je peux m’asseoir ? »

Marshal & Saskia

« La souffrance ne mène pas à la révélation »

« Hey, merci pour le carnet. Je peux m’asseoir ? » Sasky’ t’en avais d’autres des phrases pathétiques comme cela ? Arrête de t’attacher. Arrête, la normalité ce n’est pas fait pour toi. T’es née dans le mensonge, tu vis dans le mensonge, tu dois mourir dans le mensonge. Ca va de soi. Ces phrases anodines, elles ne sont pas pour moi. Elles sont pour les gens normaux, qui ont du sens, encore un cerveau en état, un cœur qui ne flanche pas, une conscience réelle. Alors pourquoi je l’avais sorti cette phrase. Pourquoi ? Pour oublier un instant, un infime instant que je pouvais être comme tout le monde. Ne pas me demander si demain mon état allait s’aggraver. Bruler à petit feu. Ca me torturait, mais tout oublier, ce n’est pas mieux ? Sauf que je n’avais pas été gâtée, ces conneries étaient partielles, merde déficiences mentales pas assez brutales. Ce qui veut dire que quand je pensais être normale mon amnésie me ramenait à la raison. Tu ne le seras jamais, en tout cas pas pour l’instant.

Réponse positive tant attendu. J’étais alors si sûre de moi ? Regard froid reçu. Que ce passait-il ? « Y’as d’autre tables de libre. » Douche froide ? Je ne savais que dire, il l’avait donc lu ? Le fixant je ne bougeais pas. Il voulait que j’aille à une table libre ? Ok. Je bouillais intérieurement. Sasky’ reprend toi. C’est drôle, avant ce refus, j’aurais pu le dévorer des yeux à m’en crever les iris et là ? Et là, il me refusait d’être à sa table. Je me demandais que fût le plus révoltant. Le refus ou sa façon de me dire que le carnet n’avait pas qu’été trouvé. Je ne peux pas le plaindre de l’avoir lu. Enfin si, je lui en veux, il n’aurait pas dû. Un monstre en cage, reste en cage. A bon entendeur. Je ne devais pas montrer que tout ça m’atteignait. Je lui dis enfin en souriant « Qu’est-ce que t’a appris dans ce carnet ? » J’étais nerveuse, pauvre Saskia, spirale infernale qu’est le passée. Mensonges. Il me poursuit. Il aime ça, et moi je subis. Ne le laissant pas le temps de répondre. Je rajoutais, la voix défaillante. « Attend, vu que tu n’as l’audace de me dire distinctement que tu ne veux plus me voir. On va jouer. C’est quoi que t’a appris ? L’hôpital Psychiatrique ? Les Magouilles ? Les Chantages ? Mes amnésies ? » Je m’éloignais de lui , prenant une chaise non-loin je m’installais sans trop l’être vu que je n’étais pas à sa table. A aucune table d’ailleurs. Dans le passage si vous voulez. J’étais seule, un peu comme maintenant. Toujours aussi nerveuse je rajoutais « Aucun de ce que j’ai cité ? L’histoire comme quoi j’ai trompé Gabriel ? Mes frasques au Lycée ? » Je ne dis plus rien. Attendais-je vraiment une réponse de sa part ? Je n’en sais rien, j’étais trop énervé pour m’en rendre compte. J’étais énervé contre moi, contre ce père, cette mère, contre Marshal, contre ce monde.

Encore une fois, je m’emportais. De toute façon qu’avais-je à perdre. Rien. Autant bousiller le faux semblant de vie que j’avais. « C’est vrai à par ton nom je sais rien du tout. Ce qui n’est plus le cas pour toi dans mon cas. Dit le si je te dégoûte. Tu peux au moins assumer ça. » Idiote qui pense que la roue tourne.