« Bonjour, c'est moi. » Après avoir pénétré dans la pièce légèrement éclairée, Maxyne referma doucement la porte derrière elle avant de s'avancer de quelques pas, la démarche hésitante. Son regard se posa sur la femme assise dans un fauteuil à proximité de la fenêtre, et elle lui adressa un sourire chaleureux, quelque peu mal à l'aise. « Qui êtes vous ? » l'interrogea alors la femme en question, l'observant avec méfiance et une légère pointe de crainte. Le sourire de Maxyne disparut aussitôt mais cela ne suffit pas à la décourager. Elle était habituée à un tel accueil après tout. Ce n'était pas la première fois, et ça ne serait certainement pas la dernière. « C'est moi maman. Maxyne, ta fille. » répondit-elle d'une voix douce comme pour ne pas l'effrayer. Voilà plus de deux ans que sa mère souffrait d'Alzheimer précoce. Elle ne se souvenait ni de ses propres enfants, ni de son mari. Elle pensait être encore une jeune femme dans la vingtaine et se rappelait uniquement de ses parents ainsi que de son grand amour de l'époque. « Mais... je suis trop jeune pour avoir des enfants... Louis n'est pas prêt à devenir père, moi non plus... » Louis, alias son premier amour, celui qui l'avait profondément marqué. Maxyne ne connaissait pas les détails de leur histoire, elle savait juste qu'il était mort lors d'un accident de moto et que cela avait sincèrement touché sa génitrice. « Tu n'as pas épousé Louis... Mais un homme formidable qui t'aime et que tu aimes de tout ton cœur. Vous avez eu deux enfants ensemble. » Elle n'allait tout de même pas lui révéler que son Louis était mort, cela ne servirait qu'à lui causer un choc dont elle n'avait aucunement besoin, surtout vu son état actuel. Cela remontait peut-être à des années, mais elle le vivrait comme si c'était tout récent et qui sait ce que cette annonce pouvait créer comme dommages. « Je suis mariée ? » A chaque fois qu'elle lui rendait visite, sa mère lui posait cette même question, toujours étonnée. Et à chaque fois, Maxyne s'empressait de lui en apprendre plus. Elle était bien obligée puisqu'elle oubliait tout, et n'avait aucun souvenir des visites de sa fille. C'était blessant mais la blondinette savait parfaitement que sa mère n'y pouvait rien. Ce n'était pas de sa faute mais celle de cette foutue maladie qui la consumait au fil des jours. « Oui... Il s'appelle Daniel et il est architecte. Il adore faire des blagues stupides juste pour te faire sourire. Il aime également te faire la cuisine parce qu'il sait que ce n'est pas ton fort. Et surtout, il est très attentionné, il n'hésite pas à t'acheter des fleurs ou des chocolats sans raison particulière. » A mesure qu'elle parlait, un sourire tendre s'afficha sur son minois. Repenser à tout ceci lui faisait toujours quelque chose forcément. Et le fait que sa mère n'ait plus aucun souvenir de leur famille l'attristait beaucoup bien qu'elle tentait de ne pas le montrer. « Il est le père de mes enfants alors ? » La jeune femme approuva d'un hochement de tête avant de reprendre la parole pour de nouvelles explications. « Tu as un fils prénommé Liam. Il a vingt-six ans et est informaticien. Il est marié depuis plus d'un an maintenant, et vit dans une belle maison à San Diego. D'ailleurs, sa femme est enceinte, tu vas bientôt être grand-mère... » Sa mère esquissa un très léger sourire, qui réussit toutefois à redonner un peu de baume au cœur à la jeune Dickens. C'était rare de la voir un tantinet heureuse, mais lorsque c'était le cas, elle en profitait du mieux qu'elle pouvait. « Et tu as une fille prénommée Maxyne, qui n'est autre que moi... J'ai vingt-trois ans, et je suis des études de criminologie. Ça me passionne depuis que je suis gosse, c'est pour ça que je veux en faire mon métier. Ce n'est pas tous les jours facile mais je m'accroche comme je peux. Après tout, tu m'as toujours encouragée à suivre cette voie, alors je veux réussir pour toi aussi, pour que tu sois fière de moi. Contrairement à Liam, je n'ai pas trouvé chaussure à mon pied. Il faut dire que je ne cherche pas spécialement en même temps, ça vient et ça part... Mais ça me convient pour le moment, alors bon... » Cela lui faisait toujours un peu bizarre de parler d'elle, surtout qu'elle savait pertinemment que cela n'aiderait pas sa mère à se souvenir. Mais au moins, elles partageaient quelque chose ne serait-ce qu'un instant. Et c'était déjà suffisant pour la jeune femme dont sa mère lui manquait horriblement. Elle n'en parlait pas beaucoup à ses proches mais elle ne pouvait nier le fait que l'absence de sa mère était difficile à supporter. Qui pouvait bien se passer de sa mère après avoir toujours été proche d'elle après tout ? Personne. « Je ne me souviens pas... je suis une mauvaise mère, je ne me souviens même pas de mes enfants... » Maxyne secoua la tête puis s'approcha de sa mère afin de lui prendre la main avec délicatesse. Elle n'aimait pas voir cette dernière ainsi, ça lui faisait plus de mal qu'autre chose. « Ne dis pas ça voyons. Rien n'est de ta faute, je te le promets. Tu es la meilleure mère qu'un enfant puisse avoir, ne doute jamais de ça. » Et c'était vrai. Elle a toujours été un véritable modèle pour elle, et cela depuis toujours. Toujours là pour la conseiller, la réconforter, lui donner confiance en elle ; l'aider à devenir qui elle était aujourd'hui tout simplement. « Tu n'as rien à te reprocher, vraiment. » lui assura-t-elle avec un sourire réconfortant. Perdue, sa mère ferma les yeux quelques instants, ne comprenant sans doute pas ce qui était en train de lui arriver. Mais c'était compréhensible après tout. Il y a peu, elle pensait être encore une jeune femme et voilà qu'elle apprenait qu'elle était non seulement mariée mais qu'elle avait également deux enfants. Ce n'était pas quelque chose d'évident à encaisser. « Parle moi plus de notre famille... » murmura-t-elle, ses paupières s'ouvrant au même moment. Ravie, Maxyne acquiesça le sourire aux lèvres, enchaînant directement sur un nouveau fait. Sa mère ne se souviendrait sans doute pas de cette conversation le lendemain mais qu'importe. Et puis, elle ne perdait pas espoir. Elle voulait croire aux miracles.