Je soupirai. Une fois de plus, mon père venait encore de me faire croire qu'il allait enfin venir jouer au ballon avec moi, comme il le faisait rarement. J'avais été enchanté toute la journée, me disant que j'allais pouvoir m'amuser avec lui, pour une fois. Et pourtant, il décida d'annuler au tout dernier moment, me faisant un bisou dans les cheveux tout en me faisant de brefs excuses dont j'étais certain qu'il ne pensait pas un mot. En dix ans de ma vie, je me demandai si j'avais déjà pu jouer ne serais-ce qu'une demi-dizaine de fois au ballon l'espace d'une heure avec mon père. Lui & ma mère étaient toujours occupés, préférant toujours s'occuper de leur travail plutôt que de moi. « Si tu veux jouer, je suis là moi, Aleksei. » me dit une voix féminine dans mon dos, me provoquant un sursaut tandis que je me retournai. Il s'agissait de Myriam, ma nourrice, la seule personne qui ait vraiment été là pour moi depuis le début et qui s'était toujours montrée attentive à mon bonheur. Elle me semblait tellement gentille avec moi depuis le début de ma vie. Malgré qu'elle était payée pour s'occuper de moi par mes parents, j'étais presque convaincu qu'elle l'aurait fait sans demander d'argent s'il avait fallu égayer un peu mon quotidien. Je lui lançai un léger sourire, de façon à lui prouver que j'appréciai sa démarche. « C'est gentil mais je pense que je vais plus vite aller lire un livre en haut. » répondis-je en soupirant avant de remonter les marches du garage, laissant rouler mon ballon au fin fond du garage pour me diriger vers ma chambre. Dieu merci, je commençai à être habitué et d'ailleurs il valut mieux, le reste de mon enfance se déroulant comme ça jusqu'à mes vingt deux ans.

A mes 22 ans, je décidai de partir faire un voyage à Moscou. De toute façon, mes parents ne remarqueraient même pas la différence si j'étais là ou pas, alors à quoi bon m'en priver? Cette ville m'avait toujours attirée plus ou moins, elle semblait magnifique et de plus, assez bien éloignée de l'endroit où j'avais grandi de façon à ne pas croiser mes parents. C'est là que je rencontrai la femme de ma vie ; Katerina. En plus d'avoir un physique à tomber ; blonde avec de magnifiques yeux bleutés, une taille plutôt fine et des formes là où il faut, elle était aussi magnifique à l'intérieur. Tendre, douce, attentionnée et passionnée, elle avait décidément tout pour elle. C'est ainsi que nous commençâmes une relation, nous mariant un an plus tard.

Elle apprit également, environ six mois plus tard, qu'elle attendait un heureux événement. Du moins, à ses yeux, c'était un heureux événement. J'aurai pu considérer ça comme tel aussi si le fruit de notre union n'avait donné naissance qu'à un seul bébé et pourtant, ce fut bien de jumeaux qu'elle accoucha. Deux garçons. Dés leur plus jeune âge, leurs caractères se distinguèrent bien ; Alek était beaucoup plus rebelle et moins posé que Yulian, ce qui me poussa à apprécier beaucoup plus ce dernier. Néanmoins, ça ne les empêchait pas de faire tout deux carillon dés que la faim les tenaillait ou qu'ils avaient tout simplement envie de faire enrager leur monde, ce qui avait le don de me taper souvent sur le système. C'est ainsi que je décidai de me noyer plus souvent dans mon travail plutôt que de devoir endurer leurs pleurs incessants.

Dix ans plus tard, le drame se produisit. Les jumeaux jouaient dehors et leur balle roula sur la route. Je les surveillai plus ou moins, jetant un coup d'oeil de temps en temps au dessus de la fenêtre afin de voir si tout se passait bien. Puis j'entendis soudainement un klaxon déchirant et des cris. Je me relevai d'un bond de ma chaise, me précipitant vers la porte pour voir le pire spectacle de toute mon existence ; mon fils, mon préféré des deux, étalé sous une voiture, son frère jumeau accroupi à ses côtés. Yulian saignait de partout, ce qui n'empêchait pourtant pas Alek de le serrer contre lui tout en sanglotant bruyamment. Cette fois-ci, ma vie avait décidément prit un gros coup.

Mais le coup final arriva avec le décès de mon épouse, dans son sommeil. Je m'étais réveillé un matin et je l'avais retrouvée raide morte à côté de moi dans mon lit. La tumeur qu'elle avait contracté depuis plusieurs mois avait sans doute du devenir beaucoup trop grave à force et c'était sans doute ça qui avait causé son décès. Suite à ça, je commençai petit à petit à me plonger dans l'alcool afin d'oublier toutes mes peines, oubliant presque l'existence de mon fils restant. Après tout, cet incapable ne faisait jamais rien de bon de sa vie et je ne vois pas en quoi il aurait pu m'être utile. Il savait très bien se débrouiller seul maintenant qu'il était majeur, après tout. Et pourtant, malgré tout, je ne peux pas nier que je sais que je dépend encore entièrement d'Alek ; c'est lui qui m'héberge et qui paie mes dépenses, que ce soit afin de manger ou même ma boisson, même si je savais qu'il ne cautionnait pas le moins du monde mon alcoolisme.


Il y a trois ans, Alek & moi partions vivre à San Diego, où je commençai à tenter de me reconstruire petit à petit, n'arrêtant pas pour autant la boisson et restant la plupart de mon temps dans les bras de totales inconnues dans les bars de la ville. Après tout, je pouvais bien me permettre de bien vivre, malgré que c'était Alek qui payait, du fait que j'avais payé toutes ses dépenses et tout ce qu'il cassait lorsqu'il était enfant, comme tout 'bon' parent qui se respecte. Et de plus, j'avais plus de temps pour aller draguer et boire maintenant que j'avais lâché mon emploi de notaire.