Pour dire vrai, j'ai toujours été une fille bordélique et pas franchement organisée. Aujourd'hui en était l'exemple parfait lorsque, en plein virage dans une allée de supermarché, je me rendais compte de l'heure qu'il était. Je devais voir Eliaz dans pas moins d'une heure et je venais à peine de commencer les courses, une question de vie ou de mort si l'on considérait que mon frigo ressemblait au désert de Gobi en plein été. Le temps de terminer, passer à la caisse, rentrer, tout ranger, me préparer puis ressortir... Le timing était serré, très serré, trop serré ! J'attrapais mon téléphone, balançais un paquet de céréales dans le caddie et clapotais un message sur mon smartphone.

Citation :

De Jazz.
A Eliaz.
Contenu du message Suis en retard. Pourrais pas être à l'heure au rdv, désolée. Passe plutôt à la maison, ça sera plus pratique !
Bisous, Jazzy.

Clair, concis, rapide et efficace. Les yeux rivés sur l'écran, je fonçais droit dans une caisse, faisant vibrer au passage le lecteur optique et la caisse enregistreuse sous le regard noir de la caissière. Oui bon ça va, c'est pas de l'or massif ! lui retournai-je sèchement en levant les yeux au ciel.

De retour chez moi, je m'activai à ranger chaque chose à sa place. Les sacs étaient éparpillés sur la table du salon et le soleil tapait à travers les carreaux. Je portais ma main à mon visage, imitant le geste d'un éventail. J'ouvrai la fenêtre qui donnait sur un tout petit jardin vert et paisible puis retournai à mes sacs de course, guettant du coin de l'oeil l'horloge dont les aiguilles tournaient à une vitesse fulgurante. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'il ne débarque et c'était officiel : il allait falloir que j'apprenne à m'organiser... Définitivement.

Mon téléphone sonna sur la table basse, un petit son bref que je connaissais bien tant je l'entendais à longueur de journée. J'attrapais l'appareil, rangeais une boîte de thon dans un placard et ouvrit le sms. Je regardai l'heure, soucieuse qu'il débarque au moment le moins opportun. La formule de fin me fit sourire, "ton beau Eliaz". Mais je ne me laissais pas distraire et filai me recoiffer un peu histoire de ne pas avoir la tête de la ménagère qui a passé son après-midi dans un supermarché. Je défroissai mon chemisier-débardeur rouge et tirai d'une main adroite sur mon short en jean foncé. Au même moment, quelqu'un sonnait à la porte. Le second timing était parfait, comme quoi il ne fallait jamais désespérer. J'arrive ! criai-je du fond de ma chambre, essayant d'y mettre un peu d'ordre alors que cela ne faisait qu'aggraver les choses.
Finalement, je cavalai jusque dans l'entrée et ouvrit la porte à la volée. Je passai la main dans ma chevelure brune, empêchant le vent s'engouffrant dans la brèche de la porte de ma décoiffer. Salut Eliaz ! J'affichai un large sourire, m'approchant de lui pour le serrer dans mes bras. Je lui glissai, au passage, un baiser sur la joue puis me reculai. Je suis désolée pour le changement de plan, tu me connais j'ai envie de dire ! Mais entre. J'esquissai un petit rire angélique et accompagnai mes paroles du geste adéquat puis refermai la porte à sa suite. Ca me fait plaisir de vous voir, toi et ta belle petite tête d'espagnol ! Je lui tirai la langue, toujours fière de placer l'adjectif "petit" dans la conversation alors qu'il devait bien me mettre une tête en réalité. Au fait, je te sers quelque chose ? T'as de la chance je viens de faire le réassort, tu peux demander ce que tu veux ! Rendus au salon, je me tournai vers lui pour lui faire face avec une mine assurée.

Je me poussais pour le laisser entrer et l'entendre dire que ce changement de plan n'était pas pour lui déplaire. Mes lèvres se fendirent en un sourire alors que nos regards se croisaient sans rien ajouter. Y'a intérêt, j'en venais presque à me demander comment tu pouvais vivre sans voir ce sourire ravageur ! plaisantai-je avant de me diriger vers le frigo pour en sortir une canette de soda bien fraîche. Je me hissais sur la pointe des pieds pour attraper un verre dans les placards en hauteur, au cas où il préférait boire dedans plutôt qu'à même la conserve. Je revenais vers le salon, dont la seule limite avec la cuisine se trouvait être un petit plan de travail faisant office de bar et sur lequel se trouvaient quelques papiers éparpillés et une corbeille de fruits garnie. C'est pas le grand luxe mais je pensais repeindre le salon en crème et taupe... Tout ce blanc, ça me fait penser à l'hôpital, c'est horrible ! J'arrivais à la hauteur d'Eliaz, soulevant la languette de la canette pour l'ouvrir. Je n'eus pas le temps de rajouter quoi que ce soit que le soda gicla hors de son conteneur et éclaboussa mon tee-shirt ainsi que celui de mon "invité" sans ménager sa coulée. Ahhh ! Je tenais la boîte en fer fermement mais l'écartais le plus possible pour ne pas me retrouver plus mouillée. L'eau sucrée perlait sur le sol, je ne disais pas un mot jusqu'à ce qu'un rire s'échappe finalement d'entre mes lèvres. Je tendais, non sans une certaine distraction, la canette encore pleine à Eliaz puis dessinait une auréole imaginaire au dessus de ma tête. Je crois qu'elle n'a pas aimé le voyage depuis la supérette ! J'attrapai un torchon à la volée et épongeai le tee-shirt du brun, confuse. Si tu veux je peux le mettre à la machine, ce sera plus rapide ? Comme tu veux. Je haussais les épaules, un sourire en coin et nullement choquée de la déclaration que je venais de lui faire, sous entendant clairement qu'il pouvait enlever son tee-shirt. Franchement, lui et moi n'étions plus vraiment à ça près...

J'avais toujours essayé de vanter les mérites de mon adresse légendaire, envers et contre toutes les critiques que je pouvais en recevoir de mes proches. Aujourd'hui prouvait clairement que j'avais une légère, mais très légère tendance à me fourrer dans le pétrin par moi-même. Mais je décidais de passer l'éponge sur ce petit évènement, ou plutôt sur le tee-shirt d'Eliaz, à ce moment précis. Espèce de beau parleur, je reconnais ce sourire Haverton, mieux que personne... Je lui donnai une légère tape sur l'épaule, amusée alors qu'il se délectait de son soda. Au moins il l'appréciait, c'était toujours ça de gagné ! En y repensant, je ne savais même pas pourquoi j'avais évoqué les changements que je comptais faire dans le salon. Sérieusement, qui était intéressé par un pan de mur crème ou taupe ? A la limite, j'aurais carrément pu dire jaune et turquoise que la réponse aurait été la même... Et il avait bien raison dans le fond. Malgré ça, son regard ancré dans le mien me déstabilisait même si j'essayais de ne rien laisser paraître. Je le connaissais par coeur et pourtant c'était toujours le même effet. Si bien qu'au moment où il enleva son tee-shirt, je me mordillais les lèvres, laissant mes yeux se balader sur son torse nu et parfaitement sculpté. Génial. Enfin... hum, merci, balbutiai-je dans un petit rictus entièrement contrôlé. J'attrapai le tissu blanc mouillé entre mes mains et me dirigeai vers la machine à laver. Je l'ouvris et balançai le tee-shirt à l'intérieur. De même, je déboutonnai mon chemisier et le fourrai à l'intérieur comme si de rien n'était. Le temps de glisser une "lingette anti-décoloration" dans le panier et le tour était joué. Au passage j'ouvrais le frigo et me servi un verre de lait bien frais. Puis je retournai vers le salon, poursuivant ma route vers un long couloir. Tu veux peut-être un truc de rechange ? Je sais pas si j'ai un tee-shirt ou une chemise qui pourrait faire assez viril, je ne te garantie pas. Mais si tu veux rester comme ça, je t'assure que c'est pas moi que ça va déranger ! Je pris une gorgée de lait, rafraîchissante. Je parlais assez fort cette fois, fouillant dans mes placards voir si je n'avais pas quelque chose. Malgré tout, ma voix trahissait un petit rire étouffé quand à la seconde partie de ma phrase. Non sérieux, ça vous dérangerait vous ?

Je le regardai un moment, arquant un sourcil lorsqu'il avoua me connaître autant que je pouvais le connaître. Ah oui ? Cette déclaration me fit sourire pourtant elle me laissa perplexe sur le moment. Etais-je si prévisible que ça ? Connaître les autres ne me dérangeait pas mais savoir que les autres étaient capable d'anticiper mes réactions ou savoir ce que je préférais me faisait un effet bizarre. Comme il le disait si bien, j'étais méfiante. Néanmoins je levai les yeux au ciel dans une moue distraite et ne laissait rien paraître. Personne ne peut prétendre me connaître, Eliaz... J'avais chuchoté ces quelques mots à son oreille d'une basse et sensuelle, peut-être même provocante. Un petite rire glissa entre mes lèvres mais je ne m'arrêtais pas plus longtemps à sa hauteur, filant directement vers ma chambre non sans le frôler volontairement.
Il faisait bien de répondre qu'il n'avait pas besoin de tee-shirt, car je me serais trouvée bien stupide s'il avait affirmé le contraire. Je n'étais pas du genre à garder les chemises de mes exs dans mon placard et pas non plus du genre à les porter au quotidien sinon peut-être comme pyjama. Je doutais également que ma colocataire et meilleure amie Chloé en ai une, que voulez-vous, c'était bien une maison de fille ! Je revenais au salon, le trouvant affalé sur le canapé dans toute sa splendeur. Je riais et ne put m'empêcher une petite remarque : Monsieur voudrait-il une grappe de raisins et quelques feuilles de palmier pour lui faire de l'air ? Allusion à la scène typique que l'on avait des dieux grecs, je lui lançais un clin d'oeil, capturant au passage ses dents s'accrochant à sa lèvre inférieure. Ma poitrine se souleva lors d'un souffle court puis je décidai de m'installer sur la table basse du canapé, juste en face de lui. Je crois que tu vas devoir rester comme ça, je suis pas d'humeur à plonger dans les décombres de mon placard pour trouver la chemise d'un ex ou quoi que ce soit... Oh mais tu es si généreux de faire partager ce torse à toute la maisonnée, j'en suis touchée ! Je posais ma main libre du côté de mon coeur dans une petite moue faussement touchée avant d'être trahie par un fin sourire dessinant un jolie fossette au creuse ma joue.

Je revins et m'installai sur le rebord de la table basse. Sa posture de dieu grec m'arracha un petit rire amusé et une réflexion sarcastique. Je l'imaginais drapé dans un long voile blanc, saillant sur son torse finement musclé et... Hein ? Je secouai béatement la tête, consciente que j'étais en train de m'égarer de la plus ridicule de toutes les manières. Heureusement j'avais réussi à reprendre le contrôle de mon esprit à temps et une longue gorgée de lait froid suffit à me remettre les idées en place ; bien en place même ! Hmm, laisse-moi réfléchir... Zeus est passé prendre l'apéro hier soir, il en a peut-être laissé quelques-uns dans la cuisine, répondis-je en faisant mine de réfléchir, poursuivant l'ironie un peu plus loin. C'était bien connu, j'avais beaucoup de relation avec les dieux de l'Olympe, tant que ces foutues déesses ne piquaient pas leurs crises de jalousie, évidemment... J'esquissai un sourire en coin et poursuivit : Mais au pire, je dois avoir des Ferrero Rocher -et ça au moins, c'est la vérité ! Je levai les yeux au ciel, imitant une confession très intime alors que cette conversation passerait aux yeux de n'importe qui comme une conversation entre deux ressortissant d'un asile de fous.
Puis entre deux phrases, il me tendit une main pour que je me rapproche de lui. J'hésitai à m'en emparer, vu la taille du canapé j'aurais bien vite fait de me retrouver par terre au moindre mouvement. Et autant vous dire qu'embrasser le sol n'était pas une de mes activités favorites. Néanmoins je décidai de saisir cette main, me levant avec grâce de la petite table en verre pour le rejoindre sur le sofa. Je te préviens que si je tombe, je t'entraîne dans ma chute et je me sers de toi comme coussin pour amortir ma chute ! déclarai-je en riant gaiement alors que je posai deux doigts sur son torse pour tâter le terrain. Tomber la dessus devrait être confortable, plutôt beaucoup même... Je n'avais donc pas vraiment de soucis à me faire, ha ha ! A présent collée contre lui, j'enfouissais ma tête dans le creux de son cou, feignant de dormir alors que j'humais discrètement son odeur. Moi j'aime pas partager ! Je levai la tête et le regardai avec un grand sourire, fière, en réponse à l'une de ses dernières phrases. Je passai une main dans ses cheveux bruns et en profitait pour le décoiffer au passage... Je savais qu'il détestait ça, qui aimait ça d'ailleurs ? Mais bon, je faisais tout ce que je voulais puisqu'il était à ma merci car coincé entre moi et le canapé (a).

Je n'avais jamais été en relation avec les dieux de l'Olympe, à mon plus grand regret. Oh, il y avait bien une fois en classe de lycée où je m'étais déguisée en l'un d'entre eux pour un carnaval, mais jamais ils n'avaient daigné m'accorder la moindre place importante au sein de leur communauté fermée. Pourtant, je le valais bien, non ? (a) J'étais plutôt étonnée par la réponse d'Eliaz lorsque je lui avouais le prendre comme bouclier-humain si je venais à tomber du canapé. Etait-il maso, à tel point que se retrouver propulsé au sol avec un poids sur lui lui faisait réellement plaisir ? Il fallait dire que je ne pesais pas des tonnes, mais quand même. Amusant ? Si je ne te connaissais pas, je pourrais presque croire que tu me demandes explicitement de te balancer par terre, hein ? avouai-je en éclatant de rire. Il était mignon, c'était bon à savoir. Mais à part ça, autre chose me troublait. Je m'étais rapprochée de lui, peut-être même un peu trop. Ma main ondulait le long de son torse nu et nos deux visages étaient proches, tellement proches. Je sentais son souffle s'écraser contre ma joue et je lorgnai sur ses lèvres avec une certaine envie. Il se les mordillait comme un petit enfant qui aurait fait une bêtise et cherchait à se faire pardonner. Un fin sourire en coin se plaqua sur mes lèvres lorsque soudainement, je brisai la proximité de nos deux corps en me redressant brusquement pour lui ébouriffer ses cheveux parfaitement laqués. Lui et sa petite mèche sur le côté, ce n'était pas tentant ? Et puis, ça me permettait surtout de ne pas céder à mon envie folle de goûter à ses lèvres. Comme si franchir la limite nous mènerait directement à notre fin, à tous les deux. Une simple protestation mais il ne m'arrêta pas. Décidément, il me surprenait de plus en plus ! T'es chez moi Haverton, je fais ce que je veux ! Un large sourire, j'avais chantonné ces quelques derniers mots en jubilant. Je me plaçai à genoux sur le sofa et lui déposai un baiser sur sa joue. T'as vu, je suis une vraie dictatrice, hé hé ! chuchotai-je d'un air innocent.

Ce jeu devenait dangereux. Comme toujours cette proximité ambiguë qui nous liait était incontrôlable. Quelque chose me poussait vers lui, mais je ne savais pas quoi car jamais je n'avais réussi à mettre la main dessus. Ce qui était sûr, c'est que le besoin de m'écarter se faisait sentir. En réalité je ne voulais pas m'éloigner de lui, mais rester dans ses bras était la tentation suprême. Nos visages, si proches l'un de l'autre et nos lèvres se frôlant avec innocence et désinvolture. Je n'en revenais pas d'être si forte, de me contrôler avec autant de discipline même s'il ne me rendait pas la tâche des plus simples à se mordiller la lèvre inférieure et à me regarder profondément avec ses yeux ambrés. Ah ouais ? répondis-je avec une petite voix intéressée. Je me redressai rapidement, réduisant à néant tous mes efforts d'éloignement lorsque je me plaçai au dessus de lui, à califourchon. Je le regardai de mon air fier et amusé, il avait de la chance que je ne le balance pas par terre. Bien, je me faisais peut-être passer pour une "dictatrice", je n'étais tout de même pas une sans-coeur esclavagiste. Et en plus je sais pas pour toi, mais c'est nettement plus confortable ! L'avantage. C'est sûr que c'était nettement mieux que d'être ratatinée sur un pan de sofa ridicule, risquant de perdre le contrôle face à Eliaz et son souffle chaud frappant délicatement mes joues et... flûte, reprends-toi Jazzy ! Je secouai légèrement la tête et esquissai un petit sourire, mes yeux ancré dans son regard qui ne m'avait pas quitté et qui m'hypnotisait envers et contre tout. Au fait, monsieur la superstar-je-suis-mannequin-et-chanteur... Chouette groupe nominal à rallonge juste pour qualifier Eliaz ! Je repris mon souffle puis continuai : Quoi de neuf dans ta vie ? Je veux dire, des contrats, des photoshoots... Raconte-tout à la petite étudiante monotone que je suis ! déclarai en riant.

J'étais la première à crier corps et âme qu'il ne fallait pas céder à la tentation que représentait Eliaz à mes yeux. Et manque de bol, j'étais aussi la première à me jeter dans ses bras qui me retenaient prisonnière. Oui voilà, c'était lui. C'était de sa faute parce que c'était lui qui voulait me garder à ses côtés. Du moins c'est ce dont j'essayais de me persuader alors que je montais à califourchon sur lui, glissant mes mains sur le bas de son ventre alors que les siennes se nichaient dans le creux de mes hanches. Pas faux. Dans ce cas je peux t'assurer que c'est confortable. Enfin, que TU es confortable. Tu peux dors et déjà l'ajouter à la liste de tes qualités, sympa non ? déclarai-je en faisant résonner dans le salon un doux rire cristallin.
Finalement je lui parlai de son travail, un moyen d'en savoir plus sur lui mais aussi de faire diversion. Quitte à le voir, autant prendre des nouvelles plutôt que de parler dans le vide, plaisanter et faire les cons. En plus, cet aspect de sa vie m'avait toujours intrigué. Je ne lui en parlait pas souvent, ce n'était pas ça qui m'intéressait réellement. Mais en tant que petite étudiante en journalisme et assistante de rédaction dans un magasine miteux pour un journaliste de pacotille, le monde des paillettes c'était pour moi un vrai mystère... Mes parents avaient eux aussi été dans ce milieu, mais loin des glitters hollywoodiens ils préféraient se conforter dans leur vie de hippie contre toute forme "d'exploitation artistique". Tu parles. Je le regardai donc parler, des étoiles dans les yeux lorsqu'il me parlait de photoshoots, de concerts et tout ce qui s'en suivait. Je voulais être chanteuse quand j'étais petite, genre une superstar mondiale et adulée de tous ! T'imagines ? avouai-je en riant naïvement à cette pensée lointaine. Faudrait que tu me fasses écouter une de tes chansons un jour, honte à moi je n'en connais aucune ! Je dessinai une auréole imaginaire au dessus de ma tête, me faisant passer pour un petit ange innocent et donc impossible à réprimander. Il parla alors de nouvelles rencontres et de retrouvailles avec d'anciens proches. Mais il restait très vague là-dessus, comme s'il se cachait de quelque chose. J'arquai un sourcil et lui donnai une petite tape ridicule si l'on tenait compte de ma force dans ses abdos. C'est l'avantage mais tu sais, tu peux tout me dire hein ? Je détestai que l'on me cache quelque chose. Curieuse vous avez dis ? Hum... un poil !

S'il m'invitait à profiter du confort dont je disposais à être assise sur lui de la sorte, il est clair que je n'allais pas me faire prier. J'acquiesçai d'un signe entendu de la tête, lui signifiant que ses paroles n'étaient pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Aussi, je décidai finalement d'orienter la conversation vers son travail, qui m'intriguait énormément. Avoir un mannequin et chanteur au sein d'un groupe chez soi, si ça ne respirait pas la classe absolue, je vous demande ce que pouvait bien être ! Même si pour moi Eliaz restait avant tout Eliaz car je ne savais pas grand chose de sa situation professionnelle, j'appréciais le fait qu'il ait les pieds sur terre et pas du tout un mégalo centré sur lui-même... du moins pas en ma compagnie. J'aurais pu quoi ? demandai-je naïvement, arquant un sourcil. Puis je compris. J'aurais pu devenir une star internationale ? Une chanteuse qui chante au Superbowl, passe ses journées en studio d'enregistrement et vit de sa passion ? C'était sûrement facile pour lui de dire ça vu qu'il avait parfaitement réussi, mais pour moi tout cela semblait si... naïf. Dis pas n'importe quoi Eliaz, il faut un vrai talent et une chance de fou pour réussir ça ! Et puis il y a déjà assez d'une célébrité dans cette pièce, tu ne penses pas ? déclarai-je en éclatant de rire. Puis il parla un moment de Jazzlynn, ce qui fit tilt dans ma tête. Tu connais Jazzlynn ? C'est une amie aussi, le monde est petit. Enfin amie... oui, si, on peut dire ça comme ça ! Je levai les yeux au ciel dans un sourire énigmatique. Elle et moi étions proches mais nous avions une certaine rivalité sur tout et n'importe quoi qui nous poussait à toujours faire mieux que l'autre. Oh oui, parce que monsieur a des fans, excuse-moi ! le taquinai-je avec une petite moue craquante. Puis lorsqu'il avoua qu'il n'avait pas sa guitare sur lui pour jouer, ce fut comme si une ampoule s'illuminait au dessus de ma tête. Ni une ni deux je me levais et me dirigeais vers ma chambre pour ramener à Eliaz ma guitare, celle que mon père m'avait acheté au festival country de Nashville. Je la lui tendis, un air de défi dans les yeux. Je plongeais mon regard dans le sien. Je veux. Maintenant, tout de suite et ici. S'il te plait ? Je lui fis les yeux doux. Allez quoi, il ne pouvait pas résister, hein ?

Ses mains glissaient le long de mes hanches, m'arrachant quelques frissons que j'essayais de dissimuler derrière un grand sourire et une mine ailleurs, l'air de rien. J'avais toujours considéré Eliaz comme un ami, du moins c'est ce dont je m'étais persuadée au fil du temps. Mais est-ce qu'il était normal que mon coeur s'emballe à chaque sourire, chaque regard, chaque contact ? Bien sûr. Ce devait être l'une de ces amitiés fusionnelles comme on l'entends souvent. Ouais voilà, un truc normal, pas la moindre once de sentiment ! De toute façon, c'est Eliaz. L'homme qui change de copine plus vite que son ombre, autant ne pas se faire d'illusions. Tu sais, pas besoin d'être une star pour faire un duo ! J'avais lancé cette phrase sans mâcher mes mots, et le regrettait aussitôt. J'adorais chanter, mais j'avais toujours du mal devant les autres. En réalité, le seul qui m'avait entendu chanté était Castiel et encore, c'est parce qu'il m'avait prise sur le fait ! J'espérais secrètement qu'il n'ait rien entendu, ça m'apprendrait à ne pas tourner ma langue 7 fois dans ma bouche, tiens !
En plus, voilà que la situation se corsait à l'entente du prénom de Jazzlynn. Y'avait-il tellement de rancoeur dans ma voix pour qu'il la sente et me demande des explications ? Je ne savais pas quoi lui répondre. Du tout. Que c'était pour lui, cette rivalité aggravée entre nous ? A la base non, puis au final, oui. J'en profitais pour me lever et aller chercher ma guitare. Sauvée par le gong ! Oh non, je l'adore détrompe-toi ! Il y a juste une petite rivalité amicale, tu vois... Un combat de "Jazz" en quelques sortes ! ironisai-je alors que je me dirigeais vers le couloir. Combat de Jazz ? Niveau excuse pourrie, je venais de toucher le fond. Pourtant je me réinstallai ni vu ni connu dans le canapé en glissant l'instrument à corde entre les mains d'Eliaz. Mes yeux doux avaient marché et je n'en étais pas peu fière. J'esquissai un joli sourire et admirai. Je le regardai gratter la guitare, puis y mêler sa voix avec. Il avait une voix vraiment époustouflante, comment avais-je fait pour ne pas m'en rendre compte depuis le début ? Il semblait vraiment passionné, transporté par sa chanson, il m'emmenait dans son monde avec lui. Et son regard plongé dans mes yeux chocolats n'arrangeaient pas les choses.

Il attrapa la guitare, grattant les cordes avec une infinie délicatesse. Il aurait pu jouer les yeux fermé tellement il devait avoir joué cette chanson un millier de fois ! Pourtant, je l'écoutais pour la première fois et la mélodie était simplement magique. Je n'avais aucune idée de ce pouvait bien donner l'écoute sur CD ou en concert, mais la version acoustique m'avait littéralement conquise. En plus, il savait y faire le petit Haverton ! Son regard ancré dans le mien n'hypnotisait, me mettait limite mal à l'aise alors que je baissai les yeux sur ses doigts qui frôlaient à peine les cordes de l'instrument qui produisaient un son si merveilleux. Je devais avouer qu'il était plutôt pas mauvais, même vraiment bon ! J'esquissai un petit sourire en coin, sentant ses prunelles chocolats posées sur moi. Je relevai les yeux, mordillant ma lèvre inférieure. Ouais, c'est pas mal,, dis-je à demi-mot. Je voyais le visage d'Eliaz se décomposer, sûrement surpris de ne m'entendre que prononcer ces simples mots alors que j'avais eu le droit à un concert privé dans mon salon, chose pour laquelle des filles auraient pu tuer ! Mais je ne gardai pas ma mine sérieuse très longtemps car bientôt un sourire fendit mes lèvres et vint me trahir. Je rigole, sérieusement j'adore ! avouai-je cette fois-ci beaucoup plus convaincante et sincère. Je pouvais d'ailleurs le voir se détendre. Tu as une voix vraiment... superbe. Regarde, j'en ai des frissons, c'est bien la peine de me faire un show privé si c'est pour me mettre dans tous mes états ! déclarai-je en éclatant de rire. Non mais sérieux, c'est pas tous les jours qu'on vous chante une chanson de ce genre en face à face, limite en dédicace spéciale ! Tu es multi-fonction en fait, on devrait tous avec un Eliaz-Luckaël Haverton sous la main ! plaisantai-je. Eh oui, j'avais sorti le grand jeu avec son prénom complet, hé hé !

Je scrutai son visage qui s'était éclaircit lorsque j'avais annoncé que j'adorais la chanson qu'il venait de jouer. En effet, il fallait croire que j'étais adepte des petites blagues pour faire de fausses frayeurs ( ) En tous les cas, il fallait croire que je me coucherais moins ignorante ce soir, connaissant à présent la mélodie du groupe dont faisait partie l'un de mes amis. C'était quand même un comble de ne pas en connaître ne serait-ce qu'une petite note. Pourtant j'avais tellement de mal à me l'imaginer dans la rue, interpelé par plusieurs fans à signer des autographes et prendre des photos... C'est vrai, pour moi il restait Eliaz et point barre, le reste autour ne comptait pas. Mais au moins une chose était sûre : nous partagions une passion commune pour la musique. Faut croire que je peux être très autoritaire quand je le veux ! déclarai-je en lui tirant la langue, comme une enfant de six ou sept ans. Je devrais me servir de cette formule plus souvent alors, si elle marche and que ça, le taquinai-je alors qu'il s'était arrêté de jouer. Mais à nouveau il empoigna l'instrument qu'il reposa sur ses genoux et gratta quelques cordes. Et en plus t'es pas cher, le rapport qualité-prix est vraiment top ! Cette fois-ci j'éclatais de rire mais m'arrêtai petit à petit à mesure qu'il jouait. Je plissai les yeux, comme pour mimer une scène de déjà vu et pour me souvenir. J'avais déjà entendu cette chanson, cet air de musique... Peut-être à la radio ? Oui, sûrement le matin en me levant. Oh, je connais cette chanson. Je le regardai dans les yeux et il chantonna les premières notes. Je ne connaissais que quelques paroles mais à mon tour je poussai la chansonnette en sa compagnie. Je savais pas que c'était de toi, enfin de ton groupe. C'est exactement avec cette chanson que je me suis réveillée ce matin ! Décidément. Oui, décidément il fallait que je refasse radicalement ma culture musicale actuelle, parce que ça devenait alarmant. A force d'écouter les vieux disques hippies de mes parents, huhu !