Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. ❧
Peter est né en mars 1991, et sa mère n'y a pas survécu. Que cela soit arrivé quelques secondes après sa venue au monde n'a fait qu'aggraver la peine du garçon. En réalité, elle était déjà atteinte d'une maladie incurable, le fait d’être enceinte l’affaiblissait terriblement et, bien des années plus tard, Peter compris que son père aurait voulu qu'il ne naisse pas, du moins lorsqu'il n'était pas encore là. Pour lui, elle aurait dû avorter dès l'annonce de sa maladie, et vivre un peu plus longtemps. Mais, en mars 1991, le vingt et un, Peter Sirius Cohen était là, et c'était trop tard...

Chaque matin, depuis déjà huit ans, les mêmes mots tiraient Peter d'un sommeil agité. Et il était heureux de les entendre, de se rendre compte que tout n'était que rêves jusqu'à ce moment. Des rêves troublés et troublants dans lesquels la même magnifique jeune femme avec laquelle il se trouvait tant de points communs réapparaissait toujours. Elle pouvait ne pas être visible, il savait qu’elle était toujours là. Elle ne bougeait pas, ne disait rien, et c'était encore pire que si elle avait hurlé. Cela lui apparaissait comme un reproche muet depuis qu'il savait. Il avait tué sa mère, involontairement, mais il l'avait tuée, et cela elle ne pouvait pas le lui pardonner.

L'amour est comme le vent, nous ne savons pas d'où il vient. ❧ Et, souvent, on ne le comprend pas. Peter ne comprenait pas. Cela faisait dix ans qu'il vivait avec son père, seul, et elle avait soudainement débarqué dans leur vie. Cela avait commencé avec une odeur inconnue dans la maison, puis des absences inexpliquées, de plus en plus souvent, et enfin le dîner. A la maison, bien sur, et sans prévenir. Une soirée entière passée avec cette espèce de dinde glousseuse qui émerveillait tant son père. Au matin, elle était toujours là. Les jours suivants, elle en quitta plus la villa des Cohen.

Le mariage, il aurait dû s'y attendre, elle était omniprésente dans leur vie, mais lorsqu'il les entendit rentrer en gloussant encore plus fort qu'habituellement et qu'on l'appela dans le salon, puis qu'il aperçu la bague, ce fut un choc indescriptible. Comment pouvaient-ils faire cela? Comment son père pouvait-il décider de la faire entrer dans la famille, de lui faire porter leur nom, de... Non, il ne pouvait pas lui faire cela. Et sans prévenir. La sorcière, comme il aimait l'appeler, s'était approchée de lui pour l'embrasser sur le front et il était parti, la porte de la maison avait claqué et il avait disparu. Traîner dans les rues était devenu une habitude maintenant que son père et cette... cette femme étaient ensemble. Il ne pouvait supporter de les entendre parler, alors il sortait, depuis un an. Mais il fallait bien rentrer un jour.

Il est vraiment rare qu'on se quitte bien, car si on était bien, on ne se quitterait pas. ❧ A dix neuf ans, après une longue réflexion sur quoi faire et où aller, après avoir assez bien réussi ses études, après avoir supporter neuf ans celle qui avait fait de son père un cocu, oui, Peter savait, il n'avait pas besoin de l’avoir vu ou d'en voir une preuve, mais le pire était que c'était le cas. Donc, après dix neuf ans de vie avec Jared Cohen et neuf avec sa nouvelle épouse, le jeune homme quitta définitivement, irrémédiablement, sans se retourner, la maison. Pour ne jamais y revenir. Il s'était trouvé un villa à Pacific Beach, légèrement différent de Nomal Heights où il avait passé les dix-neuf premières - et dernières années. Un boulot de photographe, ce pour quoi il se passionnait depuis déjà quelques années, et une vie qui commençait.

C'est en regardant le ciel que j'ai compris que je n'étais rien ; c'est en te regardant que j'ai compris que tu étais tout. ❧ Après avoir perdu sa mère, trouvé une remplaçante odieuse, chercher quoi faire et où vivre, Peter était enfin fixé, enfin "bien". Peut-être enfin lui-même, car aujourd’hui il faisait cela pour lui, plus pour obtenir l'approbation de Jared, plus comme s'il s'excusait d'être né. Depuis quelques temps, maintenant en 2012, maintenant alors qu'il a 21 ans et ne voit plus sa famille depuis deux ans, Peter fréquente le Dinosaur Café assez souvent, et il y a trouvé une raison de se lever le matin, de travailler comme un fou pour rien et de supporter des clients narcissiques et imbéciles. Il a trouvé sa raison, simplement, et elle s'appelle Maxine. Maxine Schwarz, qui l’horripilait tout d’abord à cause de sa ressemblance avec sa mère mais qu'il trouvait drôle avec sa facilité à se moquer des autres et ses engueulades avec son collègue au café. Aujourd'hui il sait, ou du moins le devine sans se l'avouer, qu'il l'aime. Le lui dire? Et puis quoi encore... C'est tout nouveau, tout bizarre, tout... trop pour lui.

Peter n'est pas un gars normal qui aime et qui le montre, il ne sait justement faire que bégayer des trucs incompréhensibles lorsqu'il pose son regard sur elle et perd toute son assurance. Elle lui fait de l'effet, c'est sûr, et c'est quelque chose de tellement indescriptible