Depuis qu'elle vivait à San Diego, Opale ne se déplaçait qu'en taxi, même sur une courte distance. Son accident l'avait beaucoup affaibli, et ce n'était que depuis quelques mois qu'elle avait retrouvé l'usage de ses jambes. C'est pourquoi celle-ci privilégiait toujours la facilité, ne pouvant marcher sur de longues distances. Après dix minutes de trajet, Opale paya le chauffeur et descendit de la voiture. Elle se dirigea vers le Marston House Garden, un coin plutôt tranquille. En général, les amoureux venaient ici pour contempler le paysage, mais Opale venait retrouver une de ses amies. Bluenn ne devrait plus tarder maintenant. La jeune femme l'attendit patiemment, assise sur un banc.

Quand elle s'était fait percuté par cette voiture, Opale avait cru qu'elle ne pourrait plus jamais marcher. Mais rapidement, ses jambes recommençaient à fonctionner normalement. Seulement, elle ne pourrait peut-être plus jamais reprendre sa plus grande passion : la danse. Mais Opale gardait secrètement un espoir, celui de pouvoir à nouveau danser, comme avant. Perdue dans ses pensées, la jeune femme ne vit même pas son amie Bluenn arriver. Elle était certainement entrain de faire un jogging vu sa tenue. « T'as vraiment du courage de courir par ce temps, il fait super chaud ! » s'exclama Opale en souriant. Elle déposa deux bises sur ses joues en esquissant un petit sourire, puis elle haussa les épaules. Si elle allait bien ? Pas trop, mais elle préférait voir la vie positivement depuis quelques semaines.. « Ça va plutôt bien, j'ai fait grasse matinée aujourd'hui. » En effet, celle-ci ne travaillait plus comme une dingue, et n'ayant pas fait d'autres études que danseuse, Opale n'avait aucun diplôme. M'enfin, elle trouverait bien un petit job de serveuse dans le coin dès qu'elle irait mieux physiquement. « Et toi comment vas-tu ? »

Et oui, il est vrai que la jeune femme était mannequin. Savoir que Bluenn pouvait exercer son métier sans problème donnait un pincement au coeur à Opale, involontairement. En effet, celle-ci avait eu un terrible accident de moto, c'est pourquoi elle ne pouvait plus danser. Elle avait du tout arrêter du jour au lendemain, alors que sa carrière de danseuse de tango décollait réellement.. La vie était cruelle parfois, mais la roue tourne, espérait-elle tous les jours. Sans vouloir s'étaler sur ses problèmes, Opale décrocha un sourire à Bluenn. « Oui c'est vrai que les mannequins ne doivent excéder la taille 34, je trouve ça trop bête ! Toi tu es parfaite en tout cas ! » lui dit-elle en toute franchise. Les top models étaient toutes des tas d'os en général, mais Bluenn avait tout de même des formes, ce qui était plutôt rare dans la société actuelle en mannequinat. "Si elle allait bien, c'était tout ce qui comptait". Bien était un bien grand mot, mais il est vrai qu'Opale s'en sortait de plus en plus ces derniers temps, notamment grâce à des gens comme les jeune femme en face d'elle. « Oui le moral remonte petit à petit, j'essaie de ne pas me laisser abattre. » répondit-elle, avec sincérité. Elle était très reconnaissante envers son amie, qui l'aidait beaucoup depuis son arrivée à San Diego. Quand elle entendit Bluenn qui commençait à raconter une histoire, la brune écarquilla les yeux. Avide de connaître la suite, Opale se redressa en posant ses mains sur ses genoux. « Oh mais qu'est-ce qu'il se passe ? Raconte moi tout ! »

Entendant sa réponse, Opale acquiesça en souriant. Son amie avait totalement raison, car il était inadmissible de mettre en danger la vie de centaines de jeunes filles pour un métier. Le mannequinat n'était plus ce qu'il était, ce qui désolait beaucoup Opale. « Tu as raison, même des filles faisant du 38 devraient pouvoir faire mannequins ! » Sur ces mots, Opale croisa les bras en fronçant les sourcils, faisant mine d'être énervée. Elle se reprit bien vite, en remerciant Bluenn pour ce qu'elle faisait pour elle. « Merci beaucoup.. Ça va de mieux en mieux, mais je ne sais toujours pas où j'en suis avec Santiago. Tu sais, le gars avec qui je suis censée être depuis que j'ai seize ans mais dont je ne me souviens pas ? Génial non ? » Oui, après son accident, Opale avait perdue une partie de sa mémoire. Qui plus est, une période de plus de six ans qu'elle avait passé avec Santiago. Elle espérait secrètement qu'elle puisse s'en rappeler un jour, même si elle n'en parlait pas beaucoup. Enfin, Opale écouta attentivement l'histoire de son amie, très farfelue par ailleurs. Elle était amusée par cette situation, mais très mal à l'aise aussi, pauvre Bluenn. Opale prit les mains de son amie entre les siennes et essaya de la réconforter un peu. « Mais tu peux pas annuler ce mariage ? C'est possible non ? » demanda-t-elle, soucieuse de pouvoir l'aider un minimum. « Oh mon dieu, et en plus il s'agit d'Asher, ma pauvre ! Je vais t'aider à te changer les idées t'inquiète pas ! »

Le compliment de son amie la fit sourire. Depuis son accident, Opale ne s'était jamais trouvée belle. Sans la danse, elle n'était rien de toute manière. Mais peut-être qu'elle se rendrait compte des autres joies de la vie sans sa passion.. Opale esquissa un sourire radieux, ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps maintenant. « Merci, c'est adorable. » Les deux femmes vinrent à parler de Santiago, l'homme qu'elle était censée aimer à la folie. Malheureusement, sa perte de mémoire avait effacé toute la période passée avec lui. Opale acquiesça en lançant un regard blasé à son amie. Cette situation était vraiment très gênante entre Santiago et elle-même. « Au début, il insistait beaucoup, il essayait de me rendre la mémoire en me parlant des choses que nous avions soit disant vécu. Mais ça n'a jamais marché.. Il est plus patient maintenant, il a même dit vouloir m'aider à retrouver mon talent pour la danse tu te rends compte ? » Opale soupira, elle aurait tellement aimé se souvenir. Elle espérait, un jour, retrouver sa mémoire complète. Les médecins avaient été formels, rien n'était sûr pour la jeune femme qu'elle retrouve totalement ses souvenirs d'avant. Mais elle avait toujours un peu d'espoir. Alors que ses yeux commençaient à picoter, Opale se retint de verser une larme, elle ne voulait pas pleurer maintenant. Elle ne put s'empêcher de lâcher un petit rire nerveux en entendant Bluenn. « Un tatouage ? Carrément ? Montre ! » demanda-t-elle, curieuse. Le contexte était plutôt drôle, mais en vérité, c'était surement très difficile à vivre. Opale serra fort ses mains contre les siennes, essayant de l'aider au mieux. « Peut-être qu'Asher ne te déteste pas tant que ça s'il t'a épousé.. Tu as déjà pensé à ça ? » C'était une hypothèse probable, et Bluenn n'y avait peut être pas encore pensé.

Oh pour lui laisser du temps, il lui en laissait. De toute manière, il n'avait pas réellement le choix.. Opale ne se souvenait pas de la relation qu'elle avait entretenue avec lui pendant six ans, et ça ne revenait toujours pas. D'ailleurs, elle désespérait. En temps normal, la belle brune serait tombée folle amoureuse d'un garçon comme Santiago. Mais la douleur qu'elle ressentait depuis son accident ne lui permettait pas de penser à autre chose qu'à cela. Elle comprenait de plus en plus pourquoi elle était sortie avec lui tout ce temps, car c'était un homme formidable et attentionné. Bluenn la rassurait vraiment, et Opale lui en était très reconnaissante. A ses paroles, elle se contenta de sourire faiblement, regardant son amie. Rapidement, elles divaguèrent de sujet. En effet, Opale n'aimait pas trop parler de son accident et elle voulait aussi prendre des nouvelles de Bluenn. Elle lui montra alors son tatouage dans le dos, plutôt réussi d'ailleurs. « Il est pas mal oui ! » répondit-elle, blaguant à moitié. Ce mariage peu commun était une histoire compliquée du côté de son amie, et Opale essayait de trouver des solutions. Elle était perturbée, c'était quelque chose de tout à fait normal. Mais si des sentiments se cachaient derrière tout ça ? « Qu'est-ce que tu ressens ? Tu le détestes vraiment ? »

Passer des après midi avec Bluenn était une activité qu'affectionnait beaucoup Opale. Elle se sentait bien en sa présence, et sa bonne humeur refaisait surface quand elle était à ses côtés. Son amie lui parla de son mariage inéluctable avec Asher, un homme qu'elle détestait particulièrement. Mais est-ce que justement, ils ne se détestaient pas tant que cela ? Opale lui posa la question, savoir ce que celle-ci en pensait. « Je pense que ce n'est pas anodin en effet. Vous ne vous êtes pas revus depuis le mariage alors ? » demanda-t-elle, se levant du banc où elles étaient assises depuis une trentaine de minutes. Opale sourit à son amie, toujours assise. « Ça te dirait d'aller boire un verre ? » proposa-t-elle, tandis que le soleil tapait toujours plus fort sur San Diego.