∞ Tu rentres du boulot, pour une fois, il n’est pas trop tard, à peine 16h30, t’as réussi à ce que ton patron te libère plutôt par je ne sais quel miracle. Tu rentres à pieds comme chaque jours. Pourquoi ? Parce que t’essayes un maximum de mettre de l’argent de coté, et rien qu’aller au boulot, et rentrer tout les jours à pieds, ça t’économises pas mal d’argent. Il fait chaud, et une petite brise souffle, faisant voleter tes longs cheveux châtains dans l’air d’été. Tu es vêtue d’un simple jean, et d’une chemise large, qui te donne chaud, surtout après une marche. Enfin tu arrives dans ton quartier, et comme chaque fois, tu t’arrêtes, un doux sourire aux lèvres. Là, en bas de l’immeuble se trouve le groupe de jeunes qui dansent. Comme toi tu le faisais avant, avec tes amis à Paris, comme tu le faisais avec Léandro. Cette pensée te serres le cœur, alors tu reportes le regard sur eux, et souris comme une dingue. Il y a des jeunes d’un peu tout les âges, et tu t’approches d’eux, et déposes ton sac sur le sol, avant de leur adresser la parole, pas le moins du monde timide. Ils te connaissent tous, et savent que tu danses pour t’avoir vu répéter au même endroit où il était en ce moment. ❝ Je peux me joindre à vous ? ❞ Ils te sourient, et tu te mets à danser, dans un style bien à toi, libre comme un oiseau.

∞Tu te mets à danser avec les plus jeunes, variant les pas, te laissant guider par la musique. Un grand jeté, puis des pirouettes, des pas chassés, le tout mélangé avec des mouvements moins conventionnels, des mouvements qui te viennent naturellement, que tu as appris dans la rue. Tu finis même par entamer quelques pas de tango avec un jeune d'une quinzaine d'années, tu rigoles, tu t'envoles, tu souris, tu planes. Tu es vraiment toi-même quand tu danses. Soudain, une fois te tires de ton monde, et tu te retournes, face à une blonde. Tu la reconnais directement, et lâches le jeune pour courir à grande vitesse vers elle. ❝ Ju! ❞ Tu souris, et la serres contre toi. ❝ Je me souviens, tu m'as encouragé quand personne ne l'a fait ❞ Tu te souviens que tu avais montré une affiche pour un job de danseuse à Paris, et qu’elle t’avait poussé à te présenter. Ce job, tu l’avais eu, et grace à lui, tu as pu partir de chez toi pour San Diego. ❝ Qu’est-ce que tu fais ici ? Qu’est-ce que tu deviens ? Mon dieu Juliette, c’est toi ! ❞ T’en reviens pas de la voir là, au pieds de ton immeuble. Ca doit faire trois ans que vous vous êtes quittées.

∞Tu la serres contre toi, si heureuse de la retrouver. Elle n'a pas vraiment changé, et à la fois tant ! Elle parait plus adulte qu'avant, ce qui est logique vu qu'elle a grandit, vieillit, tout comme toi. Quand elle est partie, t'étais encore une 'enfant' t'avais 16 ans. Tu t'es toujours demandé pourquoi elle est partie comme ça, du jour au lendemain. Mais tu ne lui en à jamais voulu; pas à elle qui avait toujours été là. Ses paroles te vont droit au coeur. ❝ Ooooh merci Toi aussi tu sais. ❞ La danse, c'est quelque chose que vous partagiez à Paris. Et elle dansait très bien, elle n'avait surement pas perdu la main, la danse, c'est un truc qui reste, qui est dans vos veines. Ou pas. Soit tu l'as, soit tu l'as pas. Vous vous lâchez, et tu la rejoins en t'asseyant sur les marches de l'immeuble. Tu l'écoutes, et écarquilles les yeux. ❝ Une école de danse, sérieux? ❞ tu es impressionnée, très impressionnée. Tu lui souris. ❝ Et bien, après mon diplôme, j'ai pris mes clic et mes clac, et j'ai pris un billet d'avion pour une destination loin, très loin de chez moi. Grâce au job de danseuse, celui pour lequel tu m'as soutenu, et bien j'ai réussi à mettre plus de coté, et à avoir assez pour partir. ❞ Pour une adolescente, tu t'étais très bien débrouillée seule. Tu fronces les sourcils. ❝ Pourquoi June? Juliette te va mieux, c'est ton prénom. ❞ Les deux Juliette, c'étaient vous deux, ça l'avait toujours été.

∞ Tu l'écoutes avec attention. Au moins l'une de vous avait réussi, vraiment réussi. Toi tu avais beau tenté de percer dans la danse, tu n'y arrivais pas. Soit il n'y avait plus de place et on te disait le fameux 'On garde votre candidature si on cherche quelqu'un d'autre' soit tu ne convenais pas. Et pourtant, tu dansais mieux que la plus part des gens de cette ville. Par moments, ça te désespérait vraiment, et tu commençais à douter de toi, de ton talent. Faute d'un travail dans la danse, tu travailles comme serveuse, faisant heures supplémentaires sur heures supplémentaires pour réussir à vivre et à gagner assez d'argent pour économiser. ❝ Waouw, c'est impressionnant, je suis fière de toi Ju ❞ Et tu ne l'es pas qu'un peu. ❝ C'est... compliqué, je cherche quelque chose d'autre depuis trois ans, je suis serveuse dans un bar, et je n'arrête pas de faire des heures supplémentaires... ❞ Tu soupires, fatiguée de ce rythme de fou auquel tu es tout le temps soumise. Tu l'écoutes, et tu comprends. Tellement bien d'ailleurs, toi aussi tu avais décidé de laisser pas mal de choses derrière toi en partant de Paris. ❝ Je vais avoir du mal à ne pas t’appeler Juliette... ❞ dis-tu simplement. ❝ Et ce sera Ju & Ju et plus Juliette & Juliette. ❞ Tu lui fais un grand sourire.

∞ Tu soupires, un peu fatiguée, surtout par ton travail. Tu travaillais en général jusque bien 22h, et après, tu rentrais te changer avant d'aller danser. Tu attendais toujours le soir avec impatience, et tu dansais toute la nuit, même si tu savais que le lendemain, au réveil, ce serait dur à cause de ton manque total de sommeil. Tu observes la jolie blonde avec qui tu avais passé beaucoup de temps à Paris, dans les rues, à danser. Elle t'avait manqué, tellement manqué, et ce n'est que maintenant que tu te rendais à quel point. Tu pensais souvent à elle, te demandant ce qu'elle faisait, mais tu n'avais pas vraiment le temps d'y réfléchir avec ta vie à 100 à l'heure. Maintenant que tu la revois comme ça, devant toi, tu ne veux plus la laisser partir. Tu l'écoutes, n'en revenant pas. Tes yeux pétillent. Prof de danse classique, dans une école? C'est un de tes rêves bon sang! Le classique doit être une des danses que tu connais le mieux, pour en avoir fait pendant des années en cours. Les autres danses tu les as appris comme ça, avec d'autres danseurs. Néanmoins, tu as peur, peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas y arriver. ❝ Ju, c'est super gentil mais... j'ai jamais donné cours, jamais dans une école, j'ai peur de ne pas être à la hauteur... ❞ tu lui avoues, en baissant les yeux, et en passant une main dans ta tignasse. Tu réfléchis, longuement, tu as envie d'accepter, mais... tu ne sais pas trop, tu as vraiment cette peur de te rendre compte que tu n'es pas faite pour ça, pas faite pour apprendre aux autres à danser... ❝ Les Juju, j'aime J'espère bien que t'es toujours la même! ❞ Tu souris, et lui fais un gros bisou. ❝ Bon sang ce que tu m'as manqué! ❞

∞ Enseigner, c'est ce que tu voulais faire, parce que tu danses, et tu apprends aux autres cet art que tu as en toi. Mais jamais l'occasion ne s'était présenté. Tu n'as jamais pu vraiment apprendre à d'autres à danser, bien sur tu avais déjà montrer à quelques amis comment danser la valse, ou des jetés, des pirouettes, ect, mais jamais tu n'avais donné un vrai cours. Est-ce que tu as ce qu'il fallait pour y arriver, pour réussir à partager tes connaissances? Tu n'en sais rien. Mais pourquoi ne pas tenter. Les paroles de June te touchent, beaucoup. La danse classique, c'est la première chose que tu as appris en danse. Et c'est celle que tu maitrises le mieux. Pendant plus de 7 ans tu en as fait après tout, tu connais tout. Mais tu as arrêté de danser purement classique pour varier avec d'autres genres, danses de rues, hip-hop, salsa, tango, valse, flamenco,... ❝ June, je sais pas si j'arriverai à être un bon prof, tu sais, expliquer la danse, c'est pas mon genre, j'improvise surtout, et je n'ai plus fait de classique pur et dur depuis des années. J'aimerais tenté, vraiment, mais j'ai peur de ne pas réussir à leur apprendre les bonnes choses. ❞ Tu secoues la tête, et tu as une folle envie de dire oui, de quitter ton job de serveuse dans ce bar miteux, et de te lancer dans cette aventure, auprès de Juliette, euh pardon, June. Et soudain, tu ne te contrôles plus, l'envie prend le dessus. ❝ Tu sais quoi? Pourquoi ne pas tester après tout? Je veux dire, au pire je merde, c'est que je n'étais pas faite pour ça. ! ❞ Tu lui souris. ❝ Idem, et c'était triste, ton départ, on était tous étonné. ❞ Quand elle est partie, et qu'elle n'est plus venue dansé avec vous, en bas de ton immeuble, tout le monde s'est demandé quoi, mais toi t'as compris, et c'était tant mieux si elle avait réussi à se tirer loin. ❝ Tu te souviens de Léandro? ❞ demandes-tu d'une petite voix. Elle se souviendrait surement, Léandro ou l'homme qui t'as tout appris, celui dont tu étais éperdument amoureuse, celui qui t'aimais et qui t'as protégé. Tu ouvres de grands yeux en la voyant prendre un paquet de cigarette. ❝ Fumer tue. ❞ dis-tu en en prenant une, et en la plaçant au coin de tes lèvres.

∞ Finalement, après des tonnes d'hésitations, de craintes, l'envie et la curiosité prennent le dessus, et tu acceptes en souriant. Professeur de danse. Toi qui commençais à croire que tu resterais serveuse toute ta vie. Comme quoi, la chance tourne, et la vie peut changer en une seconde. ❝ J'ai surtout peur de pas savoir donner cours tu sais, qu'ils me respectent en tant que professeur... ❞ Pourtant t'as toujours été du genre déterminée, et à ne pas te laisser marcher sur les pieds, pourquoi est-ce que ça changerait maintenant? Tu l'écoutes en hochant la tête. ❝ Je sais, on a tous compris, tu sais on rêvait tous de pouvoir se tirer de ce quartier, de Paris, pour aller loin; on était heureux pour toi que tu partes, mais... t'aurais pu me laisser un mot... j'ai imaginé des trucs horribles au début, quand je te voyais pas...❞ C'est vrai que tu flippes vite toi. Puis tu parles de lui. De Léandro. Depuis que tu as revu June, tu ne peux t'empêcher d’espérer. ❝ Peu de temps après que tu sois parti, on s'est vraiment mis ensemble, tu sais combien il me plaisait... Enfin, tout ça pour dire qu'il m'a appris des tonnes de choses, et surtout que... il a voulu m'aider, il m'a protégé de mon père, et il m'a proposé de fuir avec lui, mais ça c'est pas fait à cause de mon père.... Tu penses qu'il a pu venir ici? Enfin, tu l'as vu? Je sais qu'il parlait de l'Amérique alors bon... C'était le lieux que vous aviez choisi si un jour vous partiez à deux. Sauf que finalement, vous êtes parti chacun de votre coté, lui sans rien dire, et toi, parce que tu n'avais d'autres choix. Tu prends la cigarette et souris quand elle te l'allumes. ❝ Merci. ❞

∞ Tu sais que t’auras surement pas de mal à faire respecter ta personne devant des jeunes, après tout ce que tu as vécu, tu t’es forgé un caractère fort, et tu ne te laisses pas faire, mais il n’empêche, que tu as quand même un peu peur. Peur de mal faire, peur de ne pas assez faire,… Mais les jeunes de nos jours, et puis, je n’ai jamais été très en contact avec des enfants qui ont les moyens, je ne sais pas comment ils réagiront, comment ils sont… souffles-tu. Vous parlez du passé, mais tu ne lui en veux pas, ne sachant pas comment toi tu aurais réagi si la situation avait été inversée. Et puis, elle avait réussi, elle avait de la chance. T’as pas à t’en vouloir, on voulait tous partir de Paris tu sais. On était heureux que tu y sois arrivée toi. Et pour ce qui est de me prévenir, c’est pas grave, je sais qu’avec ta vie tout ça, t’en as pas eu l’occasion,… Puis tu repenses à lui, celui que tu essayes tant bien que mal d’oublier depuis quelques années. T’aimerais malgré tout le revoir, danser avec lui à nouveau, qu’il te serre fort… Mais tu ne le trouves pas, et il n’a pas l’air de te chercher. Puis on parle de ton père. La personne que tu détestes le plus dans ce monde. Non, il est toujours chez nous, à Paris, dans cet appart’ miteux, horrible. Elle a pas eu le courage de se casser. J’ai essayé plusieurs fois de nous faire tous partir et chaque fois, au dernier moment, elle se rétractait. Quelle débile. craches-tu. Tu l’aimes ta mère, mais quand même, elle aurait pu partir, protéger ses quatre enfants d’un père qui les bats ! Je ne sais pas comment ils vont, je n’ai pas su les contacter depuis 1 an et demi… Tu parles de tes deux frères, et de ta petite sœur. Tu les appelais mais depuis un an et demi, le numéro n’était plus le bon….

∞ Tu te laisses aller contre elle quand tu sens ses mains sur tes épaules, et souris. T’as raison, je stresse pour un rien, pourquoi ça n’irait pas après tout ? Donc je vais aller donner ma démission au bar, et je deviens professeur de danse dis-tu d’un air béat. Merci Juju, je te remercie tellement de me donner ma chance Tu lui colles un bisou sur la joue. Puis, le sujet dérive sur le passé, sur votre enfance et adolescence passées à Paris, puis évidement à Léandro, qu’une partie de toi aime encore, et enfin à ton père. Ta gorge se noue, et un frisson terrifié te parcourt, comme chaque fois que tu penses à lui. Tu as toujours cette peur encrée en toi, cette peur qu’un jour, il te retrouve, et qu’il recommence comme avant, à te taper. Cependant tu fais mine de rien. Elle n’est qu’une lâche Ju, elle ne veut pas partir, elle préfère se faire taper et que ses enfants se fassent taper que de bouger. Elle est débile, c’est tout, c’est qu’une égoïste. Et même l’avis des 3 petits la fera jamais changer d’avis. Tu passes une main dans tes cheveux en soupirant. Je ne voulais pas m’énerver, excuse-moi. Et j’ai essayé de les recontacter, de trouver leur nouveau numéro, mais pas moyen… Qu’est-ce que je vais faire ? J’ai presque assez d’argent pour les faire venir, mais pas pour les nourrir tout ça, tout les trois… J’ai tellement peur qu’ils n’aillent pas bien. souffles-tu avec un regard perdu.

∞Tu éclates de rire en la voyant faire, et secoues légèrement la tête avec un grand sourire. Aaaah Juju quand même ! « C’est vrai, j’aurais fait pareil, mais quand même, merci infiniment ! Je ne pouvais pas rêver mieux. » C’est clair qu’après tout ce que tu as fait, éplucher les petites annonces, passer des entretiens, tout ça, tu avais commencé à perdre espoir et à croire que tu allais finir serveuse toute ta vie. Vous parlez alors de ton père, homme infâme, et de ta mère, femme totalement débile, et l’énervement monte vite dans ta personne, sans que tu puisses t’en empêcher. Elle est égoïste, méchante, et stupide. Voilà ce que tu en penses de cette femme qui t’as mise au monde, il y a maintenant 19 ans. Quand June te dit que ton salaire va augmenter, tu la regardes avec des yeux brillants. « Ah oui ? Vraiment… Ils vont… ils vont pouvoir venir bientôt ? Me rejoindre tout ça ?» Pour toi, c’est comme un second rêve qui se réalise, c’était ton but, réussir à les faire venir ici, loin de Paris, loin de votre père. « Merci d’être là, à nouveau avec moi, et pour moi. » Tu l’écoutes en hochant la tête. « Ca marche, pas de soucis, bon cours alors  Je vais aller le faire de ce pas ! Et alors à lundi » dis-tu, enthousiaste, et heureuse.