«
TIMOTHY ! Ramène toi dans la cuisine ! » C'est, à pas lents que je gravis les quelques marches menant jusqu'à la cuisine familiale. Face à moi se tenait mon paternel, dont de nombreuses gouttelettes de sueur perlaient son front. Excédé, ses bras restèrent croisés tandis que son regard convergeait en direction du mien. Arquant un sourcil, je mâchais volontairement mon chewing-gum d'un air
je m'en foutiste au possible avant de m'adosser au mur, observant celui pour qui j'avais juré de ne jamais ressembler. «
Explique moi ça s'il te plaît ! » Dès lors, je le vis brandir un morceau de papier soigneusement froissé sur lequel était inscrit les mots «
Renvoi pour durée indéterminée » Me redressant, las, je finis par me diriger vers cet homme pour qui j'éprouvais une répulsion sans fin avant de prendre le papier entre mes mains. Lisant l'intitulé, j'haussais les épaules. «
Ca m'a tout l'air d'être un renvoi. » «
J'ai vu ça oui. Et j'ai entendu dire que t'en faisais pas lourd là-bas. » mon père faisait les cent pas. C'était exaspérant. «
D'un autre côté, j'ai autre chose à faire que de servir à boire à des ivrognes. » répliquais-je durement. «
Écoute moi bien, une sanction supplémentaire provenant de ton job et je te vire de la maison, t'as bien entendu ? » il me menaçait, comme toujours. «
Ouais. » Pour toute réponse, je le gratifiais d'un sourire fort ironique avant de plaquer soigneusement mon chewing-gum contre le marbre de la table. Inutile de préciser que mes actes déplacés ne plaisaient guère à mon paternel mais qu'importe. Je n'avais que faire de sa réaction. La famille Sanchez était réputée dans cette ville. Qui plus est, mon père était un illustre homme d'affaire et son métier lui prenait véritablement à cœur. Depuis près de vingt ans, je vivais à ses côtés. Ayant grandit auprès d'un homme qui ne m'apportait guère d'affection et aucune source d'amour. Je n'ai jamais connu ma mère ; j'osais à peine l'interroger à ce sujet de peur qu'il fustige. Je sais simplement qu'elle se prénommait Anna et qu'elle était strip-teaseuse. Joli métier pour une femme non ? Le seul avantage que je pouvais obtenir auprès de mon père était « la liberté » . En effet, qu'importe les règles que je transgressais, qu'importe le nombre de femmes que je ramenais à la maison, qu'importe les litres d'alcool que je m'enfilais, je pouvais faire tout ce dont je désirai. Un modèle ? Non, mon père Vlad n'en était pas un. Je profitais de lui, me jouais de la situation. Lui aussi avait connu des hauts et des bas durant sa carrière ; je songeais notamment à sa boîte qui fit faillite. Et dire qu'il désirait m'enrôler auprès de lui. Mon boulot de serveur me suffisait amplement. Disons simplement que je ne voulais pas intégrer les rangs de l'entreprise familiale maintenant.
Lâchant finalement un soupir, ce dernier me lança un regard hautain ; le soutenant avec froideur je tournais les talons pour me diriger vers l'extérieur. Pensif, j'admirais le soleil luisant dans un ciel d'un bleu aussi azur que mes pupilles. Inspirant une grand bouffée d'oxygène, je songeais à nouveau à cette femme qui m'avait mis au monde, celle que je n'avais jamais connu. Je donnerai cher pour pouvoir la rencontrer ne serait-ce qu'une poignée de secondes. Devrais-je dévoiler la vérité à mon père, lui expliquant alors que je préférai passer mon temps à batifoler auprès des demoiselles plutôt que de faire ce foutu job qui ne me rapportait que quelques piécettes ? Je ne pourrai jamais changer mon tempérament de
Don Juan ; telle était la nature dont j'étais ainsi fais. Je n'avais jamais eu le désir de rester seul ; il me fallait de la compagnie, un divertissement. Après tout, j'avais hérité des qualités de mon paternel : froid, distant, charismatique, impulsif et séducteur.
On avait finalement déménagé pour San Diego. J'avais pas de rancœur mais juste ce besoin de changer d'air. Mon père s'était retrouvé un nouveau boulot là-bas et en bon fils de famille, je l'avais suivi malgré le fait que New York allait me manquer (...) Plus le temps défilait et plus je m'emmerdais. Je n'avais plus le boulot de serveur, mon père me surinait toujours autant mais j'avais au moins réussi dans un domaine que je croyais confiné : la vente de drogues. Depuis quelques temps maintenant, j'fais des passes dans les bas-quartiers de la ville, attirant les toxicos et autres junkies à venir m'acheter mes ' produits faits maisons '. A 20 ans, on est jeune et on est loin d'être expérimenté. Je ne connaissais pas ce 'nouveau monde' mais cela ne m'effrayait pas pour autant. J'avais cette soif d'apprendre et de réussir. Pourtant, le début des emmerdes commençait. Je m'étais lié d'amitié avec un ex alcoolo qui avait fini par se reconvertir, comme moi. Il était plus expérimenté et semblait bien baratiner ses clients pour leur faire payer un prix cher. Ce gars-là était mon modèle et moi, j'étais le p'tit jeune qu'il avait pris sous son aile. Il m'avait initié à l'élocution - ou plutôt, l'art de charmer toutes personnes susceptibles d'être intéressées par de la beuh - mais également au plaisir de l'alcool. Parfois, je me faisais quelques rails de coke mais c'était juste pour être complètement
stone. A l'époque j'étais con. Et puis, l'alcool prit le dessus et ce fut le début d'une spirale infernale, d'un enchaînement de problèmes sans fin. Je m'étais fait virer de plusieurs bars, avais été frapper par des Yankees affamés, tentait de semer les flics pour ne pas aller en prison. Pourtant, la case prison m'attendait :
un an et demi de prison et encore, j'avais évité les trois ans ferme. Je trouvais que je m'en sortais plutôt bien.
Désormais âgé de 26 ans, je suis devenu un ex-taulard qui a repris son business dans les rues mal fréquentées de la ville. Je deale toujours en solitaire cette fois-ci puisque j'ai décidé de couper les ponts avec mon 'mentor' depuis mon arrestation. Grâce à lui, j'ai adopté les rudiments du parfait dealer et depuis trois ans, je grimpe les échelles au sein de la communauté
gangsta de la ville. J'ai appris à devenir plus méprisant, moins sociable et plus distant. M'étant mis à la musculation, j'ai été le premier à aller casser la gueule aux
Fags qui avaient osé s'en prendre à moi dans le passé. Mon impulsivité se soigne. J'en suis ressorti vainqueur, triomphant et également en mauvais état. Je m'en foutais. J'avais eu ma vengeance c'était tout ce qu'il importait.
Je loge dans un appartement piteux de la ville. Je n'ai plus de contact avec mon père et je mène, à 26 ans, une vie de solitaire. Des amis proches ? J'en ai quelques-uns. Les autres sont tous des ennemis ou des types qui m'indiffère. Avec les femmes, j'avoue avoir une relation malsaine. Je séduis le temps d'un soir mais ne les ramène jamais chez moi ou ne conclus jamais. J'suis assez difficile. En général, lorsque j'veux assouvir mes pulsions
quotidiennes, je me dirige vers la boîte de strip-tease du coin quitte à passer faire un tour vers les prostituées. J'ai appris avec le temps que toutes les femmes sont des
biatchs et que je n'en mérite aucune. Il y avait bien cette fille, cette
Nemo que j'avais rencontré dans un bar new-yorkais - à l'époque - elle avait beau m'avoir fait tourner la tête - à moins que ça ne soit les litres de bière que je m'étais enfilé ? - je m'étais quand même barré de la ville. Tant pis, je l'avais laissé filer pour mon bien et le sien. Parfois, j'ose à peine imaginer la tête de ma future - future, future, future - copine quand je lui dirai que j'ai fais de la prison parce que j'ai dealé et que je continue à le faire. Il y a au moins une bonne chose avec le célibat, on a moins d'emmerdes que lorsqu'on est en couple.