« Vivre dans le passé... C'est crevant. Et je devais atteindre le stade de l'acceptation que le passé c'est le passé. Et que pour avancer, je devais me concentrer sur le présent. Je sais, c'est dur de vivre au présent... Notre esprit veut être n'importe où sauf ici... Sauf l'endroit où l'on doit être. »

Assise contre le rebord de ma fenêtre, je fixe la ville qui s’étend à perte de vue. Cigarette coincée entre les doigts, je recrache lentement la fumée blanche précédemment inspirée. Les souvenirs reviennent, lentement. Douloureusement aussi. Le passé. Cette période que l'on tente tous, plus ou moins, d'effacer de nos vies. Pour certains, le passé est une période joyeuse, remplie de souvenirs tous aussi bons les uns que les autres. Pour les autres, il est une période où les souvenirs reflètent la souffrance passée. Les coups durs. Pour ma part, en cette journée estivale, bien que le soleil surplombe la ville et réchauffe les coeurs, je suis nostalgique. Nostalgique de mes premières années de vie, celles où justement, ma vie avait tout d'un conte de fée. Cette période où le sourire de ma mère était le baume à toutes mes blessures.

❀ flash-back, juin 1997 ❀

Il est vingt-et-une heure passée ce soir, et je suis déjà au lit. Étrange me direz vous ? Maman m'y a envoyé après le repas, prétextant devoir parler à mon père. Une discution de grands avait-elle dit. Télécommande en main, j'appuyais machinalement sur le bouton, laissant défiler les chaînes jusqu'à tomber sur un dessin-animé. Cet épisode, je l'ai déjà vu. Une fois, peut-être même deux. Mais ne dit-on pas jamais deux sans trois ? Alors je souris, bêtement. Je remonte la couverture et fixe l'écran qui me fait face. L'intérêt n'y est pas vraiment. En bas, la discution s’envenime. Je perçois les cris de maman, mêlés à ceux de papa. Ils se reprochent des choses que je ne parviens à comprendre. Ils crient. Encore. Et de plus en plus fort. Alors je me bouche les oreilles en y posant mes mains. Je ferme les yeux et me cache sous la couverture. Reflex enfantin lorsque l'on a peur, me direz-vous.

❀ fin du flash-back, juin 1997 ❀

Hélas, la suite ne fût guère plus joyeuse. Ce soir là, alors qu'ils devaient simplement discutés, une page s'était tournée. En effet, la porte avait claquée, laissant partir mon père, valises en main. Sans un baiser, sans un au revoir. Il avait simplement réunit ses affaires, et s'en était allé. Comme s'il avait prévu son coups, quelques jours auparavant. Ce départ, je ne l'ai pas compris sur le coup. Je ne l'ai probablement jamais digéré d'ailleurs. Les larmes qui noyaient les joues de ma mère lorsqu'elle fit irruption de ma chambre témoignèrent de l'ampleur de la situation. Mon père, cet homme droit, strict et pourtant héroïque à mes yeux, avait préféré fuir. Fuir notre famille, notre bonheur. Est-ce une chose facile à comprendre, à dix ans seulement ? Que son père a une autre vie, ailleurs ? Qu'il a une autre femme, un autre enfant peut-être ? Et qu'il a fait un choix ? Ma mère, pourtant forte en apparence, se laissa aller. Elle perdit pieds à la suite du divorce, ce dernier tirant un trait définitif sur la famille que nous formions tous les trois. Les choix sont une constante de la vie. Le choix d'être courageux, et d'aller de l'avant, de faire demi-tour et reculer... Le choix de stagner et regarder le monde passer. On se dit parfois qu'on n'a pas le choix, alors qu'en fait, c'est tout le contraire. Il y a toujours un choix. Alors, allongée sur l'herbe, je secoue la tête. Chassant ces images, ces pensées, je soupire. Cet homme, celui qui a brisé toute ma confiance. Cet homme qui semblait aimer ma mère, corps et âme, et qui l'a réduite à néants. Cet homme qui a simplement gâché mon enfance. Il est loin, il n'est plus dans ma vie. Cet homme, devenu aujourd'hui un simple inconnu. Il a refait sa vie, m'abandonnant derrière lui. Jamais. Jamais il n'a daigné téléphoner, écrire ou ne serais-ce que transmettre un message par le biais d'un intermédiaire. Pas même lorsque les démarches de divorce accompagnèrent la demande de garde me concernant, bien évidemment, lancée par ma mère. La place d’un père, la place d’une mère dans une famille, la place 2 être cher censés s’aimer pour la vie. Unis par leurs volonté, par les sentiments en commun, simplement réunis, on craint rien. Enfin, c’est ce qu’on dit, mais pas toujours c'qu’on voit, j’ai demandé pourquoi on ma répondu c’est la vie. Puis je donné mon avis faut q'je reste en dehors de ça quand l’amour se transforme en haine et qu’on se déchire devant moi. Voilà , ce qu’il en est , et ce n’est pas autrement, comprends tant d’engouement pour l’histoire de mes tourments. Le temps évolue, j’ai fais face au soucis, j’ai grandi maman et la mais papa est parti.


❀ flash-back, janvier 2004 ❀

Paris. Telle est la destination choisie par notre professeur principal, Mr Ralston, enseignant d'histoire et géographie. Ce n'est pas le voyage de fin d'année, non, mais c'est un voyage qui permets, selon lui, de nous rapprocher les uns des autres. Mais aussi, de nous instruire sur cette ville lointaine, capitale de la France. Pour moi, le rapprochement est déjà fait. Il s'appelle Mathis. Il est grand, brun. Mystérieux, un brin provocateur mais tellement charmant. Lui, c'est aussi le cancre de la classe. Celui qui s'amuse à lancer des vannes à tout bout de champs. Celui qui se fiche de collectionner les zéros et qui est abonné aux heures de retenues. Enfin. Lui, c'est mon petit-ami. Depuis quelques mois. Deux mois, peut-être trois. Ce n'est que le début me direz-vous, certes. Mais je le sens à cet instant, mon coeur qui bats si vite sous ma poitrine alors que sa main resserre doucement la mienne. Les visites de musées étant terminées après de longues heures de marche. Inutile de songer au repos, nous voilà en train de sillonner les rues de la capitale en bus, notre professeur s'improvisant guide touristique. Ma tête reposée contre son épaule, je ne prête qu'une maigre attention aux dires de Mr Ralston, ce dernier nous expliquant l'histoire des différents monuments. Au fond, moi, je me fiche des monuments. A mon oreille, Mathis me murmure quelques mots. Il m'embrasse le cou, me fais frissonner puis me serre contre son torse. Naïve, amoureuse. Je n'ai que dix-sept ans, mais contrairement à toutes mes amies, je n'ai encore jamais franchi ce pas. Celui qui nous mène à conclure l'amour, comme dirais certains. Suis-je prête ? Je n'en demeurais pourtant pas moins sûre jusqu'à ce qu'il m'emmène dans sa petite chambre à la fin de l'excursion. Dans l'intimité des quatres murs, je m'offrais à lui pour la première fois. Le regard pétillant, le coeur battant, je rêvais d'une histoire sans fin. D'une histoire sans failles. Ce n'était, hélas, sans compter l'égoïsme inébranlable de mon compagnon, qui, une fois chose faite, me lança son regard noir, perçant. Qu'avais-je donc fait de mal ? Rapidement, j'attrapais mes vêtements, les ramassant alors qu'ils s'éparpillaient sous nos pieds.

❀ fin du flash-back, janvier 2004 ❀

Ce soir-là, fût notre dernier rendez-vous. La dernière fois où ses lèvres embrassaient les miennes sans la moindre once de retenue. Le lendemain, alors que nous étions toujours à la découverte de cette ville Française, un simple message marqua la fin de notre histoire. Ce n'était qu'un pari, qu'un vulgaire pari entre lui et ses amis afin d'obtenir ma virginité. Encore une fois, c'est un homme qui m'acheva. En lui, je trouvais la confiance perdue suite à l'abandon de mon père. Mais une fois de plus, c'est un abandon qui vint me faire comprendre que jamais plus je ne devrais accorder ma confiance. Là, fût aussi mon premier chagrin d'amour. Il n'avait rien de semblable à celui qu'avait subit ma mère lorsque mon père s'en était allé, mais je parvenais, malgré mon jeune âge, à comprendre la douleur qu'elle avait pût ressentir. Un vide. Puis un manque. Un manque constant. Une tristesse. Puis des regrets. Des regrets conduisant à la haine. La haine ne signifiant rien de bon, conduisant à l'indifférence la plus totale. Au mépris.

❀ janvier 2011 ❀

C'est terminé. Enfin. L'année scolaire est terminée. Diplôme en poche, je quitte l'Université, foulant pour la dernière fois les couloirs que je ne connais que trop bien. Les années s'y sont écoulées, les histoires également. Passant d'un homme à autre sans le moindre remords, je me suis longtemps réfugiée sous une carapace de femme sûre d'elle. De femme au caractère fort, froid qui n'a guère de sentiments envers la gente masculine. Certes, l'amour, le vrai, m'a manqué, et me manque encore. Mais jamais plus je ne laisserais l'occasion à quelqu'un de me détruire. Encore moins à un homme. Mon père fût le premier. Mathis, mon premier amour, fût le dernier. Il fût d'ailleurs mon premier, et mon seul amour. L'amour, d'ailleurs, je n'y crois plus. L'amour n'est rien, l'amour n'est qu'apparences. L'amour n'est que tromperies.

❀ année 2012

Un an maintenant. Un an que je suis ici, dans cette nouvelle ville qu'est San Diego. Cette ville, ce paradis. Là où le soleil nous surplombe. Là où la plage nous est commune, voisine. San Diego, ville d'un nouveau départ. Ville où je suis une journaliste reconnue. Cette ville où bon nombre de touristes affluent de jour en jour. La raison ? Maître Alexandre et ses délicieuses pâtisseries. N'avez-vous jamais goûté son pain viennois ? Ses macarons ? Pour ma part, j'en suis accro. Sans le moindre doute. Active professionnellement, je profite de la vie, tentant malgré mois de chasser le passé. D'ailleurs, cette après-midi, alors que le soleil réchauffe la ville, bien que quelques souvenirs me reviennent, je souris. La vie, je la respire. La vie est belle, la vie est courte. Et pour moi, il est hors de questions de retomber de nouveau.