Le soleil se lève doucement au-dessus du lac trônant au fin fond de mon terrain. Le spectacle est comme toujours absolument fabuleux. Je suis réveillée depuis de nombreuses heures déjà, je me demande même si j'ai dormi dans le fond mais, en cet instant rien ne compte. Mon regard azur est perdu devant ce tableau se peignant sous mes yeux, à chaque seconde il se modifie de nouveau. Fabuleux est sans doute le mot qui convient le mieux pour décrire la scène à laquelle j'assiste. Mon être est encore anesthésié de toute douleur pour le moment malgré le fait que des larmes roulent sur mes joues depuis un petit temps déjà. Depuis la mort de Charles je ne me rends réellement compte de lorsque je pleure ou non.

Je me souviens encore du jour où j'étais arrivée à San Diego. Je devais faire les courses pour remplir mon frigo, je m'étais donc rendu au supermarché afin de faire le plein et c'était dans le rayon des liquides que je me rendais compte que je ne percevais plus rien. Alors, je passais mes mains sur mes joues pour les essuyer sans me rendre compte qu'elles étaient trempées. Une femme s'était alors arrêté devant moi et m'avait dit : ❝ Mademoiselle, est-ce que vous allez bien ? ❞ Je la fixais alors interloquer, ne comprenant pas pourquoi elle me posait cette question. Alors, je lui répondais en bégayant : ❝ Pour ... pourquoi me demandez-vous cela ? ❞ Plus rien n'était logique à mes yeux ni normal. Tout était terne, sans vie, sans gout, sans odeur. Tout était mort à l'intérieur de mon être, une partie de moi s'en était allée avec Charles. Il ne restait plus rien, hormis une coquille vide. ❝ Et bien vous pleurez ... vous êtes sûr que tout va bien ? ❞ Alors, je secouais la tête négativement. Pourquoi pleurais-je ? Je m'en serais rendu compte si c'était le cas. Alors, je la fixais interdite puis, soudainement en colère. ❝ Je ne pleure pas, je le serais si c'était le cas ! Non mais, n'importe quoi. ❞ Et des trémolos résonnaient dans ma voix. Je me rendais alors compte que ce n'était que la pure et stricte vérité. Je pleurais sans même m'en être rendu compte. Cela était devenu si présent dans ma vie depuis son départ que je ne m'en rendais même plus compte. Honteuse, j'étais partie sans le moindre achat, en courant pour rejoindre ma voiture et j'avais roulé des heures durant sans savoir où je me rendais. J'étais finalement rentrée dans ma villa à la tombée de la nuit.

Passant le dos de ma main sur mes joues, je sèche ses nouvelles larmes qui continuent de couler en permanence sur mon visage de poupon. Je me demande même si la nuit je ne pleure pas puisque tous les matins, je me réveille les yeux collants et bouffis. Un soupire s'échappe alors d'entre mes lèvres, une nouvelle douleur me transperce le cœur et alors je sais qu'elle ne s'évanouira pas avant la fin de la journée, lorsque je m'endormirais. Pourtant, aujourd'hui je ne peux me le permettre. Depuis que je suis arrivée à San Diego j'ai rencontré une jeune femme me ressemblant comme deux gouttes d'eau. Elle se nomme Cadence et rapidement nous avons sympathisé. Nous avons donc convenu de nous voir pour nous rendre au SPA de la ville de San Diego afin d'y passer le week-end. Malheureusement l'envie n'y est pas mais, il n'y a aucune échappatoire possible. Je lui ai promis de venir la chercher pour passer un week-end fabuleux entre amies et je me dois de tenir ma promesse.

Je m'arrache alors de ce magnifique spectacle qui me semble soudainement norme depuis que cette douleur est réapparue en moi et je me redresse pour pénétrer dans ma chambre. Je la traverse alors sans regarder où je mets les pieds et je m'engage dans la salle de bain pour prendre une douche rapide et brûlante. L'eau consume ma peau mais, je ne réagis pas. Mon regard est éteint depuis l'instant où il m'a quitté et personne n'a encore réussi à réanimer la flamme qui faisait étinceler mon regard. Passant un rapide coup de brosse dans ma chevelure fauve et les séchant j'aperçois la visage d'une autre dans la glace. Je ne reconnais pas la femme se tenant sous mes yeux. Où est donc passé sa bonne humeur ? Sa joie de vivre ? Son sourire radieux ? Ses magnifiques fossettes ? Je ne suis plus la même, je suis devenue aussi terne que le monde qui m'entoure. Il n'y a plus de couleurs mais, seulement du gris autour de moi. Alors, je me retire de la salle de bain ne supportant plus mon reflet pour rejoindre ma chambre à coucher afin de trouver quelque chose à me mettre. J'enfile rapidement un jean slim noir et un t-shirt large que je noue à la taille. J'enfile ma veste en cuir et mes petites baskets avant de fourrer quelques vêtements dans mon sac. Après cela j'appelle Henri, mon major d'homme et conducteur qui a désiré me suivre après la mort de Charles afin de venir me chercher. Il vit dans ma propriété dans une maison avec toutes sa famille qui se plait à San Diego. Il ne lui faut pas plus d'un petit quart d'heure pour venir me chercher devant mon immense bâtisse. La limousine blanche immaculé me fait penser à Charles puisqu'il s'agit de la sienne. C'est aussi l'une des seules choses que j'ai daigné apporter de Paris. ❝ Mademoiselle Fleurdepois. ❞ Me dit-il en m'ouvrant la portière. Je lui fais un bref signe de tête en guise de bonjour et m'engouffre dans l'habitacle en attendant d'arriver devant chez mon amie. ❝ Veuillez klaxonner s'il vous plait. ❞ Je lui dis alors, mon regard vide. Puis, j'esquisse un sourire faux me préparant à jouer le jeu de la jeune femme heureuse pour ne pas faire peur à ma nouvelle amie. Lorsque la porte s'ouvre, il s'agrandit un peu plus afin de l'accueillir comme il se doit. ❝ Je ne sais pas réellement, c'est un cadeau. ❞ Je lui réponds alors avant de la presser légèrement contre moi avant de lui faire une bise. ❝ Oui, je suis prête à passer un superbe week-end. Je suis heureuse de le partager avec toi. ❞ Mes dire sont vrais bien qu'emprunt d'une certaine lassitude et léthargie.

Des souvenirs que je tente de refouler remontent à la surface. Avoir gardé sa limousine n'est sans doute pas la meilleure idée qu'il soit, pourtant, je sais qu'il l'aurait voulu. Charles aimait plus que tout venir me chercher en limousine lorsque nous dînions ensemble. Nous avons vécu de si bons moments dans cet immense habitacle. Nous y avions échangé notre tout premier baiser. C'était un soir où nous rentrions d'un restaurant italien. J'avais une magnifique robe rouge, dos nu et arrivant à mi-cuisses avec ces magnifiques Louboutin qu'il venait de m'acheter. Lui comme toujours était vêtu d'un costume noir, magnifique comme toujours. Il était l'homme le plus beau du monde à mes yeux, personne ne pourrait lui arriver à la cheville. Il avait une prestance et une classe qu'aucun homme pouvait avoir. La lune était présente, nous étions dans la limousine depuis quelques minutes déjà et ni lui ni moi ne pipions mot. J'étais absorbé par cette fabuleuse soirée que nous avions passé ensemble, cela faisait plusieurs années déjà que nous vivions ensemble Charles et moi et pourtant, il n'avait jamais amené de femmes. Il n'avait même aucun regard sur toutes celles que nous croisions, il n'avait d'yeux que pour moi, son petit faon. J'avais selon lui des yeux de biches mais, je n'étais pas encore assez grande pour en être une. Alors, blottis dans ses bras dans l'immense limousine je me demandais à quoi pouvait bien rimer toutes ces attentions, ce surnom et ses dîners ainsi que ces présents. J'aimais Charles, je le savais au plus profond de moi-même, j'en étais amoureuse et je lui avais dit et alors, il m'avait répondu que je ne pouvais pas. Que j'étais bien trop jeune pour lui et que nous ne pouvions guère nous aimer. Certes, nous avions dix années d'écart mais, cela n'avait aucune importance pour moi. Des larmes commençaient à rouler sur mes joues, je pleurais en silence mais, rapidement Charles s'en était rendu compte. ❝ La soirée ne t'a pas plu ? ❞ Je déposais mon regard sur la vitre pour ne pas l'affronter et je ne répondais pas tout de suite, reniflant à cause des larmes. ❝ Si ... la soirée était parfaite. ❞ Je m'étais enquis de lui dire. ❝ Eden ma douce, pourquoi pleures-tu alors ? ❞ Je ne pouvais empêcher mes larmes de dévaler mes joues et laissant pénétrer mon regard dans le sien, je lui avais répondu : ❝ Oh rien ! Tu ne m'aimes pas comme moi je t'aime c'est tout. Je suis ridicule ! ❞ Voulant le repousser, il avait gardé prise autour de ma taille et me rapprochant de lui, il avait encré son regard dans le mien. ❝ Chut ... ne redis plus jamais ce genre de choses. ❞ Alors, il avait déposé un doigt sur mes lèvres et avait rapproché son visage du mien. Je n'avais pas compris tout de suite ce qui allait se produire et puis, nos lèvres s'accrochèrent pour finalement se sceller.

Je ferme alors mes prunelles bleutées et je respire doucement. Des frissons envahissent tout mon petit corps frêle, je me sens grelotter et mes dents claquent les unes contre les autres. Penser à Charles ne m'aide pas à me sentir mieux, je souffre d'avantages en songeant à lui. Une énorme plaie béante a envahie mon être lorsqu'il s'en est allée et à présent, je dois apprendre à vivre avec celle-ci. Parfois, j'aimerais que la douleur cesse mais, d'une certaine façon je suis "heureuse" de la ressentir. Cela me prouve qu'il a réellement existé, que j'ai vécu tous ses fabuleux moments avec lui et jamais, oh grand jamais, je ne voudrais que tout cela n'ait été que le fruit de mon imagination. ❝ Va t-en Charles, je t'en prie, va t-en. ❞ Je me dis alors à moi-même. Je n'ai pas envie de gâcher notre virée entre filles et pourtant, je sens que c'est bel et bien le cas. Il ne faut pas sortir de Saint Cyr pour se rendre compte que je ne suis pas dans mon assiette. À cause des larmes je dois avoir les yeux bouffis et cela doit forcément se remarquer. J'hésite à lui parler de tout pour rompre le silence et pour qu'elle comprenne que parfois même, souvent je vais mal. Pourtant, je n'ai pas envie de tout gâcher, elle n'a pas besoin de savoir pour m'apprécier. La preuve, elle se tient à mes côtés dans la limousine. Mordant légèrement ma lèvre inférieure je m'apprête à parler lorsqu'elle rompt le silence. Les cours, voilà un autre domaine que je ne connais plus depuis longtemps. J'ai quitté l'école il y a plus de dix ans déjà et à présent le système scolaire doit bien avoir changé. Comment le lui dire cela aussi ? Décidément, je ne suis pas la bonne personne avec qui parlé. ❝ Je ne sais pas, c'est la toute première fois que je m'y rends. Je nous ai pris deux chambres, l'une à côté de l'autre. Tu pourras ainsi te reposer sans entendre mes ronflements. ❞ Je souris alors, essayant de détendre l'atmosphère tendue qu'il s'est créé dans la limousine lorsque le chauffeur l'arrête enfin. ❝ Nous devons être enfin arrivés. ❞ Je lui dis alors lorsque la portière s'ouvre. Cadence sort, suivis de très près par moi et nous nous arrêtons devant l'immense immeuble. Le regardant de haut en bas, je m'empare de mon petit sac préparé à la va-vite puis je pénètre dans le hall suivi de près par Cadence. Je me racle la gorge avant de m'adresser à la jeune femme se tenant devant nous. Après le blabla habituelle nous sommes escortée jusqu'à nos chambres et nous les découvrons enfin. Je dépose mon petit sac et accompagne Cadence dans la sienne. Les pièces sont spécieuses, l'endroit est propre, classe et moderne. Un sourire s'esquisse sur mes lèvres lorsque je lui demande : ❝ Alors, qu'en penses-tu ? Donne-moi tes premières impressions. ❞ Un rit léger s'échappe d'entre mes lèvres, toutefois, je reste soucieuse, espérant qu'elle aime l'endroit où nous sommes pour les deux prochains jours.